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07/06/2007 | FRANCE | N°04BX00365

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 07 juin 2007, 04BX00365


Vu la requête, enregistrée le 27 février 2004, présentée pour la société LA BATIDA, dont le siège est 8, place Gambetta à Saint-Pierre d'Oleron (17130), par Me Delayat ; la société LA BATIDA demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0201686 et 0201688 du 19 décembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes en décharge des compléments d'impôt sur les sociétés et des pénalités dont ces impositions ont été assorties, auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1996, 1997 et 1998 et du complément de taxe

sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvie...

Vu la requête, enregistrée le 27 février 2004, présentée pour la société LA BATIDA, dont le siège est 8, place Gambetta à Saint-Pierre d'Oleron (17130), par Me Delayat ; la société LA BATIDA demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0201686 et 0201688 du 19 décembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes en décharge des compléments d'impôt sur les sociétés et des pénalités dont ces impositions ont été assorties, auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1996, 1997 et 1998 et du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1998 et des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 7 622,49 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

…………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mai 2007 :

- le rapport de M. Laborde, rapporteur ;

- les observations de Me Delayat, pour la société LA BATIDA ;

- et les conclusions de M. Doré, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société LA BATIDA, qui exploite un bar-restaurant pizzeria proposant des ventes à consommer sur place et à emporter, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur les exercices clos en 1996, 1997 et 1998 ; que l'administration ayant estimé que la comptabilité de cette entreprise n'était pas probante a reconstitué les recettes restaurant et lui a assigné des compléments d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée dont la requérante demande la décharge ;

Sur la régularité de la procédure de redressement :

Considérant, en premier lieu, que si, pour répondre aux observations du contribuable, le vérificateur a, dans l'exercice du droit de communication, pris connaissance du dossier de plainte déposé par la société LA BATIDA qui pour contester la reconstitution de son chiffre d'affaires se prévalait de vols de vins commis par la femme de ménage du restaurant, il est constant que la reconstitution du chiffre d'affaires de la société ne se fonde pas sur les pièces de cette procédure pénale ; qu'en outre, la société qui a demandé au vérificateur « les éléments d'information relatifs à vos affirmations retracées page 9 » de la réponse aux observations du contribuable ne peut être regardée comme ayant demandé communication des documents que le vérificateur n'était pas tenu de lui adresser spontanément ; qu'enfin, elle a reçu le 12 juin 2001, avant l'envoi de mise en recouvrement, l'indication des pièces consultées de la procédure pénale ; qu'ainsi, la société LA BATIDA n'est pas fondée à soutenir que la procédure de redressement aurait méconnu les droits de la défense ;

Considérant, en deuxième lieu, que la réponse aux observations du contribuable ne peut être regardée comme insuffisamment motivée par le fait que le vérificateur n'a pas spontanément communiqué à la société requérante les documents de la procédure pénale sur lesquels il s'appuyait pour réfuter ses observations ;

Considérant, enfin, que la commission départementale des impôts directs et taxes sur les chiffres d'affaires ne s'est pas fondée sur des monographies professionnelles pour valider les coefficients appliqués par le vérificateur dans sa reconstitution ; que, dès lors, la circonstance qu'elle n'a pas communiqué à la société lesdites monographies avant de statuer sur le différend dont elle était saisie n'a pas été de nature à rendre son avis irrégulier ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : « Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge (…) » ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que les recettes étaient comptabilisées globalement par jour et que si des coupures centralisatrices journalières dits tickets « Z » permettaient, à compter du 25 mars 1996, de justifier pour chaque jour le nombre et la nature des plats et liquides, comptabilisés, ils ne permettaient pas, en l'absence d'autres documents tels que doubles de notes numérotées ou bandes de caisse enregistreuse détaillant les ventes par facture, de justifier des quantités vendues et alors que les divers modes de règlements ne sont souvent pas corroborés par l'agenda de caisse ; qu'alors même qu'elle serait régulière en la forme, la comptabilité de la société LA BATIDA a fait apparaître, à l'occasion de son examen, un écart anormal, sur toute la période vérifiée, entre les quantités de vin achetées et consommées et les quantités de vin facturées à la clientèle ; qu'à supposer même que le vin « Valdona » rouge ordinaire ne devrait pas être pris en considération au titre des ventes au pichet et en sangria figurant à la carte, l'écart non contesté des autres vins servis en bouteille correspond à 848 bouteilles en 1996, 565 bouteilles en 1997 et 980 bouteilles en 1998, soit respectivement 21 %, 15 % et 27 % des bouteilles consommées ; qu'un tel écart ne peut se justifier ni par les offerts, lesquels ont été fixés à 50 bouteilles par exercice à défaut d'indications dans la comptabilité de la société, ni par le fait que celle-ci allègue avoir subi des vols de la part de son ancienne femme de ménage, dès lors qu'il n'a pu être prouvé que le vol d'une seule bouteille ; que, dès lors, la comptabilité de la requérante doit être regardée comme entachée de graves irrégularités la privant de sincérité et, par suite, de valeur probante ;

Considérant, en second lieu, que les impositions litigieuses, établies dans le cadre de la procédure contradictoire, ont été fixées conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que conformément aux dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales précité, la société requérante ne peut obtenir la décharge des impositions contestées que si elle établit que la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires est excessivement sommaire ou radicalement viciée dans son principe, ou si elle propose une autre méthode de reconstitution plus précise que celle retenue par l'administration ;

En ce qui concerne la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires :

Considérant, d'une part, que la société LA BATIDA reprend en appel les arguments qu'elle a fait valoir devant le tribunal administratif sans les assortir d'éléments nouveaux ou d'une critique utile de la motivation par laquelle les premiers juges ont écarté ses moyens notamment sur les surévaluations des quantités de vin « Valdona » rouge consommé au cours des exercices en cause ; qu'elle ne produit au dossier aucun élément susceptible d'être utilement soumis à une mesure d'expertise ; que si elle soutient à nouveau que la méthode de reconstitution serait viciée dans son principe en ce qu'elle se fonde notamment sur des quantités de vin « Valdona » rouge qui ne serait jamais servi à la clientèle en tant que tel, il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient la société, du vin rouge ordinaire faisant l'objet d'une facturation individuelle sur la carte est servi aux repas en pichet et est utilisé pour la composition des sangrias ; qu'elle n'établit pas que le vin rouge vendu proviendrait uniquement de cubitainers de vin rouge d'un prix supérieur ; qu'ainsi, la reconstitution, même si elle n'a pas été corroborée par l'examen d'une autre méthode, comme la pesée des aliments, n'est pas viciée en son principe ;

Considérant, d'autre part, que la circonstance que l'administration a admis, à la suite de la réclamation de la société, de retirer des bases de la reconstitution le vin blanc « Valdona », n'est pas de nature à établir qu'en maintenant pour la reconstitution les quantités de vin rouge « Valdona », après réfaction de 19 % pour l'utilisation en cuisine et la confection de sangria offerte, le vérificateur aurait surévalué les quantités de vin « Valdona » rouge facturées ; que la société qui n'a pas inscrit en comptabilité les quantités utilisées en cuisine ou offertes n'établit pas que l'usage interne de ce vin aurait été supérieur au taux de 19 % calculé à partir des données propres de l'entreprise ;

Considérant, enfin, qu'il y a lieu par adoption des motifs retenus par les premiers juges d'écarter les moyens tirés de ce que les volumes de vin sur lesquels le vérificateur s'est fondé devraient être minorés pour tenir compte de vols commis par une femme de ménage du restaurant ou de pertes, offerts et consommation du personnel ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société LA BATIDA n'établit pas le caractère exagéré de la reconstitution ;

Sur les pénalités :

Considérant qu'aux termes de l'article 1729-1 du code général des impôts : « Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou de 80 % s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ou d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société, au cours des trois années en cause, enregistrait globalement ses recettes en fin de journée sans pouvoir justifier de leur détail par des pièces comptables, tel que brouillard de caisse ou fiches ; que ces pratiques comptables défectueuses ont abouti à la minoration de ses recettes déclarées ; que le montant des minorations de recettes qui ressortent de la reconstitution de recettes effectuée par le vérificateur, fondée sur une étude menée contradictoirement et tenant compte des données propres à l'entreprise s'élève respectivement à 17 %, 15 % et 30 % du chiffre d'affaires déclaré pour 1996, 1997 et 1998 ; que ces faits mettent en évidence l'importance et le caractère répétitif des omissions constatées et traduisent en l'espèce la volonté délibérée, de la part de la société, d'éluder une partie de l'impôt dû ; que l'administration doit, dès lors, être regardée comme ayant apporté la preuve de la mauvaise foi de la société, même si celle-ci n'a pas dissimulé les achats matière et permis au vérificateur de relever les quantités de vin manquantes ;

Sur la majoration prévue à l'article 1763 A du code général des impôts :

Considérant qu'invitée sur le fondement de l'article 117 du code général des impôts à désigner le bénéficiaire des revenus distribués, la société LA BATIDA a désigné son ancienne femme de ménage, employée du 19 novembre 1993 au 4 mai 1999, en précisant que cette personne avait été prise en flagrant délit de vol le 5 mai 1999 ; qu'au regard des importants écarts entre la comptabilité matière et les ventes et des circonstances du vol allégué, la désignation effectuée par la société était dépourvue de toute vraisemblance ; que, par suite, l'administration a pu régulièrement soumettre cette dernière à une pénalité égale au montant des sommes distribuées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société LA BATIDA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes ;

Sur les conclusions tendant à la modération des pénalités :

Considérant qu'il n'appartient pas au juge de l'impôt de prononcer la modération des pénalités demandées à titre gracieux ; qu'en outre, la société requérante ne fait état d'aucun litige né et actuel résultant d'une décision prise sur le fondement des dispositions de l'article L. 247 du livre des procédures fiscales qui permettent à l'administration, dans certaines circonstances, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'accorder des remises d'impôt ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à la société LA BATIDA une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société LA BATIDA est rejetée.

2

N° 04BX00365


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme FLECHER-BOURJOL
Rapporteur ?: M. Jean-Louis LABORDE
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : DELAYAT

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Date de la décision : 07/06/2007
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 04BX00365
Numéro NOR : CETATEXT000017994681 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2007-06-07;04bx00365 ?
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