Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 16 juillet 2004, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE représenté par son directeur général, par Me Cara ;
Le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement en date du 11 mai 2004 en tant que le Tribunal administratif de Toulouse l'a condamné à payer à la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, d'une part, la somme de 31 309,19 euros et, d'autre part, les échéances postérieures au 1er juillet 2003 des arrérages d'une pension d'invalidité dont le capital constitutif a été fixé à 10 642,47 euros , l'a condamné, en second lieu, à verser à la même caisse la somme de 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, enfin, a mis à sa charge les frais d'expertise d'un montant de 1 041 euros ;
2°) de rejeter l'intervention volontaire de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne ;
3°) de décharger le centre hospitalier des frais d'expertise ;
4°) de condamner la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne à lui verser la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 avril 2007,
le rapport de M. Cristille, premier conseiller ;
les observations de Me Faure-Tronche du cabinet Montazeau Cara Thalamas pour le centre hospitalier de Toulouse ;
et les conclusions de M. Péano, commissaire du gouvernement ;
Considérant que Mme X a été prise en charge au service de neurologie du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE pour la résorption d'une fistule durale ; qu'elle y a subi, le 24 mai 2000, une embolisation destinée à occlure la communication artérielle anormale ; que durant la réalisation du geste thérapeutique, un accident vasculaire cérébral est survenu, suivi d'hémiplégie du côté droit associée à une perte du langage ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Toulouse, après avoir retenu la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE, pour défaut d'information de la patiente, l'a condamné à verser à la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne la somme de 31 309,19 euros au titre des débours engagés pour le compte de son assuré social et les arrérages d'une pension d'invalidité dont il a ramené le capital constitutif à 10 642,47 euros ; que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE relève appel de ce jugement ; qu'il conteste l'engagement de sa responsabilité ainsi que l'existence de droits propres de la caisse primaire d'assurance maladie, dès lors que le tribunal n'a pas statué, en fin de compte, sur l'action de la victime ; qu'il soutient que la créance de la caisse primaire d'assurance maladie n'établit pas que ses débours ont pour origine, de façon certaine, l'accident médical et conteste, accessoirement, le chiffrage des sommes réclamées ; que, par la voie de l'appel incident, la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne demande la réformation de ce jugement en tant qu'il condamne le centre hospitalier universitaire à lui verser une indemnisation qu'elle estime insuffisante au regard des prestations servies et des arrérages échus de la pension d'invalidité qu'elle verse à Mme X ;
Sur la régularité du jugement :
En ce qui concerne la motivation du jugement :
Considérant qu'en faisant droit à la demande dont ils étaient saisis par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, les premiers juges ont implicitement mais nécessairement répondu au moyen, d'ailleurs, inopérant, invoqué en défense par le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE et tiré de la nullité pour vice de forme de la créance de la caisse ; que le centre hospitalier n'est pas fondé, par suite, à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'omission à statuer sur ce moyen en défense et à en demander, pour ce motif, l'annulation ;
En ce qui concerne la recevabilité des conclusions à fin de remboursement présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne au tribunal administratif :
Considérant qu'aux termes des cinq premiers alinéas de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de l'article 25 de la loi nº 2006-1640 du 21 décembre 2006 : « Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre. Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après. Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel. Conformément à l'article 1252 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales ; en ce cas, l'assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée. Cependant, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice (…) » ; que les 6ème, 7ème et 8ème alinéas du même article fixent les modalités selon lesquelles les caisses primaires d'assurance maladie doivent être appelées en cause, afin d'être mises à même d'exercer leur action ;
Considérant que compte tenu, d'une part, du lien qu'établissent ces dispositions entre la détermination des droits de la victime et celle des droits de la caisse et, d'autre part, de l'obligation qu'elles instituent de mettre en cause la caisse de sécurité sociale à laquelle est affiliée la victime en tout état de la procédure afin de la mettre en mesure de poursuivre le remboursement de ses débours par l'auteur de l'accident, l'irrecevabilité opposée à la demande de l'assuré, notamment au motif qu'il n'avait pas, comme en l'espèce, adressé sa demande préalable à l'établissement hospitalier, est sans incidence sur le sort de l'action de la caisse, régulièrement appelée en cause comme elle devait l'être, par le tribunal administratif ; qu'il suit de là que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a admis la recevabilité des conclusions à fin de remboursement présentées par la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne ;
Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne :
En ce qui concerne leur recevabilité :
Considérant que la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne demande dans le dernier état de ses conclusions, la condamnation du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE à lui rembourser une somme de 99 676,83 euros, qui se répartit en 46 217,62 euros au titre des prestations servies, 10 031,26 euros pour les arrérages échus de la pension d'invalidité versée à Mme X correspondant à la période du 1er septembre 2002 au 1er août 2004, 41 941,76 euros au titre du capital représentatif et 1 486,19 euros au titre des frais médicaux et pharmaceutiques futurs ; qu'il résulte de l'instruction que la caisse avait, devant les premiers juges, présenté une demande de remboursement pour ces mêmes frais ; que, par suite, la fin de non recevoir, soulevée par l'établissement hospitalier et tirée de ce que les conclusions de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne sont nouvelles en appel, n'est pas fondée ; que, dès lors, la demande de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne est recevable ;
En ce qui concerne la responsabilité :
Considérant que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les médecins de leur obligation ;
Considérant qu'en l'espèce, l'intervention subie par Mme X, même conduite dans les règles de l'art, présentait des risques connus, notamment d'accident vasculaire cérébral ; que ces risques devaient être portés à la connaissance du patient ; que si le Centre hospitalier soutient que l'information à laquelle il était tenu à l'endroit de la patiente a bien été délivrée et s'il fournit, à l'appui de cette affirmation, une attestation du chef du service de neurologie du centre hospitalier, en date du 16 avril 2003, qui certifie que le praticien de ce service a correctement informé Mme X des risques de l'intervention envisagée, ce document, rédigé trois ans après l'intervention, n'est pas, à lui seul, de nature à établir que ce praticien se serait acquitté de son obligation d'information ; que ne sauraient davantage établir la réalité de ladite information ni la circonstance, relevée par l'expert, que Mme X a été reçue en consultation, à deux reprises, par ce même praticien avant l'intervention, ni la circonstance qu'un délai important se soit écoulé entre les deux entretiens avec le médecin et le moment de l'intervention; qu'ainsi, le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE n'apporte pas la preuve qui lui incombe que Mme X a été informée de ce risque ; que, par suite et en l'absence d'urgence rendant impossible l'information préalable de la patiente, le centre hospitalier a commis une faute et doit être déclaré responsable du préjudice subi par Mme X, du fait de la perte d'une chance de se soustraire au risque qui s'est finalement réalisé ; que, dès lors, le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Toulouse a retenu sa responsabilité ;
En ce qui concerne le préjudice indemnisable :
Considérant que la réparation du dommage résultant pour Mme X de la perte de chance de se soustraire au risque dont elle n'a pas été informée et qui s'est réalisé, doit être fixée à une fraction des différents chefs de préjudice subis; que, compte tenu du rapprochement entre les risques connus d'accident vasculaire cérébral inhérents à l'intervention et le risque encouru par la patiente en cas de renonciation à celle ci, cette fraction doit être évaluée, comme l'ont estimé les premiers juges, à 2/3 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X, âgée de 45 ans à l'époque des faits, reste atteinte d'une incapacité permanente partielle de 12 % ; qu'en estimant à 40 000 euros les troubles de toute nature que la victime a subis dans ses conditions d'existence, y compris le retentissement professionnel et les souffrances physiques, dont 20 000 euros réparant les troubles physiologiques, le Tribunal administratif de Toulouse n'a fait une appréciation ni excessive ni insuffisante de ce chef de préjudice ;
Considérant que si les frais d'hospitalisation, les frais de transports et les indemnités journalières dont le montant total s'élève à la somme de 42 927,50 euros doivent être retenus dans le montant du préjudice afférent à la faute commise par le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE, il n'y a pas lieu, en revanche, d'y faire entrer, les frais médicaux et pharmaceutiques ni les frais futurs, dès lors que les pièces produites par la caisse, tant devant le tribunal administratif que devant la Cour, ne permettant pas, en l'état, de s'assurer que ces frais ont été supportés ou le seront à la suite des conséquences dommageables de la faute du centre hospitalier ; que les arrérages échus de la rente d'invalidité servie à Mme X et le montant du capital représentatif de la rente qui, en tant que tels, ne constituent pas un préjudice pour la victime n'ont pas à être inclus dans le calcul du préjudice global, ainsi qu'en a jugé le tribunal administratif; que la caisse primaire d'assurance maladie ne saurait, dès lors, utilement faire état, pour solliciter une majoration de l'indemnisation lui revenant, de ce que le préjudice total subi par Mme X s'élève en conséquence à 82 927,50 euros, dont 62 927,50 euros au titre de l'atteinte à son intégrité physique et 20 000 euros au titre de son préjudice à caractère personnel ;
Considérant que l'indemnité devant être mise à la charge du centre hospitalier pour l'indemnisation du préjudice résultant de la perte d'une chance de refuser l'intervention et d'éviter ainsi l'accident, doit être fixé au deux tiers des sommes susmentionnées, soit 41 951,66 euros pour ce qui est de l'atteinte à l'intégrité physique et 13 333 euros pour les autres dommages ;
Sur les droits de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne :
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale que le recours de la caisse s'exerce, poste par poste de préjudice, sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel ; que si la caisse établit qu'elle a, effectivement et préalablement, versée à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice ;
Considérant que la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne justifie de débours, résultant pour elle de l'intervention subie par son assurée, d'un montant de 42 927,50 euros au titre des indemnités journalières, des frais d'hospitalisation et des frais de transports ; que sa créance, pour ce poste, excède le montant de la part d'indemnité réparant l'atteinte à l'intégrité physique fixée à 41 951,66 euros sur laquelle elle peut s'imputer ; qu'il y a lieu d'arrêter, à hauteur de 41 951,66 euros, l'indemnité due à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne ; que, par suite, c'est à cette somme qu'il y a lieu de porter le montant de l'indemnité que, par le jugement attaqué, le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE a été condamné à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Garonne ; que si la caisse établit avoir exposé en faveur de son assurée, la somme de 10 031,26 euros pour les arrérages échus au 1er août 2004 de la pension d'invalidité qu'elle continue de servir à Mme X, elle n'établit ni, d'ailleurs, n'allègue que cette rente aurait, même partiellement, pour objet de réparer des préjudices autres que ceux résultant d'une atteinte à l'intégrité physique de l'assurée ; qu'ainsi ces arrérages ne peuvent pas s'imputer sur la part de l'indemnité réparant le préjudice personnel ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Toulouse l'a condamné à payer à la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, d'une part, la somme de 31 309,19 euros et, d'autre part, les échéances postérieures au 1er juillet 2003 des arrérages d'une pension d'invalidité dont le capital constitutif a été fixé à 10 642,47 euros ; qu'en revanche, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne est fondée à demander la réformation du jugement en tant qu'il limite à la somme de 31 309,19 euros au lieu de 41 951,66 euros, l'indemnité versée au titre des frais d'hospitalisation, des indemnités journalières et des frais de transport de Mme X ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'eu égard à ce qui précède, le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE n'est pas fondé à soutenir que les frais d'expertise, exposés devant le Tribunal administratif de Toulouse, taxés et liquidés à la somme de 1 041 euros, ont été mis à tort à sa charge par le jugement attaqué ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative aux sommes demandées en appel tant par le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE que par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne;
DECIDE :
Article 1er : La requête du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE est rejetée.
Article 2 : Le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE TOULOUSE est condamnée à verser à la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne la somme de 41 951,66 euros.
Article 3 : Le jugement n°012812-033724 du 11 mai 2004 du Tribunal administratif de Toulouse est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de l'appel incident de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne est rejeté.
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04BX01203