Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 29 septembre 2006 sous le n° 06BX02105, présentée pour M. Seddik X, demeurant ..., par Me Fabienne Clisson, avocat au barreau de Bordeaux ;
M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 0602587 en date du 28 août 2006, par laquelle le président du Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 11 mai 2006 du préfet de la Gironde, confirmant la décision du 27 février 2006 de cette autorité, rejetant sa demande d'autorisation de séjour, au titre du regroupement familial ;
2°) d'annuler cette décision ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de délivrer, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, une autorisation provisoire de séjour à son épouse et à ses deux enfants ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros, en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 décembre 2006,
le rapport de M. Leplat, président de chambre ;
les observations de Me Clisson pour M. X ;
et les conclusions de M. Péano, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X, ressortissant marocain, a demandé, au titre du regroupement familial, une autorisation de séjour pour son épouse et pour deux de ses enfants, Loubna et Abdelbadia, mineurs à la date de présentation de sa demande ; que cette demande a été rejetée, par décision en date du 13 janvier 2006 du préfet de la Gironde ; que M. X a présenté, à l'encontre de ce refus, le 7 février 2006, un recours gracieux, qui a été rejeté, le 27 février 2006, par le préfet ; que le requérant a formé, le 20 mars 2006, un nouveau recours gracieux, qui a été rejeté par le préfet de la Gironde, le 11 mai 2006 ; que, par l'ordonnance attaquée, le président du Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de M. X, enregistrée au greffe du tribunal administratif le 11 juillet 2006 et tendant à l'annulation du refus qui lui avait été opposé, au motif que cette dernière décision avait un caractère purement confirmatif et qu'un second recours gracieux n'avait pas pu conserver le délai de recours contentieux contre la décision initiale ;
Considérant qu'aux termes de l'article 18 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : « Sont considérées comme des demandes au sens du présent chapitre les demandes et les réclamations, y compris les recours gracieux ou hiérarchiques, adressées aux autorités administratives… » ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions et de celles de l'article R.421-5 du code de justice administrative, selon lesquelles « les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision », qu'une erreur entachant l'indication des voies et délais de recours, qui doit figurer, en vertu des dispositions législatives précitées, dans la notification d'une décision de rejet d'un recours gracieux, rend inopposable le délai de recours qui eût couru en l'absence d'erreur et qu'un tribunal administratif ne peut rejeter, comme tardive et par suite irrecevable, une demande tendant à l'annulation d'une décision que si le demandeur a été averti, dans la notification de la décision, en des termes dépourvus d'ambiguïté, des voies et délais de recours dont il disposait effectivement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la notification de la décision susmentionnée du 27 février 2006, par laquelle le préfet de la Gironde a rejeté le recours gracieux, formé par M. X contre la décision portant refus de l'autorisation de séjour du 13 janvier 2006, était accompagnée de l'indication des mêmes voies et délais de recours que la notification de cette décision initiale, notamment de celle qu'un recours gracieux conservant le délai de recours contentieux pouvait être formé contre la nouvelle décision ; que l'indication répétée de la possibilité d'un recours gracieux contre la décision du 27 février 2006, non dépourvue d'ambiguïté, faisait obstacle à ce que l'absence de conservation du délai de recours contentieux par un second recours gracieux pût être opposée à la demande de M. X ; que celui-ci est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que sa demande a été regardée comme irrecevable et rejetée, pour ce motif, par l'ordonnance attaquée ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X au Tribunal administratif de Bordeaux ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1º Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel … » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X bénéficiait, à la date de la décision contestée, de pensions de retraites, dont le montant mensuel cumulé n'est inférieur que d'une centaine d'euros à celui du salaire minimum de croissance ; qu'il justifie avoir occupé, en 2005 et au cours des deux années précédentes, des emplois agricoles saisonniers, lui procurant des rémunérations qui, ajoutées à ses pensions, lui permettent de disposer de ressources dépassant le montant du salaire minimum de croissance ; que si des revenus provenant exclusivement d'emplois saisonniers ou temporaires ne présentent pas, par eux mêmes, le caractère de stabilité exigé par les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il en va différemment, lorsque, comme en l'espèce, ces revenus n'ont qu'un caractère complémentaire et que l'intéressé établit qu'il les perçoit de manière non occasionnelle ; que, dans ces conditions, le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que le préfet de la Gironde a estimé qu'il ne justifiait pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille et, par suite et sans qu'il y ait besoin d'examiner les autres moyens de la requête, à demander l'annulation de la décision en date du 13 janvier 2006, par laquelle cette autorité lui a refusé une autorisation de séjour pour son épouse et pour deux de ses enfants mineurs, Loubna et Abdelbadia ;
Considérant que si le juge de l'exécution doit, en principe, tenir compte de la situation du requérant à la date à laquelle il statue sur les mesures qu'il lui est demandé de prescrire, il ne saurait en aller ainsi de l'appréciation qui doit être faite de la condition tenant à l'âge des enfants d'un étranger pour lesquels est présentée une demande au titre du regroupement familial, laquelle doit, aux termes des dispositions du second alinéa de l'article 3 du décret n° 2005-253 du 17 mars 2005, s'apprécier à la date de la demande présentée par l'étranger ; qu'ainsi, la circonstance que la fille du requérant, Mlle Loubna X, est âgée de plus de dix-huit ans à la date du présent arrêt, n'est pas, par elle-même, de nature à faire obstacle à ce qu'il puisse être enjoint au préfet de lui accorder une autorisation de séjour ; qu'en revanche, la décision préfectorale étant annulée au seul motif d'une inexacte application des dispositions précitées, tenant à la justification de l'existence, à la date de cette décision, de ressources stables et suffisantes et le requérant n'apportant aucun élément de nature à établir que cette condition reste remplie et qu'il satisfait aux autres conditions exigées par les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'exécution du présent arrêt implique seulement que l'autorité administrative procède à un nouvel examen de la demande présentée par le requérant au titre du regroupement familial ; que, dès lors, M. X n'est pas fondé à demander qu'il soit enjoint au préfet de la Gironde de lui délivrer l'autorisation de séjour demandée ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, à verser à M. X une somme de 1 300 euros, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance en date du 28 août 2006 du président du Tribunal administratif de Bordeaux est annulée.
Article 2 : La décision en date du 13 janvier 2006 du préfet de la Gironde est annulée.
Article 3 : L'Etat versera, à M. Seddik X, une somme de 1 300 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Seddik X est rejeté.
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06BX02105