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28/11/2006 | FRANCE | N°03BX00644

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 28 novembre 2006, 03BX00644


Vu la requête enregistrée le 18 mars 2003 au greffe de la cour sous le n° 03BX00644, présentée pour M. Daniel X, demeurant ... et M. Mathieu X, demeurant ... par Me Thévenin ;

Ils demandent à la cour :

- d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 26 décembre 2002 en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la société d'aménagement urbain et rural (SAUR) à les indemniser des préjudices résultant de la proximité de la station d'épuration de la commune de Saint Martin Lacaussade ;

- de condamner la société

SAUR à leur verser une indemnité de 121 959 euros assortie des intérêts ainsi qu'une...

Vu la requête enregistrée le 18 mars 2003 au greffe de la cour sous le n° 03BX00644, présentée pour M. Daniel X, demeurant ... et M. Mathieu X, demeurant ... par Me Thévenin ;

Ils demandent à la cour :

- d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 26 décembre 2002 en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la société d'aménagement urbain et rural (SAUR) à les indemniser des préjudices résultant de la proximité de la station d'épuration de la commune de Saint Martin Lacaussade ;

- de condamner la société SAUR à leur verser une indemnité de 121 959 euros assortie des intérêts ainsi qu'une somme de 3 000 euros en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

………………………………………………………………………………………………

Vu l'ensemble des pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement convoquées à l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 octobre 2006 :

- le rapport de Mme Fabien, premier conseiller,

- les observations de Me Thevenin pour MM. Daniel et Mathieu X, de Me Dumontet substituant Me Laveissière pour la commune de Saint Martin Lacaussade et de Me Hasday pour la société d'aménagement urbain et rural,

- et les conclusions de Mme Jayat, commissaire du gouvernement ;

Sur les fins de non-recevoir opposées en première instance et en appel :

Considérant que MM. Daniel et Mathieu X font appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 26 décembre 2002 en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la société d'aménagement urbain et rural (SAUR) à les indemniser du préjudice résultant du fonctionnement de la station d'épuration de la commune de Saint Martin Lacaussade à proximité de l'immeuble dont ils sont respectivement usufruitier et nu-propriétaire ; que, d'une part, ils ont la qualité de tiers par rapport à cet ouvrage public ; qu'il appartient à la juridiction administrative de connaître du litige qui concerne la matière des travaux publics ; que, par ailleurs, une décision préalable n'était pas nécessaire dès lors qu'aux termes de l'article R 421-1 du code de justice administrative : « Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision » ; que, par suite, les fins de non-recevoir opposées par la commune de Saint Martin Lacaussade doivent être écartées ;

Sur la responsabilité de la société d'aménagement urbain et rural ( SAUR ) :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Daniel X et M. Mathieu X habitent une maison située à environ 70 mètres de la station d'épuration de la commune de Saint Martin Lacaussade, implantée en 1983 sur un terrain vendu par M. Daniel X, cette acquisition ayant été déclarée d'utilité publique ; que la capacité de ladite station a été doublée entre 1983 et 1996, que le rejet d'un effluent d'eaux usées traitées dans le ruisseau de Maransin traversant la propriété des consorts X a fait l'objet en 1996 d'une déclaration auprès des services préfectoraux et que des travaux ont été effectués en 1999, en vue notamment de remplacer les anciens lits de séchage ; qu'il est constant que, à cette occasion, la haie d'arbres, précédemment plantée et formant un écran visuel et olfactif entre la station et l'habitation, a été supprimée ; que la SAUR n'établit pas que les consorts X auraient volontairement vendu une partie de leur terrain en vue de la réalisation de ces travaux et se seraient ainsi sciemment exposés à une aggravation des nuisances ; qu'il ressort des nombreux constats d'huissier et témoignages produits par les requérants que les odeurs nauséabondes envahissant régulièrement leur propriété, notamment en raison de l'orientation des vents dominants, revêtent un caractère particulièrement accentué et gênant ; que les dysfonctionnements de la station sont d'ailleurs mis en évidence par les rapports d'analyses des eaux effectuées par les services techniques départementaux en juin et septembre 2002 ainsi que par le rapport établi en décembre 2005 par la direction départementale de l'agriculture et de la forêt ;

Considérant que, dans ces conditions, les nuisances olfactives subies par les consorts X depuis 1999 doivent être regardées comme excédant les inconvénients normaux que sont appelés à subir les riverains d'un tel ouvrage ; qu'il en est de même, compte tenu de la suppression de l'écran végétal, des nuisances visuelles subies depuis 1999 ; que la responsabilité de la SAUR, à laquelle l'exploitation de la station d'épuration a été affermée en 1996, se trouve engagée à raison du préjudice anormal et spécial ainsi subi par les requérants ; qu'il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence qu'il ont subis jusqu'ici en les évaluant à 8 000 euros pour M. Daniel X et à 4 000 euros pour M. Mathieu X, résidant avec son père depuis mars 2003 ;

Considérant en revanche qu'il ne résulte pas de l'instruction que les nuisances sonores subies excéderaient les sujétions normales que sont appelés à supporter les riverains d'une station d'épuration ; qu'eu égard notamment au projet de construction d'une nouvelle station devant permettre de réduire les nuisances par la couverture du système de prétraitement, le remplacement du système d'aération et la réalisation d'un talus ainsi que d'une haie végétale, l'existence d'une perte de valeur vénale définitive de la propriété des consorts X n'est pas établie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts X sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 26 décembre 2002, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la SAUR ; que, dès lors, il y a lieu de réformer ce jugement et de condamner la SAUR à verser une indemnité de 8 000 euros à M. Daniel X et une indemnité de 4 000 euros à M. Mathieu X ; que ces indemnités devront porter intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2001, date de saisine du tribunal administratif ;

Sur l'appel en garantie :

Considérant que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les rapports des services techniques de l'Etat et du département mettent en évidence des dysfonctionnements de la station d'épuration générant des nuisances olfactives anormales ; que ces dernières ont en outre été aggravées par la suppression de la haie végétale lors de la réalisation de travaux en 1999, laquelle est également à l'origine des nuisances visuelles anormales ; que, dès lors, la SAUR n'est pas fondée à soutenir que le préjudice subi par les requérants serait imputable au choix, par le maître de l'ouvrage, du lieu d'implantation de la station d'épuration ; qu'elle n'est donc pas fondée à demander que la commune de Saint Martin Lacaussade soit condamnée à la garantir, même partiellement, de l'indemnité mise à sa charge ;

Sur l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les requérants, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, soient condamnés à verser à la société d'aménagement urbain et rural et à la commune de Saint Martin Lacaussade la somme qu'elles demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu de condamner à ce titre la SAUR à verser aux requérants une somme de 1 300 euros ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 26 décembre 2002 est annulé en tant qu'il rejette la demande des consorts X tendant à la condamnation de la SAUR à leur verser une indemnité.

Article 2 : La SAUR est condamnée à verser à M. Daniel X une indemnité de 8 000 euros et à M. Mathieu X une indemnité de 4 000 euros. Ces indemnités porteront intérêt au taux légal à compter du 10 juillet 2001.

Article 3 : La SAUR versera une somme de 1 300 euros à M. Daniel X et à M. Mathieu X en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : L 'appel en garantie ainsi que les conclusions présentées par la SAUR en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 6 : Les conclusions présentées par la commune de Saint Martin Lacaussade en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 03BX00644


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 03BX00644
Date de la décision : 28/11/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : MADEC
Rapporteur ?: Mme Mathilde FABIEN
Rapporteur public ?: Mme JAYAT
Avocat(s) : THEVENIN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2006-11-28;03bx00644 ?
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