Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 10 novembre 2003, présentée pour M. Benoît X demeurant ... par Me Beniteau, avocat ; M. X demande à la Cour :
1) d'annuler le jugement du 18 septembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 50 825,44 euros ;
2) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 57 248,47 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 22 avril 2002 ;
3) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.......................................................................................................................................…
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 24 octobre 2006, présentée pour M. X ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 octobre 2006,
- le rapport de M. Rey ;
- les observations de Me Garrigues collaborateur de la SCP Huglo Lepage, avocat de M. X ;
- et les conclusions de Mme Balzamo, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des délégués du personnel qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, est subordonné à une autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher si la situation de l'entreprise justifie le licenciement, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;
Considérant que les modifications structurelles décidées par la société mutuelle d'assurance des collectivités locales (S.M.A.C.L.), à l'origine de la suppression du poste de M. X étaient motivées par le tassement de l'activité de la branche « personnes physiques » de cette entreprise et la volonté d'améliorer sa productivité ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la société aurait fait état de menace pesant sur sa compétitivité ; que, dès lors, le licenciement de M. X n'était justifié ni par des difficultés économiques, ni par des mutations technologiques, ni par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ; qu'il suit de là que la décision du 3 novembre 2000 par laquelle l'inspecteur du travail des Deux-Sèvres a autorisé le licenciement pour motif économique de M. X, conseiller d'assurance et délégué du personnel de la S.M.A.C.L. était illégale ;
Considérant que cette illégalité a constitué une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique ; que, par suite, M. X est en droit d'obtenir la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice direct et certain résultant pour lui de cette décision illégale ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de son licenciement illégalement autorisé, M. X a alterné des périodes de chômage et d'emploi salarié avant de créer sa propre entreprise ; que, compte tenu des allocations de chômage et des salaires qu'il a perçus et de la nature de l'emploi qu'il occupait au sein de la S.M.A.C.L., il sera fait une juste appréciation du préjudice matériel et des troubles dans les conditions d'existence qu'il a subis, en lui allouant la somme, tous intérêts compris, de 35 000 euros ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande indemnitaire contre l'Etat ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement à M. X d'une somme de 1 300 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Poitiers du 18 septembre 2003 est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. X la somme de 35 000 euros tous intérêts compris.
Article 3 : L'Etat versera à M. X la somme de 1 300 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus de la requête de M. X est rejeté.
3
No 03BX02214