Vu le recours, enregistré le 6 mai 2003, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;
Le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 99-354, 00-595 et 01-822 en date du 26 décembre 2002, par lequel le Tribunal administratif de Limoges a accordé à la société Renaud la réduction de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1997, 1998, 1999 et 2000 ;
2°) de rétablir la société Renaud au rôle de la taxe foncière sur les propriétés bâties à hauteur de 8 327 F (1 269,44 euros) au titre de l'année 1997, 8 429 F (1 284,99 euros) au titre de l'année 1998, 8 499 F (1 295,66 euros) au titre de l'année 1999 et 8 469 F (1 291,09 euros) au titre de l'année 2000 ;
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Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 octobre 2006,
le rapport de M. Vié, premier conseiller ;
et les conclusions de M. Péano, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par le jugement attaqué du 26 décembre 2002, le Tribunal administratif de Limoges, estimant que la valeur locative des installations de stockage de céréales dont la SA Renaud est propriétaire sur le territoire de la commune de Luçay-le-Male devait être déterminée à partir d'un tarif unitaire de 8 F par m² pour les silos et de 20 F par m² pour les bureaux, a accordé à la SA Renaud la réduction correspondante des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties établies au titre des années 1997, 1998, 1999 et 2000 à raison de ces installations ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1494 du code général des impôts : « La valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties, de la taxe d'habitation ou d'une taxe annexe établie sur les mêmes bases, est déterminée, conformément aux règles définies par les articles 1495 à 1508, pour chaque propriété ou fraction de propriété normalement destinée à une utilisation distincte » ; que l'article 1495 du même code, applicable dans les mêmes conditions dispose : « Chaque propriété ou fraction de propriété est appréciée d'après sa consistance, son affectation, sa situation et son état, à la date de l'évaluation » ; que selon l'article 1498 du même code : « La valeur locative de tous les biens autres que les locaux d'habitation ou à usage professionnel visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 est déterminée au moyen de l'une des méthodes indiquées ci-après : 1° Pour les biens donnés en location à des conditions de prix normales, la valeur locative est celle qui ressort de cette location ; 2° a. Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison. Les termes de comparaison sont choisis dans la commune. Ils peuvent être choisis hors de la commune pour procéder à l'évaluation des immeubles d'un caractère particulier ou exceptionnel ; b. La valeur locative des termes de comparaison est arrêtée : Soit en partant du bail en cours à la date de référence de la révision lorsque l'immeuble type était loué normalement à cette date ; Soit, dans le cas contraire, par comparaison avec des immeubles similaires situés dans la commune ou dans une localité présentant, du point de vue économique, une situation analogue à celle de la commune en cause et qui faisaient l' objet à cette date de locations consenties à des conditions de prix normales ; 3° A défaut de ces bases, la valeur locative est déterminée par voie d'appréciation directe » ;
Considérant que les installations passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties prises en compte dans la base des impositions contestées, dont il est constant qu'elles ne mettent en oeuvre que des moyens techniques de faible importance, sont constituées de trois silos verticaux, l'un d'une superficie de 370 m² et les deux autres d'une superficie de 260 m² chacun, de bureaux de 12 m² et d'un magasin de stockage d'engrais de 156 m², répartis sur deux sites différents ; que ni en première instance ni en appel, la SA Renaud n'a produit d'élément de nature à faire regarder le bureau, qui fait partie du même regroupement topographique que l'un des silos, comme constituant une fraction de propriété destinée à une utilisation distincte de celle du silo et comme ne concourant pas à la même exploitation que celui-ci ; qu'il en est de même du magasin de stockage d'engrais ; qu'en outre, pour retenir, s'agissant de l'évaluation des silos, le tarif unitaire susmentionné et accorder à la SA Renaud la réduction correspondante, le tribunal administratif s'est appuyé sur la circonstance que l'administration s'était référée, à partir de l'année 1999, au silo de Montierchaume (Indre) pour estimer la valeur locative de silos du département en application des dispositions précitées de l'article 1498-2° du code général des impôts ; qu'une telle installation était cependant de conception et de consistance différentes des silos en litige et ne constituait pas un terme de comparaison approprié ; que, par suite, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour réduire les taxes contestées, les premiers juges ont fait une évaluation distincte des locaux à usage de bureaux et se sont appuyés sur la comparaison avec le silo de Montierchaume pour évaluer la valeur locative des autres biens en cause ;
Considérant qu'il y a lieu pour la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par la société Renaud en première instance et en appel ;
En ce qui concerne la méthode de détermination de la valeur locative des installations :
Considérant que les dispositions précitées du 2° de l'article 1498 du code général des impôts, qui décrivent la méthode d'évaluation par comparaison, imposent que les termes de comparaison qui servent à évaluer un immeuble commercial, même lorsqu'il s'agit, comme en l'espèce, d'un immeuble de caractère particulier ou exceptionnel, aient été normalement loués au 1er janvier 1970 ; que, par suite, cette méthode d'évaluation ne peut trouver à s'appliquer lorsque l'immeuble qui est invoqué comme terme de comparaison n'était pas loué au 1er janvier 1970 ou, dans l'hypothèse où cet immeuble a lui-même été évalué par comparaison, lorsque le second terme de comparaison n'était pas non plus loué au 1er janvier 1970 ; qu'ainsi, un immeuble, dont la valeur locative a été déterminée non par référence à un bail existant au 1er janvier 1970 mais par voie d'appréciation directe, ne peut, dans la méthode comparative, servir de terme de comparaison ; qu'en outre, ces mêmes dispositions de l'article 1498 du code général des impôts, ainsi que celles de l'article 324 Z de l'annexe III au même code, qui définissent l'évaluation par comparaison comme consistant à attribuer à un immeuble donné une valeur locative proportionnelle à celle qui a été adoptée pour d'autres biens « de même nature pris comme types », impliquent que ces autres biens soient « similaires » à l'immeuble en cause et qu'ils soient situés, sinon sur le territoire de la même commune, du moins sur le territoire d'une localité à la situation économique analogue ; que, si l'article 324 AA de la même annexe admet que des « différences » peuvent « exister entre le type considéré et l'immeuble à évaluer », c'est à la condition que celles-ci n'excèdent pas les facultés d'ajustement de valeur locative unitaire qu'il envisage du point de vue notamment « de la situation, de la nature de la construction, de son importance, de son état d'entretien et de son aménagement » ; que, lorsque ne sont pas remplies les conditions cumulativement posées par le 2° de l'article 1498 du code général des impôts, c'est-à-dire la condition de location à la date légale de référence, ainsi que les conditions de similarité des immeubles et d'analogie de leurs communes d'assiette, la méthode par comparaison doit être écartée et celle par appréciation directe appliquée ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les installations à raison desquelles les impositions en litige ont été établies, édifiées en 1991, 1993 et 1995, sont dotées d'aménagements spécialisés pour le stockage et le négoce de céréales et reliées à une voie ferrée ; que les silos verticaux, de structure métallique, représentent une capacité totale de stockage de 12 960 m3 ; que le local type n° 18 de la commune de Luçay-le-Male proposé par la société, constitué d'un hangar et d'un garage en état médiocre d'entretien, ne présente pas, du point de vue notamment de la nature de la construction, des aménagements et de l'état d'entretien, de similarités suffisantes pour pouvoir servir de termes de comparaison, nonobstant les facultés d'ajustement prévues par l'article 324 AA de l'annexe III au code général des impôts ; que la société ne saurait utilement se prévaloir du local type n° 11 bis de la commune d'Argy qui a été détruit ; qu'elle n'apporte aucune précision sur le mode d'évaluation du nouveau bâtiment édifié sur la même parcelle, dont la construction est, en tout état de cause, postérieure au 1er janvier 1970 ; que, de même, le terme de comparaison ayant servi à l'évaluation du local type n° 4 de la commune de Vouillon n'a pu être identifié ; que les silos situés à Saint-Jamme et Feutrie, évalués par comparaison avec des locaux types, consistant notamment en des hangars, ne présentant pas de similarité suffisante avec les installations de stockage de céréales en cause, pas plus que les silos situés à Tuffe, ne peuvent davantage être retenus ; que le local type n° 14 de la commune de Poulaines a été évalué selon la méthode applicable aux établissements industriels et non selon l'une des méthodes prévues aux 1° et 2° de l'article 1498 du code général des impôts ; qu'il ne peut, dans ces conditions, servir en l'espèce de terme de comparaison ; que la seule circonstance que certains des locaux susmentionnés, ainsi que d'autres locaux dont la société fait état en appel, de conception différente de celle des immeubles à évaluer, aient été retenus par l'administration fiscale ou par des jugements de tribunaux administratifs comme termes de comparaison pour évaluer les installations appartenant à d'autres contribuables ne saurait suffire à leur conférer le caractère de termes de comparaison pertinents en l'espèce ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, l'absence de location des biens dont s'agit à la date légale de référence du 1er janvier 1970 étant constante et l'évaluation prévue au 1° de l'article 1498 précité du code général des impôts n'étant, par suite, pas applicable, ces biens doivent être, en l'absence de terme de comparaison pertinent, évalués par voie d'appréciation directe, conformément au 3° de l'article 1498 du code général des impôts ;
En ce qui concerne le montant de la valeur locative retenue :
Considérant qu'aux termes de l'article 324 AB de l'annexe III au code général des impôts : « Lorsque les autres moyens font défaut, il est procédé à l'évaluation directe de l'immeuble en appliquant un taux d'intérêt à sa valeur vénale, telle qu'elle serait constatée à la date de référence si l'immeuble était libre de toute location ou occupation. Le taux d'intérêt susvisé est fixé en fonction du taux des placements immobiliers constatés dans la région à la date de référence pour des immeubles similaires » ; que l'article 324 AC de la même annexe prévoit : « En l'absence d'acte et de toute autre donnée récente faisant apparaître une estimation de l'immeuble à évaluer susceptible d'être retenue, sa valeur vénale à la date de référence est appréciée d'après la valeur vénale d'autres immeubles d'une nature comparable ayant fait l'objet de transactions récentes, situés dans la commune même ou dans une localité présentant du point de vue économique une situation analogue à celle de la commune en cause. La valeur vénale d'un immeuble peut également être obtenue en ajoutant à la valeur vénale du terrain, estimée par comparaison avec celle qui ressort de transactions récentes relatives à des terrains à bâtir situés dans une zone comparable, la valeur de reconstruction au 1er janvier 1970 dudit immeuble, réduite pour tenir compte, d'une part, de la dépréciation immédiate et, d'autre part, du degré de vétusté de l'immeuble et de son état d'entretien, ainsi que de la nature, de l'importance, de l'affectation et de la situation de ce bien » ;
Considérant que l'administration a déterminé la valeur locative des installations dont s'agit sur la base de leur valeur vénale à partir des informations fournies par la société, ramenée au 1er janvier 1970 et affectée d'un abattement de 50 % pour tenir compte de la dépréciation immédiate, à laquelle a été appliqué un taux d'intérêt de 4 %, conformément, sur ce dernier point, au taux sollicité par la société requérante ; que, toutefois, la société Renaud fait valoir sans être contredite sur ce point, que la valeur qu'elle a communiquée à l'administration correspondait à la valeur d'acquisition des installations ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que cette valeur vénale constituerait une « donnée récente faisant apparaître une estimation de l'immeuble» au sens de l'article 324 AC précité de l'annexe III au code général des impôts, dont les dispositions exigent la référence à des données contemporaines de la dernière révision générale ; que, d'ailleurs, cette valeur vénale ne pourrait donner lieu aux abattements prévus par les dispositions terminales de cet article ; qu'à défaut de telles données, la valeur vénale des installations au 1er janvier 1970 doit être déterminée en tenant compte de la valeur de reconstruction des immeubles à cette date ; qu'en l'absence de toute précision sur les modalités de détermination des valeurs communiquées par la société et retenues par l'administration, il résulte de l'instruction que la prise en compte des prix de revient des installations tels qu'ils résultent des écritures de la société et ramenés au 1er janvier 1970 correspond davantage au coût de reconstruction à cette date des biens dont s'agit ; qu'eu égard à la situation et à la spécialisation des équipements, et alors même qu'il s'agit de constructions récentes, il y a lieu de retenir un abattement de 10 %, en sus de l'abattement de 50 % admis par le service au titre de la dépréciation immédiate ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé, d'une part, à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Limoges a accordé à la société Renaud la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1997 à 2000 résultant d'une valeur locative évaluée à partir d'un tarif de 1,22 euros le m² pour les silos et 3,05 euros le m² pour le bureau, et, d'autre part, à demander que cette même taxe soit remise à la charge de la société à concurrence de la différence entre les cotisations dont la décharge a été prononcée et celles résultant des modalités de détermination retenues ci-dessus ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la société Renaud tendant au remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le montant de la valeur locative à retenir pour l'établissement de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle la société Renaud a été assujettie au titre des années 1997, 1998, 1999 et 2000 est fixé en tenant compte, d'une part, de la valeur de reconstruction de ces biens estimée en fonction de leur prix de revient tel qu'il ressort des écritures de la société, ramené au 1er janvier 1970, et réduite d'un abattement de 60 %, et, d'autre part, d'un taux d'intérêt de 4 %.
Article 2 : La taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle la société Renaud a été assujettie au titre des années 1997, 1998, 1999 et 2000 et dont la société a été déchargée est remise à sa charge à concurrence des montants résultant de l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement du 26 décembre 2002 du Tribunal administratif de Limoges est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus de conclusions du recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et les conclusions de la société Renaud présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
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03BX00968