Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 5 juillet 2002 en télécopie et le 8 juillet 2002 en original, présentée pour la SARL RACHEL, dont le siège se trouve 45 cours du Médoc à Bordeaux (33000) ;
La SARL RACHEL demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 11 avril 2002 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à la décharge de l'imposition forfaitaire annuelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1994, et des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1995 ;
2°) de lui accorder la décharge demandée ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser 3 048,98 euros au titre des frais exposés non compris dans les dépens ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le décret n° 81-257 du 18 mars 1981 créant des centres de formalités des entreprises ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mai 2006 :
- le rapport de Mme Demurger ;
- et les conclusions de M. Pouzoulet, commissaire du gouvernement ;
Sur l'appel principal :
En ce qui concerne le principe de l'assujettissement de la SARL RACHEL à l'impôt sur les sociétés :
Considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article 206-1 du code général des impôts, les sociétés à responsabilité limitée sont passibles de l'impôt sur les sociétés sauf si elles ont opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes ; qu'aux termes de l'article 239 bis AA du code général des impôts : « Les sociétés à responsabilité limitée exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale ou agricole et formées uniquement entre personnes parentes en ligne directe ou entre frères, ainsi que les conjoints, peuvent opter pour le régime fiscal des sociétés de personnes mentionné à l'article 8. L'option ne peut être exercée qu'avec l'accord de tous les associés. Elle cesse de produire ses effets dès que des personnes autres que celles prévues dans le présent article deviennent associées » ; que, selon l'article 46 terdecies B de l'annexe III au même code, qui est issu du décret n° 81-894 du 1er octobre 1981 : « Pour les sociétés nouvelles, l'option prévue à l'article 239 bis AA du code général des impôts produit immédiatement effet tant en matière de droit d'apport que d'impôt sur les sociétés, si elle est formulée dans l'acte constatant la création. Cet acte précise alors les liens de parenté entre les associés ; une copie en est adressée au service des impôts auprès duquel doit être souscrite la déclaration de résultats » ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 3 du décret n° 81-257 du 18 mars 1981 créant des centres de formalités des entreprises, en vigueur à la date à laquelle a été créée la SARL RACHEL : « Les centres de formalités permettent aux entreprises de souscrire en un même lieu et sur un même document les déclarations auxquelles elles sont tenues par les lois et règlements dans les domaines juridique, administratif, social, fiscal et statistique, afférentes à leur création, à la modification de leur situation et à la cessation de leur activité. La compétence d'attribution de ces centres et les organismes destinataires des formalités sont déterminés en annexe… » ; que, selon l'article 4 de ce même décret : « Les déclarations reçues par les centres de formalités des entreprises sont conformes à un modèle fixé par arrêté ministériel » ; que l'article 5 précise notamment que les déclarations sont accompagnées des pièces justificatives exigées à l'appui de la demande et qu'après contrôle formel, le centre délivre au déclarant un récépissé et transmet la déclaration et les pièces sans délai aux organismes destinataires de la formalité ; que l'article 6 dispose : « L'acceptation de la déclaration par le centre vaut déclaration auprès de l'organisme destinataire de la formalité. Elle interrompt les délais pour accomplir la formalité » ; qu'enfin, l'annexe audit décret précise que « ne relèvent pas de la compétence du centre les déclarations fiscales concernant l'assiette ou le recouvrement des droits et taxes » ;
Considérant que les dispositions précitées du décret du 18 mars 1981, notamment celles de l'article 6, n'ont ni pour objet ni pour effet de dispenser les sociétés à responsabilité limitée qui ont opté dans leur acte de création pour le régime fiscal des sociétés de personnes et envoyé cet acte, accompagné de la déclaration relative à leur création, au centre de formalités des entreprises, d'adresser, conformément aux prescriptions de l'article 46 terdecies B précité de l'annexe III au code général des impôts, au centre des impôts compétent pour recevoir leur déclaration de résultats, une copie de cet acte de création contenant cette option ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, si les statuts de la SARL RACHEL, qui a été créée le 29 décembre 1989 par M. et Mme X en vue d'exercer l'activité de marchand de biens, mentionnent que cette société opte, ainsi que le permet l'article 239 bis AA du code général des impôts, pour le régime fiscal des sociétés de personnes, celle-ci n'a pas adressé au service des impôts auprès duquel elle devait souscrire sa déclaration de résultats une copie de ces statuts, ainsi que le prévoient les dispositions de l'article 46 terdecies B précité de l'annexe III audit code ; que ni la transmission de ces statuts au centre de formalités des entreprises, ni leur transmission le 3 janvier 1990 à la recette des impôts de La Réole en vue de leur enregistrement, ne sont de nature à faire regarder comme accomplie la formalité exigée par ces mêmes dispositions ; qu'aucune option pour le régime fiscal des sociétés de personnes n'a été, par la suite, avant l'ouverture des exercices en litige, et comme le prescrit l'article 46 terdecies A de l'annexe III, adressée au service des impôts compétent par la société, celle-ci ayant au contraire souscrit chaque année auprès de ce service une déclaration en matière d'impôt sur les sociétés ; que, dans ces conditions, la SARL RACHEL ne saurait être regardée comme ayant valablement opté pour le régime des sociétés de personnes en ce qui concerne les exercices en litige, clos en 1994 et 1995 ; qu'elle ne saurait donc, pour obtenir la décharge des impositions contestées, se prévaloir d'une option pour le régime fiscal des sociétés de personnes ;
En ce qui concerne la procédure d'imposition :
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'après avoir demandé la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, la SARL RACHEL a expressément retiré cette demande et souhaité que le litige l'opposant à l'administration fiscale soit directement porté devant le tribunal administratif ; que, dans ces conditions, la SARL RACHEL ne saurait se prévaloir d'un vice de procédure pour défaut de saisine de la commission ;
En ce qui concerne les bases d'imposition :
Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale ; que des abandons de créances ou des avances sans intérêt accordés par une entreprise au profit d'un tiers ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages, l'entreprise a agi dans son propre intérêt ; que, s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'un abandon de créances par une entreprise à un tiers constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties ;
Considérant, d'une part, que la SARL RACHEL a consenti, en s'endettant elle-même pour ce faire, des avances sans intérêts à la SARL Les Bougainvilliers qui devait réaliser un complexe immobilier à La Martinique et dont elle possédait 33,4 % des parts ; qu'elle a abandonné, au cours de l'exercice clos en 1995, les créances qu'elle détenait sur cette société pour un montant de 453 294 F ; que, pour justifier l'octroi des avances sans intérêts, la société requérante fait valoir que l'opération immobilière que devait réaliser la SARL Les Bougainvilliers laissait augurer une forte rentabilité et que l'aide apportée à cette société, de création récente, était justifiée par sa situation financière et par le développement futur de relations commerciales avec elle ainsi qu'avec d'autres partenaires économiques ; qu'elle ne fournit toutefois aucune donnée précise sur ces différents points et, notamment, ne fournit aucune indication chiffrée sur la situation financière de la SARL Les Bougainvilliers au cours des exercices d'octroi des avances ; que si, en ce qui concerne les abandons de créances, la société requérante fait valoir que l'échec du projet immobilier a contraint les associés à procéder à la liquidation de la SARL Les Bougainvilliers et que, comme les autres associés, elle a abandonné les créances dont elle disposait afin de permettre la clôture des opérations de liquidation et la préservation de son renom, elle ne fournit, sur ces différents points, aucune donnée précise sur la situation financière de la SARL Les Bougainvilliers lorsque sa liquidation a été décidée et sur les raisons pour lesquelles son renom aurait été affecté par les suites de l'échec de cette opération immobilière en Martinique alors qu'elle-même déploie son activité de marchand de biens en métropole ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve du bien-fondé des redressements litigieux ;
Considérant, d'autre part, que la SARL RACHEL a comptabilisé en charges exceptionnelles, au titre de l'exercice 1995, une somme de 184 659 F correspondant à une avance non recouvrée consentie à la société Sudim, en cours de constitution, pour la réalisation d'un projet immobilier sur la commune de Moliets ; que la société requérante ne conteste pas que cette société Sudim devait avoir pour associés trois personnes physiques et qu'elle n'était donc pas au nombre des associés prévus ; que, si elle soutient néanmoins qu'elle avait un intérêt direct à apporter son aide financière à cette société dès lors qu'elle escomptait de l'opération immobilière projetée un développement de son activité propre, elle n'apporte aucune précision ni aucune justification à l'appui de ses allégations ; que, par suite, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que la SARL RACHEL s'est livrée à un acte anormal de gestion en consentant les aides dont il s'agit ;
Sur l'appel incident du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie :
Considérant que, si le ministre fait valoir que la vente du lot n° 32 n'a pas été enregistrée dans le compte de produits à la clôture de l'exercice 1995, alors que la créance était acquise à cette date, la SARL RACHEL soutient que ladite vente a bien été comptabilisée dans les produits au titre de l'exercice clos en 1995 mais que l'administration a opéré une confusion entre la vente du lot n° 32 et celle du lot n° 4, d'égal montant, cette dernière ayant été comptabilisée au compte « produits à recevoir » au 31 décembre 1994 ; que l'administration, qui n'apporte pas d'éléments de justification de nature à établir l'omission de comptabilisation alléguée, ne peut être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, que le produit afférent à la vente du lot n° 32 a été effectivement omis dans les écritures de l'exercice 1995 ; que, par suite, il y a lieu de rejeter le recours incident présenté par le ministre ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL RACHEL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Bordeaux n'a que partiellement fait droit à sa demande, et que l'appel incident du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ne peut être accueilli ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à la SARL RACHEL la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL RACHEL est rejetée.
Article 2 : Le recours incident du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est rejeté.
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No 02BX01329