Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 3 décembre 1999, présentée pour M. et Mme Boubeker X, demeurant ..., agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentant légal de leur fille Imane, par Me Paras ;
M. et Mme X demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 30 septembre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande tendant à ce que le centre hospitalier de Pau soit condamné à réparer le préjudice subi en raison de l'invalidité dont est atteinte leur fille Imane ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Pau à leur verser la somme de 500 000 F à titre de provision, une expertise devant être ordonnée sur le préjudice ;
3°) de condamner le centre hospitalier de Pau à supporter, sur les indemnités qu'il devra verser, les intérêts à compter du 11 août 1994 avec capitalisation de ces intérêts ;
4°) de condamner le centre hospitalier de Pau au versement d'une somme de 10 000 F au titre des frais irrépétibles ;
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Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mars 2006 :
- le rapport de M. Bayle, premier-conseiller,
- les observations de Me Trebesses substituant Me Paras pour M. et Mme X, de Me Pucheu substituant la SCP Rouxel Harmand pour la C.P.A.M.du Béarn et de la Soule,
- et les conclusions de M. Péano , commissaire du gouvernement ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 369 du code de la santé publique devenu l'article L. 4151 ;3 : « En cas d'accouchement dystocique (…) les sages-femmes (…) doivent faire appeler un médecin » ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque survient une dystocie pendant un accouchement se déroulant sous la surveillance d'une sage-femme, celle-ci a l'obligation d'appeler un médecin ; que l'absence d'un médecin dans de telles circonstances est constitutive d'un défaut dans l'organisation et le fonctionnement du service engageant la responsabilité du service public hospitalier, à moins qu'il ne soit justifié d'une circonstance d'extrême urgence ayant fait obstacle à ce que la sage-femme appelle le médecin ou que le médecin appelé ait été, pour des motifs légitimes, placé dans l'impossibilité de se rendre au chevet de la parturiente ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise ordonnée le 30 août 1995 par le juge des référés du Tribunal administratif de Pau, que Mme X a accouché, le 13 juillet 1995, au centre hospitalier général de Pau, d'une fille pesant 4, 550 kilogrammes, prénommée Imane ; qu'est survenue pendant l'accouchement une dystocie des épaules ayant conduit la sage-femme présente à effectuer seule une manoeuvre destinée à dégager les épaules de l'enfant ; que cette manoeuvre a entraîné pour celle-ci une atteinte physique se traduisant par une paralysie du plexus brachial la privant de l'usage de son membre supérieur droit ; qu'il résulte également de l'instruction qu'aucun médecin n'est venu prêter son concours à l'accouchement de Mme X en vue de pratiquer lui-même les gestes médicaux ou chirurgicaux adaptés à la gravité de la situation de cette patiente, en limitant ainsi les risques de voir l'enfant naître atteint d'un tel handicap ; que le centre hospitalier général de Pau ne soutient ni qu'une circonstance d'extrême urgence ait fait obstacle à ce que la sage-femme appelle un médecin ainsi qu'elle y était légalement tenue, ni que le médecin de permanence ait été, pour des motifs légitimes, dans l'impossibilité de se rendre au chevet de Mme X ; qu'ainsi, l'absence d'un médecin auprès de Mme X pour procéder à l'accouchement a constitué une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service, qui est à l'origine des préjudices dont il est demandé réparation ; que, par suite, les époux X sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier à réparer l'entier préjudice subi par eux-mêmes et leur fille Imane ;
Sur les demandes de M. et Mme X :
Considérant que les pièces du dossier ne contiennent pas les éléments permettant de déterminer le préjudice corporel subi par l'enfant Imane ; qu'il y a lieu d'ordonner une expertise médicale aux fins de décrire la nature et l'étendue des séquelles dont est atteinte cet enfant et de déterminer la date de consolidation de son état ainsi que la durée de l'incapacité temporaire totale, le taux de l'incapacité permanente partielle, les souffrances physiques et le préjudice d'agrément qui résultent desdites séquelles ;
Considérant que M. et Mme X demandent que leur soit accordée une provision de 76 000 euros ; qu'il sera fait une juste appréciation de la provision devant être allouée aux intéressés en condamnant le centre hospitalier général de Pau à leur payer une somme de 25 000 euros, qui portera intérêt au taux légal à compter du 14 avril 1997, date d'enregistrement de leur demande au greffe du tribunal administratif ; que M. et Mme X ont demandé la capitalisation des intérêts pour la première fois dans leur mémoire enregistré au tribunal administratif le 11 mai 1999, alors qu'il était dû plus d'une année d'intérêts ; que, par suite, les intéressés ont droit à la capitalisation des intérêts sur la somme de 25 000 euros au 11 mai 1999 et à chaque échéance annuelle à partir de ladite date ;
Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie du Béarn et de la Soule :
Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie du Béarn et de la Soule peut prétendre au paiement de la somme non contestée de 25 890, 58 euros correspondant aux prestations en nature qu'elle a servies au titre des séquelles résultant de l'accouchement ; que, par suite, le centre hospitalier général de Pau doit être condamné à lui verser cette somme ; que la somme de 1 549, 92 euros, qui correspond à des prestations réglées antérieurement au 16 juin 1997, date à laquelle la caisse primaire a demandé pour la première fois le paiement portera intérêt au taux légal à compter de cette date ; qu'en revanche, le surplus de la créance de la caisse primaire, soit la somme de 24 340, 66 euros, qui concerne des prestations servies pendant des périodes échues postérieurement au 16 juin 1997, portera intérêt au taux légal à compter du 8 novembre 2003, date à laquelle cette fraction de la créance est devenue liquide et exigible ;
Sur les frais de l'expertise ordonnée le 30 août 1995 :
Considérant qu'il y a lieu de mettre les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du Tribunal administratif de Pau le 30 août 1995 à la charge du centre hospitalier général de Pau ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Pau du 30 septembre 1999 est annulé.
Article 2 : Le centre hospitalier général de Pau est déclaré responsable des conséquences dommageables de l'atteinte physique subie par l'enfant Imane X lors de sa naissance.
Article 3 : Le centre hospitalier général de Pau versera à la caisse primaire d'assurance maladie du Béarn et de la Soule la somme de 25 890, 58 euros. La somme de 1 549, 92 euros portera intérêt au taux légal à compter du 16 juin 1997 et celle de 24 340, 66 euros à compter du 8 novembre 2003.
Article 4 : Le centre hospitalier général de Pau est condamné à payer à M. et Mme X une somme de 25 000 euros à titre de provision, qui portera intérêt au taux légal à compter du 14 avril 1997. Ces intérêts seront capitalisés au 11 mai 1999 et à chaque échéance annuelle à partir de cette date.
Article 5 : Il sera, avant de statuer sur le surplus des demandes de M. et Mme X et de la caisse primaire d'assurance maladie du Béarn et de la Soule , procédé, par un expert désigné par le président de la Cour, à une expertise en vue de décrire la nature et l'étendue des séquelles dont souffre l'enfant Imane X et de déterminer :
- la date de consolidation de l'état de cette enfant ;
- la durée de son incapacité temporaire totale ;
- la durée de l'incapacité permanente partielle ;
- le préjudice esthétique ;
- les souffrances physiques ;
- le préjudice d'agrément.
Article 6 : L'expert sera désigné par le président de la Cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative.
Article 7 : Les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du Tribunal administratif de Pau le 30 août 1995 sont mis à la charge du centre hospitalier général de Pau.
Article 8 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
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N°05BX01393