Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 20 août 2002, présentée pour la société CSM BESSAC, dont le siège social est situé ..., par Me Y... ;
La société CSM BESSAC demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 4 juin 2002 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la communauté urbaine de Bordeaux, d'une part, à payer au groupement d'entreprises à laquelle elle appartenait pour la passation du marché de travaux n° 88/264, conclu avec cette collectivité le 6 juillet 1988, la somme de 264 936,14 euros correspondant à un « trop perçu » retenu par l'établissement public, d'autre part, à lui verser la somme de 83 389 euros au titre du coût des arrêts du tunnelier ainsi que la somme de 45 734,71 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait du comportement de l'établissement public ;
2° de condamner la communauté urbaine de Bordeaux à payer au groupement d'entreprises la somme de 264 936,14 euros, augmentée des intérêts de droit et des intérêts moratoires capitalisés à compter du 7 juillet 1993 ;
3° de condamner la communauté urbaine de Bordeaux à lui payer la somme de 83 389 euros, augmentée des intérêts de droit et des intérêts moratoires capitalisés à compter du 7 juillet 1993 ainsi que la somme de 45 734,71 euros ;
4° de condamner la communauté urbaine de Bordeaux à lui payer la somme de 7 622,45 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 octobre 2005 :
- le rapport de M. Bayle, premier conseiller,
- les observations de Me A... substituant Me Y... pour la Société CSM BESSAC, de Me Cambray X... substituant Me Z... pour la communauté urbaine de Bordeaux,
- et les conclusions de Péano , commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par un marché conclu le 6 juillet 1988 et modifié par un avenant du 30 avril 1991, la communauté urbaine de Bordeaux a confié à un groupement d'entreprises solidaires auquel appartenait la société CSM BESSAC et dont la société Les chantiers modernes était le mandataire, la réalisation d'un collecteur intercepteur d'assainissement sur le territoire de la commune de Bordeaux ; que les travaux ont été réceptionnés le 29 mars 1991 ; qu'estimant que le groupement était redevable d'un montant de pénalités de 1 427 040,52 F hors taxes, soit 217 550,92 euros, à raison du dépassement du coût des travaux confiés à la société CSM BESSAC, la communauté urbaine a émis à l'encontre de la société Les chantiers modernes, le 1er juillet 1993, un ordre de recette d'un montant de 1 687 250,13 F toutes taxes comprises, soit 257 219,62 euros ; qu'en vue d'assurer le recouvrement de la somme précitée, le trésorier compétent a finalement procédé à une compensation entre la créance ainsi estimée de la communauté urbaine et des dettes de cet établissement à l'égard de la société Les chantiers modernes, à raison d'autres marchés ; que la société CSM BESSAC a demandé au tribunal administratif de Bordeaux la décharge des pénalités litigieuses et la condamnation de la communauté urbaine de Bordeaux à lui payer une somme de 916 806,31 F, soit 139 766,22 euros, correspondant à l'application de coefficients de prime et à des travaux supplémentaires, ainsi qu'une indemnité de 300 000 F, soit 45 734,71 euros, à titre de réparation du préjudice subi du fait du comportement de l'établissement public ; que, par le jugement du 4 juin 2002, le tribunal administratif a condamné la communauté urbaine à payer à la société CSM BESSAC la somme de 56 377 euros, augmentée des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, au titre des coefficients de prime et a rejeté le surplus des conclusions ; que la société CSM BESSAC interjette appel, pour renouveler ses demandes non satisfaites ; que la société Les chantiers modernes intervient au soutien de la requête ; que, par la voie de l'appel incident, la communauté urbaine de Bordeaux demande la réformation du jugement en tant qu'il l'a condamnée à payer à la société CSM BESSAC la somme de 56 377 euros ;
Sur l'intervention de la société Les chantiers modernes :
Considérant que la société Les chantiers modernes soutient sans être contredite que, pour obtenir le paiement des pénalités en cause, la communauté urbaine de Bordeaux a procédé à la compensation de la créance correspondante avec des sommes dont l'établissement public était redevable à ladite société au titre d'autres marchés ; qu'ainsi, cette dernière se prévaut d'un droit auquel l'arrêt à intervenir est susceptible de préjudicier ; qu'en exposant les règles d'application de l'article 1154 du code civil et en contestant la compensation opérée par la communauté urbaine de Bordeaux, elle a énoncé des moyens à l'appui de son intervention au soutien de la requête de la société CSM BESSAC et non, comme le prétend l'établissement public, formulé des conclusions distinctes ; que, par suite, l'intervention est recevable ;
Sur le bien-fondé du jugement :
Considérant qu'aux termes de l'article 13.41 du cahier des clauses administratives générales applicable audit marché de travaux : « Le maître de l'ouvrage établit le décompte général… » et qu'aux termes de l'article 13.42 de ce cahier : « Le décompte général, signé par la personne responsable du marché, doit être notifié à l'entrepreneur par ordre de service… » ; qu'aux termes du 52 de l'article 44 de ce cahier : « Le mandataire ou l'entrepreneur est seul habilité à présenter les projets de décomptes et à accepter le décompte général ; sont seules recevables les réclamations formulées ou transmises par ses soins » ; qu'aux termes de l'article 50.22 dudit cahier : « Si un différend survient directement entre la personne responsable du marché et l'entrepreneur, celui-ci doit adresser un mémoire de réclamation à ladite personne aux fins de transmission au maître de l'ouvrage » et qu'aux termes de l'article 50.31 du même cahier : « Si, dans le délai de trois mois à partir de la date de réception, par la personne responsable du marché, de la lettre ou du mémoire de l'entrepreneur mentionné aux 21 et 22 du présent article, aucune décision n'a été notifiée à l'entrepreneur, ou si celui-ci n'accepte pas la décision qui lui a été notifiée, l'entrepreneur peut saisir le tribunal administratif compétent. Il ne peut porter devant cette juridiction que les chefs et motifs de réclamation énoncés dans la lettre ou le mémoire remis à la personne responsable » ; que, dans le cas où le maître d'ouvrage n'a pas établi le décompte général et définitif, il appartient à l'entrepreneur, avant de saisir le juge, de mettre celui-ci en demeure d'y procéder ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas sérieusement contesté que, si le maître de l'ouvrage a établi un décompte général du marché en cause, ce document a été communiqué au mandataire représentant le groupement par un courrier du 19 mai 1993 sans comporter la signature de son auteur et n'a pas fait l'objet d'une notification par ordre de service conforme aux stipulations précitées du 42 de l'article 13 du cahier des clauses administratives générales applicable ; que, dès lors, ce document ne pouvait être regardé comme le décompte général du marché ; qu'il n'est justifié ni par la société Les chantiers modernes, ni par la société CSM BESSAC d'une mise en demeure adressée à la communauté urbaine de Bordeaux l'invitant à notifier au mandataire du groupement le décompte général dûment signé ; que, dans ces conditions, les conclusions présentées par la société CSM BESSAC au tribunal administratif tendant à la suppression des pénalités et à la condamnation de la communauté urbaine à lui payer diverses sommes, au titre de coefficients de prime et de travaux supplémentaires, étaient irrecevables ;
Considérant que, si la société CSM BESSAC demande la condamnation de la communauté urbaine de Bordeaux à lui payer une somme de 45 734,71 euros à titre d'indemnisation du comportement de l'établissement public, elle n'établit pas, en tout état de cause, la réalité du préjudice allégué ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la communauté urbaine de Bordeaux est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamnée à payer à la société CSM BESSAC la somme de 56 377 euros au titre du marché en cause et que la société CSM BESSAC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté le surplus de ses conclusions ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la communauté urbaine de Bordeaux, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à payer à la société CSM BESSAC la somme que celle-ci demande sur ce fondement ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner la société CSM BESSAC à payer à la communauté urbaine de Bordeaux une somme de 1 300 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : L'intervention de la société Les chantiers modernes est admise.
Article 2 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 4 juin 2002 est annulé.
Article 3 : La demande présentée au tribunal administratif de Bordeaux par la société CSM BESSAC et sa requête sont rejetées.
Article 4 : La société CSM BESSAC versera à la communauté urbaine de Bordeaux une somme de 1 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N°02BX01728