Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 5 septembre 2002, présentée pour la BANQUE FRANCAISE DE CREDIT COOPERATIF (BFCC), dont le siège social est situé ..., par Me Y..., avocat ;
La BFCC demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement du 27 juin 2002 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la condamnation du syndicat départemental d'électricité de la Haute-Garonne à lui payer, assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 1995, à titre principal, la somme de 102 157, 65 euros, à titre subsidiaire, la somme de 47 848, 96 euros, au titre des créances cédées par la société coopérative de production de réseaux (SOCOPER) ;
2° de condamner le syndicat départemental d'électricité de la Haute-Garonne à lui payer, à titre principal, la somme de 102 157, 65 F, à titre subsidiaire, la somme de 47 848, 96 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 1995 et de la capitalisation de ces intérêts ;
3° de condamner le syndicat départemental d'électricité de la Haute-Garonne aux entiers dépens et à lui payer une somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code monétaire et financier ;
Vu le décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 juin 2005,
le rapport de M. Bayle, premier conseiller ;
les observations de Me Z... du cabinet Decker et associés pour le CREDIT COOPERATIF venant au droit de la BANQUE FRANCAISE DE CREDIT COOPERATIF ;
les observations de Me X... pour le syndicat départemental d'électricité de la Haute-Garonne ;
et les conclusions de M. Péano, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par marchés sur commandes portant les références I, J et K et conclus, respectivement, les 24 octobre 1986, 23 octobre 1987 et 31 octobre 1989, le syndicat départemental d'électricité de la Haute-Garonne a confié à la société SOCOPER des travaux de renforcement et d'extension du réseau électrique ; que, par bordereaux des 14 novembre et 15 novembre 1991, la société SOCOPER a cédé à la BANQUE FRANCAISE DE CREDIT COOPERATIF (BFCC), en application de la loi du 2 janvier 1981, des créances d'un montant de 303 553, 74 F et de 293 063, 07 F se rapportant, respectivement, aux marchés K et J ; que, par bordereaux du 18 décembre 1991, la société SOCOPER a cédé à cette banque, dans le cadre du même dispositif, des créances sur le syndicat d'un montant de 1 158 049, 91 F et de 1 477 826, 81 F, se rapportant aux marchés I et J ; que la BFCC a procédé à la notification de ces créances au syndicat et au trésorier principal de Balma entre le 20 décembre 1991 et le 8 janvier 1992 ; que le syndicat ayant refusé de payer les sommes réclamées par la BFCC au titre des créances susmentionnées, cette dernière a demandé au tribunal administratif de Toulouse la condamnation de l'établissement public à lui payer la somme de 2 392 131, 67 F en règlement du montant qu'elle estimait lui être dû ; que, considérant que le dossier ne comportait pas les éléments nécessaires pour déterminer le montant des sommes dont la BFCC était fondée à demander le paiement, le tribunal administratif a, par jugement du 30 avril 1999, ordonné une expertise aux fins de réunir l'ensemble des éléments permettant de fixer le décompte des marchés ; qu'après le dépôt du rapport d'expertise, le tribunal administratif a rejeté la demande de la BFCC, par un jugement du 27 juin 2002 dont celle-ci interjette appel ; que la banque demande à la Cour de condamner le syndicat à lui payer, assorties des intérêts au taux légal capitalisés, à titre principal, une somme de 102 157, 65 euros, à titre subsidiaire, une somme de 47 848, 96 euros ;
Considérant que, dans ses écritures devant la Cour, la BANQUE FRANCAISE DE CREDIT COOPERATIF évalue les créances dont elle peut se prévaloir sur le syndicat d'électricité de la Haute-Garonne au titre des marchés I, J et K aux sommes respectives de 78 868, 43 euros, 15 852, 67 euros et 7 436, 54 euros ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 2 janvier 1981, dont les dispositions ont été reprises par l'article L. 313-23 du code monétaire et financier : « Tout crédit qu'un établissement de crédit consent à une personne morale de droit privé ou de droit public, ou à une personne physique dans l'exercice par celle-ci de son activité professionnelle, peut donner lieu au profit de cet établissement, par la seule remise d'un bordereau, à la cession ou au nantissement par le bénéficiaire du crédit, de toute créance que celui-ci peut détenir sur un tiers, personne morale de droit public ou de droit privé… » ; qu'aux termes de l'article 6 de ladite loi, dont les dispositions ont été reprises par l'article L. 313-29 du code susmentionné : « Sur demande du bénéficiaire du bordereau, le débiteur peut s'engager à le payer directement : cet engagement est constaté, à peine de nullité, par un écrit intitulé « Acte d'acceptation » de la cession ou du nantissement d'une créance professionnelle. Dans ce cas, le débiteur ne peut opposer à l'établissement de crédit les exceptions fondées sur ses rapports personnels avec le signataire du bordereau… » ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que, si la BANQUE FRANCAISE DE CREDIT COOPERATIF a procédé à la notification, auprès du syndicat départemental d'électricité de la Haute-Garonne et de son comptable, des créances que lui a cédées la société SOCOPER, l'établissement public n'a pas émis d'acceptation formelle de ces cessions dans les conditions prévues par l'article 6 de la loi précitée ; que, par suite, le syndicat peut opposer à la BFCC les droits qu'il détenait sur la société SOCOPER au titre des marchés en cause ;
Considérant que si, en application des dispositions des articles 47 à 53 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, dont les dispositions ont été reprises par les articles L. 621-40 et suivants du code de commerce, et des articles 65 et suivants du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985, il appartient de façon exclusive à l'autorité judiciaire de statuer sur l'admission ou la non-admission des créances déclarées, la circonstance que la collectivité publique, dont l'action devant le juge administratif tend à faire reconnaître et évaluer ses droits à l'égard d'une entreprise admise ultérieurement à la procédure de redressement, puis de liquidation judiciaire, n'aurait pas déclaré sa créance éventuelle dans le délai imparti et n'aurait pas demandé à être relevée de cette forclusion est sans influence sur la compétence du juge administratif pour se prononcer sur les conclusions relatives à cette créance, dès lors qu'elles ne sont elles-mêmes entachées d'aucune irrecevabilité au regard des dispositions dont l'appréciation relève de la juridiction administrative et ce, sans préjudice des suites que la procédure judiciaire est susceptible d'avoir sur l'extinction de cette créance ; qu'il résulte également de ce qui précède qu'il appartient au juge administratif de juger du bien-fondé de la demande de la collectivité publique et de fixer le montant des sommes qui lui sont dues par l'entreprise ou son liquidateur, sans préjudice des suites que la procédure judiciaire est susceptible d'avoir sur le recouvrement de cette créance ; que, par suite, la BFCC ne peut utilement faire valoir que le syndicat n'a pas procédé à la déclaration de ses éventuelles créances sur la société SOCOPER auprès du liquidateur judiciaire de cette dernière ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par les premiers juges, qu'à la date à laquelle la société SOCOPER a été déclarée en liquidation judiciaire, cette dernière était redevable au syndicat, en application des cahiers des clauses administratives particulières joints aux marchés, de pénalités de retard s'élevant à une somme supérieure à 800 000 F en ce qui concerne le marché I et à une somme supérieure à 700 000 F en ce qui concerne le marché J ; que, si les cahiers des clauses administratives particulières joints aux marchés dérogeaient, par leur article 4. 3. 3, à la règle de l'article 20. 3 des cahiers des clauses administratives générales subordonnant l'application des pénalités prévues en cas de retard de présentation du projet de décompte final à la notification préalable d'un ordre de service rappelant à l'entrepreneur ses obligations, lesdits cahiers des clauses particulières, qui étaient au nombre des documents contractuels et dont les stipulations pouvaient déroger à celles des cahiers des clauses administratives générales, engageaient la société SOCOPER ; que, par suite, que la BFCC ne peut invoquer la suppression de l'exigence de notification d'un ordre de service dans les cahiers des clauses particulières, pour contester le montant des pénalités du fait du retard de la société SOCOPER dans la présentation des décomptes finaux ; que ni l'absence de comptabilisation de pénalités sur le projet de décompte établi par le maître d'oeuvre, ni le paiement des travaux ne font obstacle à l'application des pénalités ; que le montant de ces pénalités est supérieur aux créances dont se prévaut la BFCC au titre des marchés I et J, même en extournant, en ce qui concerne ce dernier marché, les pénalités du fait des retards dans l'exécution des travaux, estimées par l'expert à un montant de 325 765, 33 F ; que, par ailleurs, il résulte de l'instruction, et il n'est pas sérieusement contesté, que la société SOCOPER n'a pas exécuté l'ensemble des travaux prévus, dans le cadre du marché K, par la commande du 12 septembre 1991 sur le site de Lagraulet ; que, par suite, le syndicat n'était pas redevable de la somme de 48 814, 75 F, soit 7 441,76 euros, se rapportant à cette commande, prise en compte par la BFCC ; qu'il résulte de tout de qui précède que la BANQUE FRANCAISE DE CREDIT COOPERATIF ne peut se prévaloir d'une quelconque créance sur le syndicat départemental d'électricité de la Haute-Garonne, et qu'elle n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : « Les dépens comprennent les frais d'expertise… Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties » ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le syndicat départemental d'électricité de la Haute-Garonne n'a soulevé le moyen tiré du caractère irrégulier de la notification au comptable des bordereaux de cession des créances, que le tribunal administratif a retenu pour rejeter la demande de la BFCC, qu'après que cette juridiction ait ordonné une expertise aux fins de déterminer le montant des créances dont cet établissement public ne s'était pas encore libéré ; que, dans ces conditions, le tribunal administratif de Toulouse a pu, à bon droit, répartir la charge de l'expertise entre les deux parties ; qu'il suit de là que les conclusions présentées par le syndicat, par la voie de l'appel incident, tendant à ce que la BFCC soit condamnée au paiement de la totalité des frais de l'expertise doivent être rejetées ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes de la BFCC et du syndicat départemental d'électricité de la Haute-Garonne tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la BANQUE FRANCAISE DE CREDIT COOPERATIF (BFCC) et les conclusions du syndicat départemental d'électricité de la Haute-Garonne sont rejetées.
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No 02BX01848