Vu la requête, enregistrée le 14 février 2001 au greffe de la Cour, présentée pour la SOCIÉTÉ DODIN SUD, dont le siège est ... et pour la SOGEA LANGUEDOC-PYRENEES, dont le siège est ..., par Me Marc X... ;
La SOCIÉTÉ DODIN SUD et la SOGEA LANGUEDOC-PYRENEES demandent à la Cour :
1° d'annuler le jugement N° 9701493 du 29 septembre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à leur verser la somme de 2 256 323,52 francs hors taxe ;
2° de condamner l'Etat à leur verser la somme de 2 256 323,52 francs, ainsi que les intérêts au taux légal à compter de la date de leur réclamation, les intérêts étant eux mêmes capitalisés à compter de la date d'enregistrement de la requête ;
3° à la condamnation de l'Etat à leur verser 20 000 francs au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er février 2005,
le rapport de M. Dudézert, président-assesseur ;
les observations de Me X... pour la SOCIÉTÉ DODIN SUD et la SOGEA LANGUEDOC-PYRENEES ;
et les conclusions de M. Péano, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par un marché passé le 30 novembre1993, les sociétés DODIN SUD et SOGEA LANGUEDOC PYRENEES ont été chargées par l'Etat de la construction d'un ouvrage doublant le pont d'Empalot dans le cadre de la mise à deux fois trois voies de la rocade Sud de Toulouse ;
Sur les modalités de fixation des prix :
Considérant que le devis estimatif visé par l'acte d'engagement prévoyait à la fois des prix unitaires et des prix forfaitaires ; que le tribunal a retenu l'application de prix forfaitaires aux poutres en béton spécial précontraint et à la réalisation du batardeau P3 ; qu'il ressort du devis estimatif que c'est à bon droit que le tribunal administratif a estimé que les prix fixés pour la réalisation de ces ouvrages étaient bien forfaitaires ;
Sur les travaux supplémentaires résultant de la faute alléguée du maître de l'ouvrage :
Considérant que, si les sociétés demandent en appel, une indemnisation de 528 000 francs hors taxes représentant le surcoût du batardeau P3, elles n'apportent aucune critique sur la solution retenue par le tribunal administratif ;
Considérant que l'Etat, maître de l'ouvrage, ne s'est pas engagé contractuellement sur une date de démarrage des travaux et a seulement proposé, lors de la mise en concurrence, la possibilité d'une variante ; qu'en l'absence de retard anormal et dès lors qu'une plus-value liée au coulage de certains éléments durant la période hivernale était prévue au contrat, les sociétés ne peuvent prétendre à être indemnisées, en raison de la faute du maître de l'ouvrage, ni des conséquences éventuelles du travail en période hivernale ni de la brièveté de la période d'études ;
Considérant qu'il résulte des plans visés par l'acte d'engagement et notamment du plan n°1.4.1.7, que le profil de la piste de desserte du chantier devait avoir une largeur de 5 mètres ; que si le ministre soutient que la piste n'avait pas partout cette dimension du fait de la mise en place, par les entreprises elles-mêmes, d'un moule supplémentaire pour le coulage des poutres du pont, il ressort du plan susmentionné, que la partie Est de la piste était prévue dès le début du chantier avec une largeur inférieure à 5 mètres ; qu'il n'est pas contesté que la desserte normale du chantier nécessitait une largeur de 5 mètres ; que les entreprises qui avaient connaissance de cette situation, en signant le marché, n'ont pas mis le maître de l'ouvrage en demeure de leur fournir une piste adaptée à la circulation des véhicules ; qu'ainsi, les sociétés sont seulement fondées à demander l'indemnisation de la moitié du surcoût résultant des conditions plus difficiles de circulation des engins de chantier ; que l'évaluation à 1 360 heures de ce surcoût n'est pas contestée ; que cette contrainte étant connue dès le début du chantier, le tarif applicable est celui des heures normales ; que, par suite, la SOCIETE DODIN SUD et la SOGEA LANGUEDOC PYRENEES sont fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté leur demande et à demander la condamnation de l'Etat à leur verser 74 800 francs (11 403,19 euros) ;
Sur les travaux supplémentaires résultant d'une augmentation de la masse des travaux :
Considérant que le prix prévu pour la réalisation des poutres était forfaitaire ; qu'en choisissant d'exécuter la variante à 5 poutres au lieu de 6 dans le même délai, les entreprises devaient en assumer l'intégralité des conséquences, notamment la mise en service d'un troisième moule ; que le ferraillage supplémentaire demandé par le maître de l'ouvrage a fait l'objet d'une indemnisation ; que les sociétés ne démontrent pas cette indemnisation ait été insuffisante ;
Sur les travaux supplémentaires réalisés à l'initiative des sociétés requérantes :
Considérant que les travaux de renforcement de la culée C4 ont dû être réalisés à la suite de contrôles ayant montré la nécessité d'une consolidation ; que, compte tenu des obligations qui incombent aux entreprises lors de la réalisation de travaux, il leur appartient de remédier, même sans faute, aux malfaçons qui affectent les ouvrages ;
Considérant que les frais engagés pour la mise en place d'hourdis supplémentaires et le changement des plaques en inox ont fait l'objet d'une indemnisation dont les sociétés ne démontrent pas qu'elle ait été insuffisante ;
Sur les sujétions imprévues :
Considérant que les travaux nécessités par des arrivées d'eau autour des batardeaux P1 et P2, traités à prix forfaitaire, n'ont représenté qu'une dépense de 147 400,63 francs hors taxes ; que le montant global du marché était de 21 231 210,65 francs hors taxes ; que l'économie du marché n'ayant pas été bouleversée, les sociétés ne sont pas fondées à demander l'indemnisation de cette sujétion imprévue ;
Sur les intérêts et leur capitalisation :
Considérant que les sociétés ont droit aux intérêts au taux légal, comme elles l'ont demandé, de la somme de 74 800 francs (11 403,19 euros) à compter du 22 août 1996, date de leur réclamation à l'administration ; que la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande prend effet, au plus tôt, à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que les sociétés ont demandé, par un mémoire du 14 février 2001, la capitalisation ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de désigner un expert, que LA SOCIÉTÉ DODIN SUD et LA SOGEA LANGUEDOC-PYRENEES sont seulement fondées à demander la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 74 800 francs (11 403,19 euros) avec intérêts au taux légal à compter du 22 août 1996 et leur capitalisation à compter du 14 février 2001 ainsi qu'à chaque échéance annuelle ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à verser une somme globale de 1 300 euros aux sociétés DODIN SUD et SOGEA LANGUEDOC PYRENEES, au titre des fais exposées par elles et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'Etat est condamné à verser aux SOCIETES DODIN SUD et SOGEA LANGUEDOC PYRENEES la somme de 11 403,19 euros (74 800 francs) avec intérêts au taux légal à compter du 22 août 1996, les intérêts étant eux mêmes capitalisés le 14 février 2001 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Toulouse du 29 septembre 2000 est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête des sociétés DODIN SUD et SOGEA LANGUEDOC PYRENEES est rejeté.
Article 4 : L'Etat est condamné à verser 1 300 euros aux sociétés DODIN SUD et SOGEA LANGUEDOC PYRENEES en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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No 01BX00371