Vu le recours enregistré au greffe de la Cour le 7 février 2000, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR qui demande à la Cour ;
- d'annuler le jugement du 17 novembre 1999 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a annulé la décision implicite de rejet opposée par le préfet de Tarn et Garonne à la demande de M. Y tendant à l'abrogation de l'arrêté préfectoral, en date du 9 février 1993, l'astreignant à résider dans l'arrondissement de Castelsarrasin ;
- de rejeter la demande présentée par M. Y devant le tribunal administratif de Toulouse tendant à l'annulation de cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité du 25 mars 1957 modifié instituant la communauté économique européenne ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;
Vu le décret n° 46-448 du 18 mars 1946 modifié portant application des articles 8 et 36 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée ;
Vu le code de justice administrative, ensemble le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 décembre 2004,
le rapport de Mme Roca, premier conseiller ;
et les conclusions de M. Péano, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. Y, résident espagnol, a fait l'objet d'un arrêté du MINISTRE DE L'INTERIEUR, pris le 8 novembre 1991 sur le fondement de l'article 2 du décret n° 46-448 du 18 mars 1946 dans sa rédaction issue du décret n° 84-1178 du 26 décembre 1984, lui interdisant de résider dans 28 départements français au motif qu'il était lié à un groupe armé et organisé dont l'activité constitue une atteinte à l'ordre public sur le territoire français , puis, pour le même motif, d'un arrêté du préfet de Tarn et Garonne, en date du 9 février 1993, limitant à l'arrondissement de Castelsarrasin la circonscription dans laquelle il est autorisé à résider ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision implicite de rejet opposée par le préfet de Tarn et Garonne à la demande d'abrogation de ce dernier arrêté formulée par M. Y le 16 décembre 1997 au motif que ce rejet méconnaît les dispositions des articles 8 A et 48 du traité instituant la Communauté européenne ;
Considérant que l'expiration, le 31 décembre 1991, de la période de transition prévue, pour l'application des dispositions de ce traité relative à la libre circulation des travailleurs, par l'article 56 de l'acte d'adhésion de l'Espagne à la Communauté européenne, constitue une circonstance de droit nouvelle, postérieure à l'arrêté ministériel en exécution duquel a été pris l'arrêté préfectoral litigieux ; que M. Y était, dès lors, en droit de demander le 16 décembre 1997 l'abrogation de l'arrêté du 9 février 1993 en se fondant sur la méconnaissance des dispositions des article 6 et 48 du traité de Rome, désormais applicables aux ressortissants espagnols ;
Considérant que ni l'article 48 du traité instituant la Communauté européenne (devenu, après modification, l'article 39), ni les dispositions de droit dérivé qui mettent en oeuvre la liberté de circulation des travailleurs ne s'opposent à ce qu'un Etat membre prononce, à l'égard d'un travailleur migrant ressortissant d'un autre Etat membre, des mesures de police administrative limitant le droit de séjour de ce travailleur à une partie du territoire national à condition que des motifs d'ordre public ou de sécurité publique fondés sur son comportement individuel le justifient, que, en l'absence d'une telle possibilité, ces motifs ne puissent conduire en raison de leur gravité, qu'à une mesure d'interdiction de séjour ou d'éloignement de l'ensemble du territoire national et que le comportement que l'Etat membre concerné vise à prévenir, donne lieu. lorsqu'il est le fait de ses propres ressortissants, à des mesures répressives ou à d'autres mesures réelles et effectives destinées à le combattre ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que le principe de libre circulation des travailleurs posé par l'article 48 du traité instituant la Communauté européenne faisait, par principe, obstacle à ce qu'un ressortissant communautaire puisse faire l'objet. sur le fondement de l'article 2 du décret du 18 mars 1946, de mesures de surveillance spéciale conduisant l'autorité administrative à interdire à l'intéressé de résider sur une partie du territoire national, le tribunal administratif de Toulouse a commis une erreur de droit ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que pour prendre à l'encontre de M. Y les mesures de police précitées, l'administration s'est fondée sur le comportement personnel de l'intéressé caractérisé par son appartenance au mouvement terroriste de l'ETA et l'activisme qu'il y a déployé à partir du territoire français, dûment constaté par les autorités judiciaires ; que, d'une part, eu égard à ce comportement, le motif d'ordre public sur lequel l'auteur de la décision attaquée s'est fondé, était en l'espèce, légalement justifié ; que, d'autre part, un tel comportement de la part d'un ressortissant français appellerait une action répressive ; qu'enfin les mesures de police administrative ont été adoptées de préférence à une interdiction totale du territoire ; que le MINISTRE DE L'INTERIEUR est, dès lors, fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur la méconnaissance de l'article 48 du traité instituant la communauté économique européenne pour annuler la décision implicite de refus d'abrogation de l'arrêté préfectoral du 9 février 1993 ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. Y devant le tribunal administratif de Toulouse ;
Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la loi du Il juillet 1979, qui n'est pas incompatible avec l'article 6 de la directive 64-221 du 25 février 1964 : Une décision implicite intervenue dans le cas où une décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite devront être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration des deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués. ;
Considérant que M. Y n'allègue pas avoir demandé dans le délai du recours contentieux les motifs de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le préfet de Tarn et Garonne sur sa demande d'abrogation de la mesure d'assignation à résidence prise à son encontre ; qu'il n'est donc pas fondé à soutenir que cette décision est illégale faute d'être assortie de la motivation exigée par la loi du 11 juillet 1979 ;
Considérant que si M. Y soutient que la décision de refus d'abrogation a pour effet de le séparer de sa famille qui réside dans la province de Biscaye en Espagne, il ressort des pièces du dossier qu'eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, cette décision, qui vise à l'éloigner pour un motif d'ordre public de la frontière espagnole, ne porte pas au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel ce refus a été pris ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut, par suite, être accueilli ;
Considérant que les moyens tirés de l'illégalité des décisions de refus de délivrance d'un titre de séjour sont inopérants ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'INTERIEUR est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision implicite de rejet du préfet de Tarn et Garonne ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas partie perdante, soit condamné à verser à M. Y une somme au titre des frais qu'il a engagés, non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 17 novembre 1999 est annulé en ses articles 1 et 2.
Article 2 : La demande présentée par M. Y devant le tribunal administratif de Toulouse tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet opposée par le préfet de Tarn et Garonne a sa demande d'abrogation de l'arrêté du 9 février 1993 et ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, devenu l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
2
N° 00BX00278