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11/07/2013 | FRANCE | N°11BX03278

France | France, Cour administrative d'appel de, 4ème chambre (formation à 3), 11 juillet 2013, 11BX03278


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 décembre 2011 et 20 janvier 2012, présentés pour la région de la Guadeloupe, représentée par le président du conseil régional en exercice, par Me Barthélemy ;

La région de la Guadeloupe demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600251 du 6 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif de Basse-Terre l'a condamnée à verser à la société Matière la somme de 32 640,54 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 1997, représentant le solde des prest

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 décembre 2011 et 20 janvier 2012, présentés pour la région de la Guadeloupe, représentée par le président du conseil régional en exercice, par Me Barthélemy ;

La région de la Guadeloupe demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600251 du 6 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif de Basse-Terre l'a condamnée à verser à la société Matière la somme de 32 640,54 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 1997, représentant le solde des prestations réalisées en qualité de sous-traitant dans le cadre du contrat de construction du pont de la Lézarde ;

2°) de rejeter la demande de la société Matière ;

3°) de mettre à la charge de la société Matière le paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 juin 2013 :

- le rapport de Frédérique Mme Munoz-Pauziès, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

- les observations de Me A... substituant Me Barthélémy, avocat de la région Guadeloupe ;

1. Considérant que par acte d'engagement du 6 septembre 1994, la région de la Guadeloupe a confié à la société Sobetrap les travaux de construction d'un pont pour le franchissement de la rivière la Lézarde par la route nationale 1 ; que la société Sobetrap a sous-traité une partie des travaux à l'Entreprise de travaux publics de l'Ouest (ETPO), qui elle-même, par contrat du 29 mai 1995, a sous-traité à la société Matière la construction de la charpente métallique du pont, moyennant un prix de 2 017 750 francs (307 604 euros) hors taxe ; que le solde des travaux ne lui ayant pas été réglé, la société Matière a saisi le tribunal administratif de Basse-Terre qui, par jugement du 6 octobre 2011, a condamné la région de la Guadeloupe à lui verser la somme de 32 640,54 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 1997 ; que la région de la Guadeloupe relève appel de ce jugement ; que par la voie de l'appel incident, la société Matière demande la capitalisation des intérêts ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la loi susvisée du 31 décembre 1975, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Le sous-traitant qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution. (...) " ; que le litige relatif au paiement direct au sous-traitant par le maître de l'ouvrage du prix des travaux concerne l'exécution d'un marché de travaux publics et relève, par suite, de la compétence de la juridiction administrative ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que le jugement attaqué cite l'article 6 de la loi du 31 décembre 1975 pour en déduire que " les litiges relatifs au paiement direct au sous-traitant par le maître de l'ouvrage du prix des travaux concernent l'exécution d'un marché de travaux publics et ressortissent de la compétence de la juridiction administrative " ; que le moyen tiré de ce que la réponse du tribunal à l'exception d'incompétence entacherait le jugement d'une insuffisance de motivation doit dès lors être écarté ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R. 732-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction antérieure au décret du 23 décembre 2011 : " (...) Les parties ou leurs mandataires peuvent présenter de brèves observations orales après le prononcé des conclusions du rapporteur public. " ; qu'aux termes de l'article R. 741-2 du même code : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...) / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. / Mention y est faite que le rapporteur et le rapporteur public et, s'il y a lieu, les parties, leurs mandataires ou défenseurs ainsi que toute personne entendue sur décision du président en vertu du deuxième alinéa de l'article R. 731-3 ont été entendus. / Mention est également faite de la production d'une note en délibéré. / La décision fait apparaître la date de l'audience et la date à laquelle elle a été prononcée. " ; que si ces dispositions imposent que toute personne entendue soit mentionnée par la décision, elles ne font, en revanche, pas obligation à celle-ci de mentionner que les parties ou leurs mandataires ont eu la possibilité de reprendre la parole après le prononcé des conclusions du rapporteur public ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la circonstance que le jugement attaqué ne mentionne pas que l'avocat de la région de la Guadeloupe a été invité à reprendre la parole après les conclusions du rapporteur public, dans les conditions fixées par les dispositions de l'article R. 732-1 du code de justice administrative, n'est pas de nature à entacher ce jugement d'irrégularité ; qu'il n'est pas soutenu par la région de la Guadeloupe que son avocat, dont le jugement mentionne qu'il a été entendu à l'audience, n'aurait pas été mis en mesure de présenter ses observations orales après le prononcé des conclusions du rapporteur public ; que le moyen doit être écarté ;

Sur le bien-fondé du jugement :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1975 dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Le sous-traitant est considéré comme entrepreneur principal à l'égard de ses propres sous-traitants. " ; qu'aux termes de l'article 6 : " Le sous-traitant qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 : " L'entrepreneur principal dispose d'un délai de quinze jours, comptés à partir de la réception des pièces justificatives servant de base au paiement direct, pour les revêtir de son acceptation ou pour signifier au sous-traitant son refus motivé d'acceptation. / Passé ce délai, l'entrepreneur principal est réputé avoir accepté celles des pièces justificatives ou des parties de pièces justificatives qu'il n'a pas expressément acceptées ou refusées (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article 186 ter du code des marchés publics dans sa rédaction alors en vigueur, rendu applicable aux marchés conclus par les collectivités locales et leurs établissements publics par l'article 356 du même code : " Au vu des pièces justificatives fournies par le sous-traitant et revêtues de l'acceptation du titulaire du marché, l'ordonnateur mandate les sommes dues au sous-traitant et, le cas échéant, envoie à ce dernier l'autorisation définie au I de l'article 178 bis. / Dès réception de ces pièces, l'administration avise le sous-traitant de la date de réception de la demande de paiement envoyée par le titulaire et lui indique les sommes dont le paiement à son profit a été accepté par ce dernier. / Dans le cas où le titulaire d'un marché n'a ni opposé un refus motivé à la demande de paiement du sous-traitant dans le délai de quinze jours suivant sa réception, ni transmis celle-ci à l'administration, le sous-traitant envoie directement sa demande de paiement à l'administration par lettre recommandée avec avis de réception postal ou la lui remet contre récépissé dûment daté et inscrit sur un registre tenu à cet effet. / L'administration met aussitôt en demeure le titulaire, par lettre recommandée avec avis de réception postal, de lui faire la preuve, dans un délai de quinze jours à compter de la réception de cette lettre, qu'il a opposé un refus motivé à son sous-traitant. Dès réception de l'avis, elle informe le sous-traitant de la date de cette mise en demeure. / A l'expiration de ce délai, au cas où le titulaire ne serait pas en mesure d'apporter cette preuve, l'administration contractante dispose du délai prévu au I de l'article 178 pour mandater les sommes dues aux sous-traitants à due concurrence des sommes restants dues au titulaire ou du délai prévu au I de l'article 178 bis pour envoyer au sous-traitant l'autorisation d'émettre une lettre de change-relevé à due concurrence des sommes restant dues au titulaire. " ;

7. Considérant, en premier lieu, que si la région de la Guadeloupe soutient qu'elle a versé à la société Matière le solde des travaux en 2001, après avoir appliqué des pénalités de retard, et qu'elle n'est plus redevable d'aucune somme, elle n'apporte aucun élément au soutien de cette allégation ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que la région de la Guadeloupe soutient qu'en application des dispositions de l'article 8 de la loi du 31 décembre 1975, il n'appartenait qu'au titulaire du marché d'examiner la demande de paiement, et que la société Matière n'a pas adressé les pièces justificatives à la société Sobetrap, titulaire du marché, mais à la société ETPO, elle-même sous-traitante de la société Sobetrap ; que toutefois, il résulte des dispositions rappelées ci-dessus de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1975 que le sous-traitant est considéré comme entrepreneur principal à l'égard de ses propres sous-traitants ; que, par suite, pour l'application des dispositions de l'article 8 de la loi du 31 décembre 1975, la société ETPO devait être regardée comme l'entrepreneur principal de la société Matière ;

9. Considérant, en troisième lieu, que la société Matière a, par courrier du 13 novembre 1997, déposé sa première demande de paiement direct, constituant la première sommation de payer ; que, par suite, il y a lieu de fixer le point de départ des intérêts à la date de la réception de cette demande du 13 novembre 1997, et non à celle du 1er janvier 1997 comme l'ont estimé les premiers juges ;

10. Considérant, en quatrième lieu, que dans sa demande introductive d'instance devant le tribunal administratif de Basse-Terre, enregistrée le 18 mars 2006, la société Matière a demandé la capitalisation des intérêts ; qu'à cette date, les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Matière, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la région de la Guadeloupe demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette dernière la somme de 1 500 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le point de départ des intérêts de la somme de 32 640,54 euros est fixé au jour de la réception par la région de la Guadeloupe de la demande de paiement direct du 13 novembre 1997.

Article 2 : Les intérêts seront capitalisés à la date du 18 mars 2006 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Basse-Terre du 6 octobre 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la région de la Guadeloupe est rejeté.

Article 5 : La région de la Guadeloupe versera à la société Matière une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 11BX03278


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 11BX03278
Date de la décision : 11/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-01-01-03 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Rémunération du co-contractant. Prix. Rémunération des sous-traitants.


Composition du Tribunal
Président : Mme RICHER
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : BARTHÉLEMY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.de;arret;2013-07-11;11bx03278 ?
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