Vu la requête enregistrée le 12 décembre 2012 présentée pour Mme C... D...demeurant au..., par Adden avocats - Julie Sarassat - Nicolas Nahmias ;
Mme D...demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1101760 du 11 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération en date du 24 novembre 2010 par laquelle le conseil municipal de Sainte-Eulalie a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune en tant, d'une part, qu'il a classé en zone N1 les parcelles cadastrées AM n° 47, n° 48, n° 68 et n° 69 et, d'autre part, qu'il limite à 75 mètres la longueur des voies en impasse et des bandes d'accès en zone UC pour les constructions nouvelles ;
2°) d'annuler la délibération contestée ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Sainte-Eulalie la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 mai 2013 :
- le rapport de M. Henri Philip de Laborie, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Olivier Gosselin, rapporteur public ;
- les observations de Me A...substituant la SCP Adden avocats de MmeD..., MmeD..., Me Descriaux, avocat de la commune de Sainte-Eulalie et de M. B..., maire de la commune ;
1. Considérant que Mme D...relève appel du jugement, en date du 11 octobre 2012, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 24 novembre 2010, par laquelle le conseil municipal de Sainte-Eulalie a approuvé le plan local d'urbanisme révisé de la commune en tant, d'une part, qu'il a classé en zone N1 la totalité des parcelles cadastrées AM n° 47, n° 48, n° 68 et n° 69 et, d'autre part, qu'il a limité à 75 mètres la longueur des voies en impasse et des bandes d'accès en zone UC pour les constructions nouvelles ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que la commune de Sainte-Eulalie soutient que le tribunal administratif de Bordeaux a soulevé d'office le moyen de légalité externe tiré de la méconnaissance de l'article L. 123-10 du code de l'urbanisme ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme D...n'a invoqué que des moyens de légalité interne en première instance ; que, notamment, elle n'a pas fait valoir devant les premiers juges que la modification du classement des parcelles en cause ne procédait pas de l'enquête publique ; que le tribunal ayant statué d'office sur ce moyen qui n'était pas d'ordre public, il s'ensuit que le jugement est entaché d'irrégularité et doit être annulé ;
3. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par MmeD... devant le tribunal administratif de Bordeaux ;
Sur l'étendue du litige :
4. Considérant qu'il y a lieu de regarder la demande de Mme D...comme tendant également à l'annulation de la décision implicite de rejet par la commune de Sainte-Eulalie de son recours gracieux présenté le 17 janvier 2011 contre la délibération du 24 novembre 2010 ;
Sur la fin de non recevoir opposée par la commune :
5. Considérant qu'il est constant que Mme D...est propriétaire de plusieurs parcelles sur la commune de Sainte-Eulalie ; que, dès lors, la fin de non recevoir opposée par la commune et tirée de son défaut de qualité lui donnant intérêt pour agir ne peut qu'être écartée ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
6. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme, " les plans locaux d'urbanisme (...) peuvent : 1° Préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 123-8 du même code : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison soit de la qualité des sites, des milieux naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique, soit de l'existence d'une exploitation forestière, soit de leur caractère d'espaces naturels. (...) " ; qu'il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer l'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de fixer, en conséquence, le zonage et les possibilités de construction, de définir des zones urbaines normalement constructibles et des zones dites naturelles dans lesquelles la construction peut être limitée ou interdite ; que le classement en zone naturelle peut concerner des zones partiellement desservies par des équipements publics et comportant déjà quelques constructions ; que l'appréciation à laquelle se livrent les auteurs d'un plan local d'urbanisme lorsqu'ils classent en zone naturelle un secteur qu'ils entendent soustraire, pour l'avenir, à l'urbanisation ne peut être discutée devant le juge de l'excès de pouvoir que si elle repose sur des faits matériellement inexacts ou si elle est entachée d'erreur manifeste ;
7. Considérant que Mme D...soutient que le classement de l'intégralité des parcelles cadastrées AM n° 47, n° 48, n° 68 et n° 69 en zone N1 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'il est constant que la zone naturelle et forestière instituée par le plan local d'urbanisme, qui comprend deux secteurs N1 et N2, est définie par le règlement du plan local d'urbanisme en litige comme regroupant les " espaces à protéger en raison soit de la qualité et de l'intérêt écologique ou paysager des sites et des boisements, soit de l'existence de risques naturels, soit d'une occupation ou vocation particulière et à caractère limité soit enfin de leur caractère d'espace naturel. " ; que si les auteurs du plan ont entendu mettre en valeur les " axes bleus " structurant le paysage communal formé par les vallées des ruisseaux et cours d'eau traversant le territoire de Sainte-Eulalie et protéger ainsi les espaces naturels et paysagers situés aux abords de ces cours d'eau qui ont été classés en secteur N1, il ressort toutefois des pièces du dossier que le projet initial n'envisageait le classement en zone N1 des parcelles en cause que pour partie, selon une distance du ruisseau identique à celle affectant les parcelles voisines de celles de la requérante, alors que le plan adopté opère un décrochement par rapport à ces dernières et les classe intégralement en zone N1 ; que la commune de Sainte-Eulalie n'apporte aucune justification au classement de l'ensemble de ces seuls terrains en zone non constructible par la délibération du 24 novembre 2010 approuvant le plan local d'urbanisme révisé, alors que les parcelles voisines, situées de part et d'autre desdites parcelles appartenant au même secteur, sont classées pour partie en zone N1 et pour partie en zone UC constructible ; que dès lors Mme D... est fondée à soutenir qu'en classant intégralement en zone N1 les parcelles cadastrées AM n° 47, n° 48, n° 68 et n° 69, au lieu de les classer pour partie en zone N1 et pour partie en zone UC, la commune de Sainte-Eulalie a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
8. Considérant, d'autre part, que l'article R. 123-9 du code de l'urbanisme dispose : " Le règlement peut comprendre tout ou partie des règles suivantes : (...) 3° Les conditions de desserte des terrains par les voies publiques ou privées et d'accès aux voies ouvertes au public ; (...) " ; que l'article 3 du règlement d'urbanisme prévoit pour la zone UC que : " Les constructions nouvelles dont l'assiette foncière est desservie par une bande d'accès de plus de 75 mètres sont interdites (...). Les voies en impasse de plus de 75 mètres sont interdites. (...) " ;
9. Considérant qu'en limitant l'urbanisation des parcelles situées en zone UC du règlement d'urbanisme à celles disposant d'une bande d'accès ou d'une impasse dont la longueur est limitée à 75 mètres par rapport à la voie publique, les auteurs du plan local d'urbanisme n'ont pas, eu égard, d'une part, aux considérations de densification urbaine inhérente à cette zone et, d'autre part, à la nécessité d'assurer une desserte efficace des services d'incendie et de secours, commis d'erreur manifeste d'appréciation, alors même que ces parcelles disposeraient d'une surface permettant l'implantation d'une raquette de retournement pour la circulation automobile ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...est seulement fondée à demander l'annulation de la délibération attaquée en tant que le plan d'urbanisme a classé la totalité des parcelles cadastrées AM n° 47, n° 48, n° 68 et n° 69 en zone N1 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de MmeD..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Sainte-Eulalie demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner la commune de Sainte-Eulalie à verser à Mme D...une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 11 octobre 2012 est annulé.
Article 2 : La délibération du conseil municipal de la commune de Sainte-Eulalie approuvant la révision du plan local d'urbanisme, en date du 24 novembre 2010, est annulée en tant qu'elle a classé en totalité les parcelles cadastrées AM n° 47, n° 48, n° 68 et n° 69 en zone N1.
Article 3 : La décision implicite de rejet du recours gracieux de Mme D...formé le 17 janvier 2011 est annulée dans la même mesure.
Article 4 : Le surplus de la demande de Mme D...est rejeté.
Article 5 : La commune de Sainte-Eulalie versera à Mme D...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Les conclusions de la commune de Sainte-Eulalie présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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No 12BX03123