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23/05/2013 | FRANCE | N°11BX02599

France | France, Cour administrative d'appel de, 4ème chambre (formation à 3), 23 mai 2013, 11BX02599


Vu le recours, enregistré le 9 septembre 2011 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 12 septembre 2011, présentée par le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire ;

Le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902273 du 7 juillet 2011 par lequel le tribunal administratif de Limoges a fait droit à la demande de la société civile d'exploitation agricole (SCEA) B...en c

ondamnant l'Etat à lui verser la somme de 56 000 euros en raison de l'illégali...

Vu le recours, enregistré le 9 septembre 2011 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 12 septembre 2011, présentée par le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire ;

Le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902273 du 7 juillet 2011 par lequel le tribunal administratif de Limoges a fait droit à la demande de la société civile d'exploitation agricole (SCEA) B...en condamnant l'Etat à lui verser la somme de 56 000 euros en raison de l'illégalité du refus opposé par le préfet de l'Indre le 24 mai 2007 à sa demande d'autorisation d'exploiter ;

2°) de rejeter de la demande de la SCEAB... ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural et de la pêche maritime ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 avril 2013,

- le rapport de Mme Florence Madelaigue, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

1. Considérant que le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire fait appel du jugement du 7 juillet 2011 par lequel le tribunal administratif de Limoges a fait droit à la demande de la SCEA B...en condamnant l'Etat à lui verser la somme de 56 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 2009 et capitalisation des intérêts en raison de l'illégalité du refus opposé le 24 mai 2007 par le préfet de l'Indre à sa demande d'autorisation d'exploiter ; que, par la voie de l'appel incident, la SCEA B...demande que la réparation du préjudice porte sur une durée totale de dix-huit ans ;

Sur le lien de causalité entre la faute de l'administration et le préjudice subi :

2. Considérant que, par un jugement en date du 18 juin 2009 ayant autorité de la chose jugée, le tribunal adminstratif de Limoges a annulé les décisions des 24 mai et 22 juin 2007 par lesquelles le préfet de l'Indre a refusé à la SCEA B...l'autorisation d'exploiter des terres situées à La Champenoise et à Brion, d'une surface de 58 hectares 42 centiares au motif que le préfet avait à tort pris en compte un projet concurrent qui n'avait pas été présenté et considéré que le projet de la SCEA B...n'était pas conforme aux orientations du schéma directeur départemental des structures agricoles de l'Indre alors qu'il répondait à l'objectif d'agrandissement des exploitations existantes ; que l'illégalité qui entache le refus de délivrer l'autorisation d'exploiter les terres est de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

3. Considérant que l'illégalité des décisions du préfet a eu pour effet d'empêcher la SCEA B...d'exploiter les 58 hectares 42 centiares de terres pour lesquelles ses associés, MM. A...et C...B..., avaient conclu un compromis de cession de parts avec les propriétaires, les associés du GFA de Villemoriez ; que dès lors qu'il n'est pas nécessaire d'être propriétaire des terres pour obtenir une autorisation d'exploiter, le ministre ne saurait utilement soutenir que la condition suspensive d'obtention d'une autorisation d'exploiter figurant dans le compromis de cession est à l'origine du préjudice ; que, de même, le ministre ne peut pas utilement opposer à la SCEA du B...l'absence de présentation d'une nouvelle demande d'autorisation d'exploiter courant 2008 alors que le tribunal administratif n'avait pas encore statué sur la demande d'annulation des refus d'autorisation ; qu'ainsi, le préjudice qui résulte de la perte des bénéfices d'exploitation dont la SCEA a été privée du fait du refus illégal de l'autorisation d'exploiter est certain et peut ouvrir droit à réparation ;

Sur l'évaluation du préjudice :

4. Considérant, que, contrairement à ce que soutient le ministre, la circonstance qu'un nouveau refus d'autorisation d'exploiter ait été opposé par un arrêté du préfet de l'Indre en date du 30 octobre 2009 devenu définitif à la SCEA du B...ne saurait faire obstacle à ce que le préjudice résultant pour l'intéressée de l'impossibilité d'exploiter les terres se soit poursuivi au delà de la date de cet arrêté dès lors que cet arrêté est fondé sur des circonstances nouvelles que l'administration ne pouvait opposer à la date de l'arrêté litigieux ;

5. Considérant que, par la voie de l'appel incident, la SCEA B...demande la réparation des pertes de revenus qu'elle évalue à la somme de 150 000 euros, résultant de l'absence de mise en culture des terres qu'elle n'a pas pu exploiter pour une durée de dix-huit ans correspondant à la durée du bail à long terme qui lui a été consenti ; que toutefois, le préjudice de perte de revenus pour une durée supplémentaire de douze ans au-delà du présent arrêt ne présente pas de caractère certain dès lors, d'une part, que le plus jeune des associés de la SCEA pourra être admis à faire valoir ses droits à la retraite en 2015, d'autre part, que pour la période antérieure à 2015, il ne peut être exclu que la SCEA puisse être autorisée à exploiter des terres pour agrandir son exploitation actuelle dans des conditions comparables à celles qui auraient résulté de l'autorisation pour laquelle un refus a été opposé ; que le montant annuel du revenu escompté des terres, d'une superficie de 58 hectares 42 centiares, que la SCEA n'a pu exploiter depuis 2007 jusqu'au présent arrêt sera fixé à la somme de 11 400 euros proposée par la SCEA B...et non sérieusement contestée par le ministre ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par la SCEA B...en le fixant à la somme de 79 800 euros ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

6. Considérant que la SCEA B...a droit aux intérêts de la somme de 79 800 euros à compter du 29 décembre 2009, date d'enregistrement de la requête devant le tribunal administratif de Limoges ; que la capitalisation des intérêts ayant été demandée le 29 décembre 2009, il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 29 décembre 2010, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Limoges l'a condamné à indemniser la SCEA B...du préjudice subi ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SCEA B...et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le montant de l'indemnité prévue à l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Limoges du 7 juillet 2011 est porté de 56 000 euros à 79 800 euros, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 2009. Les intérêts échus à la date du 29 décembre 2010 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Limoges du 7 juillet 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la SCEA B...la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le recours du ministre et le surplus des conclusions de la SCEA B...sont rejetés.

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N° 11BX02599


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Agriculture et forêts - Exploitations agricoles - Cumuls et contrôle des structures - Cumuls d'exploitations - Contentieux.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité - Illégalité engageant la responsabilité de la puissance publique.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice - Caractère direct du préjudice - Existence.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme RICHER
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : LAVOUE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Date de la décision : 23/05/2013
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 11BX02599
Numéro NOR : CETATEXT000027448169 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.de;arret;2013-05-23;11bx02599 ?
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