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26/03/2013 | FRANCE | N°12BX02623

France | France, Cour administrative d'appel de, 2ème chambre (formation à 3), 26 mars 2013, 12BX02623


Vu le recours enregistré le 8 octobre 2012 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 10 octobre 2012, présentée par le préfet de la Haute-Garonne ;

Le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler le jugement n° 1204067 du 14 septembre 2012 en tant que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé, à la demande de M. A... B..., son arrêté du 11 septembre 2012 de placement en rétention administrative pris à l'encontre de M. B...;

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Vu les autres pièces du dossier ;...

Vu le recours enregistré le 8 octobre 2012 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 10 octobre 2012, présentée par le préfet de la Haute-Garonne ;

Le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler le jugement n° 1204067 du 14 septembre 2012 en tant que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé, à la demande de M. A... B..., son arrêté du 11 septembre 2012 de placement en rétention administrative pris à l'encontre de M. B...;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 février 2013 :

- le rapport de Mme Déborah De Paz, premier conseiller ;

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;

1. Considérant que le préfet de la Haute-Garonne relève appel du jugement du 14 septembre 2012 en tant que le magistrat délégué du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 11 septembre 2012 décidant le placement de M.B..., de nationalité algérienne, en rétention administrative ;

Sur l'arrêté de placement en rétention administrative contesté :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé "; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...n'a pas produit de documents d'identité ou de voyage en cours de validité ; qu'il a déclaré lors de son audition par les services de la police être en séjour irrégulier sur le territoire français depuis un an et ne pas vouloir repartir dans son pays d'origine ; que les quelques factures et attestations produites en première instance ne suffisent pas à établir qu'il présentait des garanties de représentation suffisantes propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement prise le même jour à son encontre ; qu'ainsi, M. B...n'a pas apporté la preuve qui lui incombe qu'il ne présentait pas de risques de fuite ; que, dès lors, en décidant le placement en rétention administrative de M. B...plutôt que son assignation à résidence, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas entaché sa décision d'une erreur de fait ni d'erreur manifeste d'appréciation ; qu'il suit de là que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, dans le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur ce motif pour annuler son arrêté de placement en rétention du 11 septembre 2012 ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif de Toulouse ;

5. Considérant que l'arrêté du 11 septembre 2012 plaçant M. B...en rétention administrative comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui le fondent et est ainsi suffisamment motivé ;

Sur l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III (...) " ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision portant obligation de quitter le territoire sans délai comporte les considérations de droit et de fait qui la fondent ; que la motivation est circonstanciée et est ainsi suffisamment motivée ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...,lors de son audition par les services de police à la suite de son interpellation, a déclaré être entré en France en 2011 et vivre en concubinage avec une ressortissante française à Albi ; que toutefois, la vie commune dont il se prévaut depuis janvier 2012, à la supposer même établie, daterait au plus de huit mois à la date de la décision portant obligation de quitter le territoire du 11 septembre 2012 ; que dans ces conditions, compte-tenu des conditions d'entrée et de séjour de M. B...en France, et de la circonstance qu'il n'allègue pas être sans attache dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 35 ans, le préfet de la Haute-Garonne, qui n'a pas fait une appréciation erronée de la situation personnelle et familiale de M.B..., n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'arrêté a été pris et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur les autres moyens :

10. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 15 de la directive 2008/115/CE : " À moins que d'autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d'un pays tiers qui fait l'objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l'éloignement en particulier lorsque : a) il existe un risque de fuite, ou b) le ressortissant concerné d'un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d'éloignement. - Toute rétention est aussi brève que possible et n'est maintenue qu'aussi longtemps que le dispositif d'éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise " ; qu'aux termes des paragraphes 8, 16 et 17 du préambule de ladite directive : " (....) La légitimité de la pratique du retour par les États membres des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier est reconnue, à condition que soient en place des régimes d'asile justes et efficaces qui respectent pleinement le principe de non-refoulement (...). Le recours à la rétention aux fins d'éloignement devrait être limité et subordonné au respect du principe de proportionnalité en ce qui concerne les moyens utilisés et les objectifs poursuivis. La rétention n'est justifiée que pour préparer le retour ou procéder à l'éloignement et si l'application de mesures moins coercitives ne suffirait pas. Les ressortissants de pays tiers placés en rétention devraient être traités humainement et dignement dans le respect de leurs droits fondamentaux et conformément aux dispositions du droit national et du droit international. Sans préjudice de l'arrestation initiale opérée par les autorités chargées de l'application de la loi, régie par la législation nationale, la rétention devrait s'effectuer en règle générale dans des centres de rétention spécialisés. " ;

11. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 15 de la directive que les Etats membres ne peuvent placer en rétention l'étranger faisant l'objet d'une procédure de retour lorsque des mesures moins coercitives mais suffisantes peuvent être appliquées efficacement ; que l'hypothèse, définie à l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans laquelle le placement en rétention de l'étranger pendant une durée de cinq jours peut être envisagé lorsque celui-ci fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle un délai pour quitter le territoire n'a pas été accordé, n'est pas exagérément restrictive au regard de l'objectif de proportionnalité reconnu par la directive ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le placement en rétention dont a fait l'objet M. B...serait exagérément coercitif doit être écarté ;

12. Considérant que M. B...soutient que l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur le fondement duquel a été pris l'arrêté de mise en rétention est contraire aux objectifs de l'article 15 de la directive du 16 décembre 2008, dès lors qu'il fait de la mise en rétention le principe et de l'assignation à résidence l'exception ; que, toutefois, il résulte des termes mêmes de la directive précitée que, d'une part, le placement en rétention peut trouver à s'appliquer s'il existe un risque de fuite et que, d'autre part, l'assignation à résidence ne doit être privilégiée que dans des cas particuliers et à condition que cette mesure puisse être appliquée efficacement ; qu'il s'ensuit qu'en autorisant, par l'article L. 551-1, la possibilité pour l'administration de placer un étranger en rétention administrative dès lors que l'existence d'un risque de fuite est établie et que ne sont pas réunies les conditions définies par l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour permettre de prononcer une assignation à résidence, la disposition critiquée dudit code ne saurait être regardée comme incompatible avec les objectifs de la directive du 16 décembre 2008 ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 11 septembre 2012 plaçant M. B... en rétention administrative ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 14 septembre 2013 est réformé en tant qu'il a annulé l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 11 septembre 2012 plaçant M. B...en rétention administrative.

Article 2 : La demande de M. B...est rejetée.

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No 12BX02623


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 12BX02623
Date de la décision : 26/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme MARRACO
Rapporteur ?: Mme Déborah DE PAZ
Rapporteur public ?: M. KATZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.de;arret;2013-03-26;12bx02623 ?
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