Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 4 août 2022 par lequel la préfète de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour en qualité de demandeur d'asile, a retiré son attestation de demande d'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée.
Par un jugement n° 2205828 du 1er mars 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 juin 2023, Mme C..., représentée par Me Aymard, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2205828 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux du 1er mars 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 août 2022 de la préfète de la Gironde ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
- dès lors que la première juge s'est estimée saisie d'une demande tendant à l'annulation d'un refus de titre de séjour, elle aurait dû renvoyer ces conclusions à une formation collégiale ;
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- elle souffre d'hypertension artérielle et d'arthrose à ses deux genoux ; le défaut de prise en charge de ces pathologies pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en République démocratique du Congo, elle ne peut effectivement bénéficier de traitements appropriés dans ce pays ; dès lors, la décision lui refusant le séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- eu égard à la gravité de son état de santé, elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- eu égard à sa situation personnelle et familiale, elle porte une atteinte manifestement excessive au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 septembre 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Michaël Kauffmann a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante congolaise née le 6 juin 1980, est entrée en France, selon ses déclarations, le 26 février 2020 et a vu sa demande d'asile rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 21 avril 2021, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 7 juillet 2022. Par un arrêté du 4 août 2022, la préfète de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour en qualité de demandeur d'asile, a retiré son attestation de demande d'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée. Mme C... relève appel du jugement du 1er mars 2023 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 août 2022.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; / 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; (...). / Lorsque, dans le cas prévu à l'article L. 431-2, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la décision portant obligation de quitter le territoire français peut être prise sur le fondement du seul 4°. ". L'article L. 431-2 de ce code prévoit que l'étranger qui a présenté une demande d'asile est informé des conditions dans lesquelles il peut déposer une demande d'admission au séjour à un autre titre que l'asile. Aux termes de l'article L. 614-5 du même code : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 1°, 2° ou 4° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quinze jours suivant la notification de la décision. / (...) / Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou parmi les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue dans un délai de six semaines à compter de sa saisine. / (...) / Lorsque l'étranger conteste une décision portant obligation de quitter le territoire fondée sur le 4° de l'article L. 611-1 et une décision relative au séjour intervenue concomitamment, le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin statue par une seule décision sur les deux contestations. ".
3. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'une décision relative au séjour est intervenue concomitamment et a fait l'objet d'une contestation à l'occasion du recours dirigé contre une obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette contestation suit le régime contentieux applicable à cette obligation de quitter le territoire, alors même qu'elle a pu être prise également sur le fondement du 3° de cet article. Dès lors, les dispositions de l'article L. 614-5 ainsi, notamment, que celles de l'article R. 776-13-1 et R. 776-13-3 du code de justice administrative sont applicables à l'ensemble des conclusions présentées devant le juge administratif dans le cadre de ce litige, y compris celles tendant à l'annulation de la décision relative au séjour.
4. Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient Mme C..., la magistrate désignée du tribunal administratif de Bordeaux était compétente pour statuer, par un seul jugement, sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour prise concomitamment à la mesure d'éloignement fondée sur le 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile telles que présentées à l'occasion du recours formé par la requérante contre l'arrêté du 4 août 2022 et n'avait pas à renvoyer ces conclusions à une formation collégiale. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué ne peut qu'être écarté.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
En ce qui concerne le refus de délivrance d'un titre de séjour :
5. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
6. Lorsque le préfet, statuant sur la demande de titre de séjour, examine d'office si l'étranger est susceptible de se voir délivrer un titre sur un autre fondement que l'asile, tous les motifs de rejet de la demande, y compris donc les motifs se prononçant sur les fondements examinés d'office par le préfet, peuvent être utilement contestés devant le juge de l'excès de pouvoir. Il en va, par exemple, ainsi si la décision de refus de titre de séjour a pour motif que le demandeur n'entre dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit. Au cas d'espèce, la préfète a estimé que l'intéressée " n'entre dans aucun autre cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit en application du même code [de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile] ". Par suite, Mme C... peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Mme C... soutient qu'elle est atteinte d'hypertension artérielle et d'arthrose à ses deux genoux nécessitant des traitements dont le défaut de prise en charge pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui ne sont pas disponibles dans son pays d'origine. Toutefois, si la réalité de ces pathologies est établie par les pièces médicales versées à l'instance, aucune de ces pièces n'est de nature à établir leur gravité ni qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en République démocratique du Congo, l'intéressée ne pourrait y bénéficier effectivement de traitements appropriés. Dans ces conditions, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour méconnait les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ".
9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions précitées du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
10. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
11. Il ressort des pièces du dossier que Mme C..., présente sur le territoire français depuis moins de trois ans à la date de la décision attaquée, n'établit pas qu'elle y aurait désormais ancré l'essentiel de sa vie privée et familiale en se bornant à faire état de la présence régulière en France de ses enfants majeurs, Mme A... B... et M. E... B..., avec qui, au demeurant, le lien de filiation ne ressort pas des pièces du dossier. L'appelante ne saurait en outre se prévaloir de la scolarité de son fils, né le 14 juillet 2008, dans la mesure où il n'est pas établi qu'il ne pourrait poursuivre sa scolarité en République démocratique du Congo lorsque la cellule familiale se reconstituera dans ce pays, ni de la présence de sa fille, née le 3 février 1998, cette dernière ayant également fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 29 juillet 2022. Mme C... ne justifie pas davantage de l'absence d'attaches personnelles dans son pays d'origine où elle a résidé jusqu'à l'âge de 40 ans, ni du développement d'un réseau dense de relations sociales sur le territoire. Enfin, elle n'établit ni même n'allègue avoir exercé une activité professionnelle depuis son entrée en France et disposer de ressources financières stables. Par suite, compte tenu des conditions et de la durée du séjour en France de la requérante, la préfète n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision portant obligation de quitter le territoire a été prise et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
12. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
13. Mme C... soutient qu'elle craint que sa fille ne soit mariée de force en cas de retour en République démocratique du Congo. Toutefois, alors au demeurant que sa fille est majeure, la requérante ne produit aucun élément permettant de tenir pour établis la réalité et le caractère personnel des risques allégués, dont l'OFPRA et la CNDA n'ont, au demeurant, pas reconnu l'existence, en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que la préfète a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Les conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 15 décembre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
M. Michaël Kauffmann, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 janvier 2024.
Le rapporteur,
Michaël Kauffmann La présidente,
Evelyne BalzamoLe greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 23BX015132