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29/12/2023 | FRANCE | N°22TL22131

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 29 décembre 2023, 22TL22131


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... doit être regardé comme ayant demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2107007 du 23 septembre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.



Pro

cédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2022, M. B..., représenté par Me O...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... doit être regardé comme ayant demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2107007 du 23 septembre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2022, M. B..., représenté par Me Ouddiz-Nakache, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 23 septembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 13 juillet 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour " salarié ", ou à titre subsidiaire de procéder au réexamen de sa situation avec la délivrance, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour et sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ; ce défaut de motivation révèle l'absence d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- s'agissant de la décision portant refus de séjour, elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qui concerne sa situation personnelle et au regard du pouvoir de régularisation du préfet en ce qui concerne sa situation professionnelle ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences qu'elle emporte sur sa situation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Par une décision du 24 mai 2023, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Beltrami.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant tunisien, né le 25 juillet 1995, est entré en France le 18 mars 2015, selon ses déclarations. Le 21 janvier 2021, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour en se prévalant de ses attaches familiales et de ses perspectives d'insertion professionnelle. Par un arrêté du 13 juillet 2021, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 23 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 13 juillet 2021.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen réel et sérieux par adoption de motifs retenus à bon droit par le tribunal aux points 3 et 4 de son jugement.

3. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

4. Le préfet de la Haute-Garonne, qui était saisi d'une demande de régularisation de M. B... présentée en qualité de salarié, s'est également estimé saisi au titre de sa vie privée et familiale. D'une part, si l'appelant se prévaut de sa présence en France depuis plus de sept ans à la date de la décision attaquée, il ne justifie toutefois pas de sa présence effective et ininterrompue sur le territoire français depuis 2015 par la seule production d'une attestation de M A..., dont les liens avec l'appelant ne sont pas précisés, qui indique l'héberger à son domicile depuis le 1er janvier 2020. De plus, il est constant qu'il est célibataire et sans enfants et qu'il n'est pas dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où ses parents, deux frères et une sœur résident. S'il fait état de sa relation avec son frère et sa sœur résidant régulièrement sur le territoire français, il ne justifie cependant pas de la réalité et de l'intensité de ces relations. Il en résulte que le préfet de la Haute-Garonne n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en considérant, pour refuser à M. B... l'admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale, qu'il ne présentait aucune considération humanitaire ou motif exceptionnel.

5. D'autre part, l'article 11 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail stipule : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / Chaque État délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation ". L'article 3 du même accord stipule que " les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié ". Le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé le 28 avril 2008, stipule, à son point 2.3.3, que " le titre de séjour portant la mention " salarié ", prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'accord du 17 mars 1988 modifié est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I du présent protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi (....) ".

6. Si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas des modalités d'admission exceptionnelle au séjour semblables à celles prévues par l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ses stipulations n'interdisent cependant pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

7. M. B... se prévaut de son intégration professionnelle particulière en France en faisant état de la proposition d'emploi de la société Tacos burger pour le poste d'agent de restauration rapide et de la demande d'autorisation de travail de cette entreprise ayant fait l'objet d'une décision favorable de l'administration en date du 22 juillet 2021. Dans le cadre de l'instruction d'une demande de régularisation au titre de sa situation professionnelle, l'administration ne pouvait lui opposer l'absence de visa de long séjour. Toutefois, elle s'est également fondée sur la circonstance que l'intéressé ne détient pas une qualification, une expérience particulière ou significative. À cet égard, s'il ressort des pièces du dossier que l'appelant est titulaire d'un diplôme délivré par le ministère de la formation et de l'emploi tunisien en 2013, d'un niveau équivalent à un certificat d'aptitude professionnelle dans la spécialité " cuisine ", l'emploi pour le poste d'agent de restauration rapide qu'il dit avoir exercé depuis 2015, ne requiert pas une qualification particulière dans son domaine de compétence. Dès lors, le préfet n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant d'exercer son pouvoir de régularisation pour lui délivrer à titre exceptionnel un titre de séjour en qualité de " salarié ".

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Pour les motifs exposés au point 5, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne peut qu'être écarté.

10. En dernier lieu, pour les motifs exposés aux points 5 et 7, l'arrêté attaqué n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur la situation de M. B....

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 13 juillet 2021. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE:

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2023.

La rapporteure,

K. Beltrami

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL22131


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL22131
Date de la décision : 29/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Karine BELTRAMI
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : OUDDIZ-NAKACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-29;22tl22131 ?
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