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29/12/2023 | FRANCE | N°22TL21958

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 29 décembre 2023, 22TL21958


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté n° 22.340.456 du 2 août 2022 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'une année et d'annuler l'arrêté 22.340.456 bis du même jour portant assignation à résidence.



Par un jugement n° 2204090 du 11 août 2022, le tribunal administrati

f de Montpellier a annulé l'arrêté du 2 août 2022 pris par le préfet de l'Hérault en tant qu'il prononce ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté n° 22.340.456 du 2 août 2022 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'une année et d'annuler l'arrêté 22.340.456 bis du même jour portant assignation à résidence.

Par un jugement n° 2204090 du 11 août 2022, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 2 août 2022 pris par le préfet de l'Hérault en tant qu'il prononce à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoire français d'une année et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 septembre 2022, M. B..., représenté par Me Legrand, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 11 août 2022 en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai et portant assignation à résidence ;

2°) d'annuler les arrêtés préfectoraux du 2 août 2022 en tant qu'ils portent obligation de quitter le territoire français sans délai et assignation à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir en lui délivrant pendant la durée de cet examen une autorisation provisoire de séjour, et ce, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé dès lors que la magistrate désignée du tribunal administratif s'est abstenue de procéder à une substitution de base légale fondée sur l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; au vu de son dossier, le préfet devait appliquer cette disposition et régulariser sa situation ;

- cette décision méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers qui ne sont pas applicables aux étrangers qui, comme lui, sont en situation irrégulière ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences qu'elle emporte sur sa situation ;

- en ce qui concerne la décision portant refus d'un délai de départ volontaire, elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences qu'elle emporte sur sa situation ;

- en ce qui concerne la décision portant assignation à résidence, elle est dépourvue de base légale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 août 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Beltrami.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant vietnamien, déclare être entré en France en janvier 2020 après avoir séjourné depuis le 27 janvier 2018 en Espagne. Il a été interpellé par les services de police le 27 juillet 2022 dans un restaurant montpelliérain et n'a pas été en mesure de présenter les pièces et documents l'autorisant à circuler et séjourner régulièrement en France. Par deux arrêtés du 2 août 2022, le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, assortie d'une interdiction de retour d'une durée d'un an et l'a assigné à résidence. M. B... relève appel du jugement du 11 août 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation des arrêtés préfectoraux du 2 août 2022 en tant qu'ils portent obligation de quitter le territoire français sans délai et assignation à résidence.

Sur la régularité du jugement :

2. L'appelant soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé dès lors que la magistrate désignée du tribunal administratif s'est abstenue de procéder à une substitution de base légale fondée sur l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, d'une part, l'absence de mise en œuvre d'une substitution de base légale qui constitue une faculté et non une obligation pour le juge, ne constitue pas un moyen de régularité du jugement. D'autre part, il est constant que M. B... qui n'a présenté aucune demande de titre de séjour ou d'admission exceptionnelle au séjour fondée sur les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français et non d'une décision portant refus de séjour. Dans ces conditions, la décision contestée devant le tribunal administratif, fondée sur les dispositions du 1° et du 6° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables aux décisions portant aux obligations de quitter le territoire français, ne pouvait pas être regardée comme prise sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 de ce code, qui concerne la délivrance d'une carte de séjour temporaire. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, dès lors que, comme cela a été dit au point 2, M. B..., qui n'a présenté aucune demande de titre de séjour ou d'admission exceptionnelle au séjour fondée sur les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui est inopérant à l'égard de cette décision, ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 6° L'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois a méconnu les dispositions de l'article L. 5221-5 du code du travail. (...) " .

5. Contrairement à ce que soutient l'appelant, les dispositions de l'article précité sont applicables aux étrangers qui ne résident pas régulièrement en France depuis plus de trois mois. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 6° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. M. B... soutient qu'à la date de la décision attaquée, il résidait en France depuis le mois de janvier 2020. Toutefois, il constant qu'il s'est maintenu en France, de manière irrégulière, sans entreprendre la moindre démarche pour obtenir un titre de séjour. S'il fait état d'une relation sentimentale commencée en mai 2020 qu'il entretient avec une ressortissante roumaine, avec laquelle il a conclu un pacte civil de solidarité le 7 avril 2022, cette relation présente toutefois un caractère récent. De plus, il ne justifie pas de l'ancienneté de sa communauté de vie avec cette personne en se bornant à produire la copie de la mise à jour effectuée par sa compagne de sa situation familiale auprès de la caisse des affaires familiales à la suite de la conclusion du pacte civil de solidarité et des factures ne comportant pas la mention de leurs deux noms et datées, pour la plus ancienne, du mois d'avril 2022. Par ailleurs, même si sa sœur, titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle, réside régulièrement en France, l'appelant n'établit pas la nature des relations qu'il entretient avec cette dernière et il est constant qu'il dispose d'attaches dans son pays d'origine. Dans ses conditions, compte tenu des éléments qui viennent d'être exposés, le préfet de l'Hérault n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

8. En dernier lieu, pour les motifs qui viennent d'être exposés, la décision attaquée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur la situation de M. B....

En ce qui concerne la décision refusant un délai de départ volontaire :

9. M. B... reprend en appel le moyen tiré l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'emporte la décision portant refus d'un délai de départ volontaire sur sa situation. En l'absence de critique utile du jugement attaqué sur ces points, ces moyens peuvent être écartés par adoption des motifs pertinemment retenus par la première juge aux points 8 et 9 de son jugement.

En ce qui concerne l'assignation à résidence :

10. Il résulte de ce qui précède que la décision portant obligation de quitter le territoire, n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant assignation de résidence serait dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de cette dernière décision, doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation des arrêtés préfectoraux du 2 août 2022.

Sur les conclusions accessoires :

12. M. B... n'étant pas fondé à demander l'annulation des arrêtés du 2 août 2022, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE:

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2023.

La rapporteure,

K. Beltrami

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL21958


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21958
Date de la décision : 29/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Karine BELTRAMI
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : KHAN SHAGHAGHI-LEGRAND

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-29;22tl21958 ?
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