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28/12/2023 | FRANCE | N°21TL04797

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 28 décembre 2023, 21TL04797


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme B... et A... C... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1903011 du 15 octobre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.



Procédure devant la cour :



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r une requête, enregistrée le 15 décembre 2021, sous le n° 21MA04797 au greffe de la cour administrative d'appel de Ma...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... et A... C... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1903011 du 15 octobre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2021, sous le n° 21MA04797 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL04797 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse et deux mémoires enregistrés le 3 février 2023 et le 6 avril 2023, M. et Mme C..., représentés par Me Bocognano, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014 et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le service vérificateur aurait dû engager une vérification de comptabilité de la société CBAR ;

- ils ont été privés de débat oral et contradictoire ;

- le service vérificateur a manqué à son obligation de loyauté ;

- les conditions d'engagement de la procédure de taxation d'office n'étaient pas réunies ;

- l'administration ne pouvait pas substituer la procédure de rectification contradictoire à celle de taxation d'office pour l'imposition des revenus distribués correspondant aux sommes versées par la société CBAR, dès lors qu'ils n'ont pas eu accès à tous les droits auxquels ils pouvaient prétendre ;

- la proposition de rectification du 21 décembre 2016 est insuffisamment motivée ;

- l'absence de saisine de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires vicie la procédure d'imposition dès lors qu'en situation de taxation d'office, la compétence de cette commission n'est pas limitée aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ;

- la proposition de rectification du 21 décembre 2016 n'a pas interrompu la prescription du droit de reprise dès lors qu'elle était irrégulière faute, d'une part, d'une motivation suffisante et, d'autre part, de saisine de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

- les sommes imposées dans la catégorie des traitements et salaires au titre de 2013 et 2014 n'ont pas la nature de salaire mais correspondent à des remboursements d'avances consenties par M. C... à la société CBAR ;

- l'administration ne démontre pas que ces salaires ont effectivement été versés à M. C... par crédit bancaire ou par inscription en compte-courant d'associé, alors que la société CBAR était en situation de cessation des paiements ;

- les sommes imposées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en tant que revenus distribués correspondent, à hauteur de 62 503 euros et 39 895 euros, respectivement au titre de 2013 et 2014, à des salaires versés à M. C... et font, ainsi, l'objet d'une double imposition ;

- les sommes réintégrées dans leurs revenus en tant que revenus distribués correspondent à des remboursements d'avances consenties par M. C... à la société CBAR ;

- les sommes imposées dans la catégorie des revenus distribués doivent être retranchées du solde créditeur du compte-courant d'associé de M. C... dans les écritures de la société CBAR ;

- l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré n'est pas justifiée.

Par trois mémoires, enregistrés le 18 juillet 2022, le 7 mars 2023 et le 13 avril 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 13 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 21 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Restino,

- les conclusions de M. Clen, rapporteur public,

- et les observations de Me Bocognano, représentant M. et Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2013 et 2014. A l'issue de ce contrôle, des rehaussements de leurs revenus imposables leur ont été notifiés par une proposition de rectification du 21 décembre 2016 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et dans celle des revenus d'origine indéterminée suivant la procédure de taxation d'office, et dans la catégorie des traitements et salaires suivant la procédure de rectification contradictoire. Après l'avis émis par la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires de Montpellier le 7 novembre 2017, l'administration a notifié à M. et Mme C... une seconde proposition de rectification du 16 avril 2018, maintenant les rehaussements dans la catégorie des traitements et salaires, requalifiant en revenus distribués les sommes initialement considérées comme des revenus d'origine indéterminée, et substituant la procédure de rectification contradictoire à la procédure de taxation d'office pour l'ensemble des rehaussements dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. M. et Mme C... ont en conséquence été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2013 et 2014 pour un montant total de 345 045 euros, en droits et pénalités. Ils relèvent appel du jugement du 15 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 27 février 2023, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur de contrôle fiscal sud-est outre-mer a prononcé un dégrèvement d'un montant de 20 663 euros, correspondant, à hauteur de 14 995 euros, à une fraction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu, en droits et pénalités, au titre de 2013 et, à hauteur de 5 668 euros, à une fraction de la cotisation supplémentaire de contributions sociales, en droits et pénalités, au titre de la même année. Les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur le surplus des conclusions en décharge :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

3. En premier lieu, compte tenu du principe d'indépendance des procédures, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de l'absence d'engagement d'une vérification de comptabilité, au titre des exercices clos en 2013 et 2014, de la société CBAR, dont M. C... était associé et gérant salarié jusqu'au placement en liquidation judiciaire de cette société le 17 septembre 2014.

4. En deuxième lieu, le caractère contradictoire que doit revêtir l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'un contribuable au regard de l'impôt sur le revenu, en vertu des articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales, interdit au vérificateur d'adresser la proposition de rectification qui, selon l'article L. 48 du même livre, marquera l'achèvement de son examen, sans avoir au préalable engagé un dialogue contradictoire avec le contribuable sur les points qu'il envisage de retenir. Pour apprécier si le vérificateur a satisfait à la condition d'engager, préalablement à l'envoi d'une proposition de rectification, un dialogue contradictoire avec le contribuable sur les points qu'il envisage de retenir, il convient de prendre en considération l'ensemble des échanges intervenus pendant toute la durée du contrôle, depuis la date d'envoi de l'avis de vérification jusqu'à la date d'envoi de la proposition de rectification. Le caractère oral d'un tel débat n'est pas exigé à peine d'irrégularité de la procédure.

5. D'une part, il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 21 décembre 2016, qu'à la suite de l'envoi de l'avis de vérification du 15 février 2016 le vérificateur s'est entretenu oralement à quatre reprises avec les requérants ou le représentant qu'ils avaient désigné à cette fin, les 19 avril, 11 août, 3 octobre et 9 décembre 2016. D'autre part, les requérants ne sont pas fondés à se plaindre de ce que le service n'a pas admis leurs explications et leur a notifié des rehaussements, dès lors que le caractère contradictoire que doit revêtir l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'un contribuable au regard de l'impôt sur le revenu n'implique pas que le service admette toutes ses justifications et renonce à opérer des rehaussements. Au demeurant, le service vérificateur a accepté de prendre en compte les justifications qui ont été présentées par les requérants pour la première fois devant la commission des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires et, en conséquence, de reprendre la procédure en leur notifiant le 16 avril 2018, suivant la procédure de rectification contradictoire, une nouvelle proposition de rectification requalifiant en revenus de capitaux mobiliers les sommes qui avaient initialement été qualifiées de revenus d'origine indéterminée. Enfin, la circonstance que le vérificateur n'ait pas été suffisamment " à l'écoute " des requérants ne caractérise pas un manquement au caractère contradictoire que doit revêtir l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'un contribuable. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'ils ont été privés de débat contradictoire. Le moyen doit être écarté.

6. En troisième lieu, la circonstance que le service vérificateur n'aurait recueilli que des éléments à charge contre les requérants, qui n'est d'ailleurs pas établie, n'est pas de nature à caractériser un manquement à l'obligation de loyauté de l'administration. Il en va de même de la circonstance que le service vérificateur aurait tardé à exercer son droit de communication auprès du liquidateur de la société CBAR, pour obtenir les éléments comptables de cette société, alors même au demeurant que le droit de communication est un pouvoir propre de l'administration et non un droit du contribuable. Il en va de même, enfin, de la circonstance que le service vérificateur n'a pas engagé de vérification de comptabilité de la société CBAR au titre des exercices clos en 2013 et 2014.

7. En quatrième lieu, le moyen tiré de ce que le service vérificateur ne pouvait notifier aux requérants des rehaussements suivant la procédure de taxation d'office est inopérant dès lors que les impositions en litige ont été établies suivant la procédure de rectification contradictoire.

8. En cinquième lieu, aucune disposition ne fait obstacle à ce que l'administration fiscale renonce à une procédure d'imposition en estimant que la rectification initialement envisagée était infondée et entreprenne, notamment en respectant le délai de reprise, une nouvelle procédure prévoyant un redressement sur un autre fondement.

9. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". L'article R. 57-1 du même livre dispose que : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile.

10. La proposition de rectification du 16 avril 2018, sur la base de laquelle les impositions en litige ont été établies, indique les impôts et les années d'imposition, la base des rehaussements envisagés, et les motifs de droit et de fait sur lesquels l'administration a entendu se fonder. Cette proposition de rectification est ainsi suffisamment motivée, notamment s'agissant des rehaussements opérés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. La circonstance qu'une précédente proposition de rectification du 21 décembre 2016 ait été adressée à M. et Mme C... concernant l'impôt sur le revenu et les contributions sociales au titre de la même période est sans incidence sur l'appréciation de la régularité de la proposition de rectification du 16 avril 2018 dès lors que l'administration a abandonné une partie des rehaussements initialement envisagés et a entrepris une nouvelle procédure d'imposition, la nouvelle proposition de rectification du 16 avril 2018 indiquant d'ailleurs les motifs pour lesquels les rehaussements initialement envisagés à raison de revenus d'origine indéterminée ne pouvaient être maintenus et ont été requalifiés en revenus distribués. Dans ces conditions, le moyen tiré du défaut de motivation de la proposition de rectification du 21 décembre 2016 s'agissant des rehaussements correspondant à des revenus regardés comme d'origine indéterminée et à des revenus distribués ne peut qu'être écarté.

11. En septième lieu, les requérants soutiennent que l'absence de saisine de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires des rehaussements vicie la procédure d'imposition dès lors qu'en cas de taxation d'office, la compétence de cette commission n'est pas limitée aux domaines des bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles. Toutefois, les requérants, qui ont été imposés suivant la procédure de rectification contradictoire, ainsi qu'il résulte de la proposition de rectification du 21 avril 2018, qui ont obtenu la saisine de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires préalablement à la notification de cette proposition de rectification et n'ont ensuite pas demandé une nouvelle saisine de cette commission, n'assortissent pas leur moyen des précisions permettant d'en apprécier la portée. Le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

S'agissant de la prescription du droit de reprise de l'administration :

12. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due " et aux termes du premier alinéa de l'article L. 189 de ce livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification (...) ".

13. D'une part, aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions (...) ". La proposition de rectification du 21 décembre 2016 comportait les bases et éléments de calcul ainsi que les modalités de détermination des distributions et des revenus d'origine indéterminées imposés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Par suite, cette proposition de rectification était suffisamment motivée.

14. D'autre part, les éventuelles irrégularités susceptibles d'entacher la saisine de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ou l'avis émis par elle est sans incidence sur la régularité d'une proposition de rectification qui lui est antérieure. Au demeurant, le service a saisi cette commission à la demande des contribuables.

15. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la proposition de rectification du 21 décembre 2016 n'a pas valablement interrompu la prescription du droit de reprise de l'administration pour l'imposition des revenus des années 2013 et 2014 aux motifs qu'elle était insuffisamment motivée s'agissant des rehaussements correspondant aux revenus d'origine indéterminés et aux revenus distribués et que le service n'a pas saisi la commission susmentionnée.

S'agissant des rehaussements dans la catégorie des traitements et salaires :

16. Aux termes de l'article 79 du code général des impôts : " Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu (...) ". Les sommes à retenir, au titre d'une année déterminée, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires sont celles qui sont mises à la disposition du contribuable soit par voie de paiement, soit par voie d'inscription à un compte courant ou un compte de charges à payer ouvert dans les écritures de la société qui l'emploie, dès lors, dans ces deux derniers cas, que le créancier de la somme est un dirigeant de la société ayant déterminé la décision d'inscrire dans les comptes sociaux la somme qui lui est due et que le retrait effectif de la somme au plus tard le 31 décembre de l'année d'imposition n'est pas rendu impossible, en fait ou en droit, par des circonstances telles que, notamment, la situation de trésorerie de la société, les circonstances matérielles du retrait ou les modalités de détermination du montant exact de la somme susceptible d'être retirée.

17. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré (...) ". Il résulte de l'instruction que les requérants n'ont pas formulé d'observations à propos des rehaussements dans la catégorie des traitements et salaires, qui leur ont été régulièrement notifiés. Par suite, les requérants supportent la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions assises du chef de ces rehaussements.

18. Il résulte de l'instruction que la société CBAR et la caisse CIBTP de la région Provence ont déclaré, sur le fondement de l'article 88 du code général des impôts, avoir versé des salaires à M. C... pour des montants respectifs de 45 381 euros et de 4 877 euros en 2013, et de 31 569 euros et 2 418 euros en 2014. Les requérants ont modifié ces montants sur leurs déclarations préremplies de revenus, en déclarant que M. C... avait perçu des salaires pour des montants de 9 083 euros en 2013 et de 0 euro en 2014. En conséquence, l'administration a notifié aux requérants des rehaussements dans la catégorie des traitements et salaires à hauteur des montants non déclarés.

19. En premier lieu, les requérants soutiennent que ces sommes n'ont pas la nature de salaire mais correspondent à des remboursements d'avances consenties par M. C... à la société CBAR, soit au moyen d'avances en compte-courant d'associé dans les écritures de cette société soit par le règlement de factures de fournisseurs de cette société. Toutefois, d'une part, cette argumentation est sans incidence s'agissant des salaires versés à M. C... par la caisse CIBTP de la région Provence. D'autre part, en se bornant à soutenir que M. C... n'a plus accès à la comptabilité de la société CBAR depuis le placement en liquidation judiciaire de cette société en septembre 2014, ils ne justifient pas des avances que M. C... aurait consenties à la société CBAR. Par suite, les requérants ne démontrent pas que les sommes imposées dans la catégorie des traitements et salaires n'ont pas la nature de salaire.

20. En second lieu, les requérants, qui admettent implicitement que les sommes litigieuses ont la nature de salaire, soutiennent que l'administration ne justifie pas de la mise à disposition des salaires à M. C... par la société CBAR, dès lors qu'elle n'a pas identifié le versement des salaires sur les comptes bancaires de ce dernier ou leur inscription au crédit de son compte-courant d'associé. Toutefois, d'une part, cette argumentation est sans incidence s'agissant des salaires versés à M. C... par la caisse CIBTP de la région Provence. D'autre part, les requérants admettent que trois virements d'un montant total de 24 062 euros, effectués par la société CBAR les 11 février, 11 avril et 8 mai 2013 sur le compte bancaire ouvert par M. C... auprès de la banque Société marseillaise de crédit correspondent au versement de salaires. Enfin, ils ne rapportent pas la preuve, qui leur incombe, de l'absence de versement des autres salaires que la société CBAR a déclaré avoir versés à M. C... au titre des années 2013 et 2014, en soutenant que cette société était situation de cessation des paiements alors qu'il est constant qu'elle a opéré des versements sur les comptes bancaires de M. C... tout au long de l'année 2013 et jusqu'en août 2014. Par suite, les requérants ne démontrent pas que les sommes imposées dans la catégorie des traitements et salaires, n'ont pas été mises à la disposition de M. C....

S'agissant des rehaussements dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers :

21. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués (...) / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) ". Les sommes mises à la disposition des associés non prélevées sur les bénéfices ont, sauf preuve contraire apportée par les associés, le caractère de revenus distribués, imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Peu importe, à cet égard, que les requérants ne disposent pas de la comptabilité de la société CBAR.

22. Il résulte de l'instruction que l'administration a estimé que les sommes portées au crédit des comptes bancaires ouverts au nom de M. C... auprès de la banque Société marseillaise de crédit et de la banque Martin Maurel pour des montants de 134 048,13 euros et 244 895 euros respectivement en 2013 et 2014 et correspondant à des remises de chèques ou à des virements émis par la société CBAR avaient le caractère de revenus distribués sur le fondement des dispositions précitées du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Ayant admis que trois virements effectués sur le compte bancaire ouvert au nom de M. C... auprès de la banque Société marseillaise de crédit, les 11 février, 11 avril et 8 mai 2013 pour un montant total de 24 062,20 euros avaient le caractère de salaire, l'administration a retranché cette somme du montant des rehaussements opérés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et a, en conséquence, prononcé le dégrèvement mentionné au point 2, de sorte que le rehaussement dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers opéré au titre de l'année 2013 a été ramené à 109 986 euros.

23. En premier lieu, les requérants soutiennent que ces crédits bancaires correspondent au versement des salaires de M. C... à hauteur de 62 503 euros et 39 895 euros, respectivement au titre de 2013 et 2014, de sorte qu'ils seraient doublement imposés dans la catégorie des traitements et salaires et dans celle des revenus de capitaux mobiliers. Toutefois, d'une part, ces montants excèdent les montants de salaires pris en compte par l'administration pour rehausser les revenus des requérants dans la catégorie des traitements et salaires, en ce compris les salaires versés à M. C... par la caisse CIBTP de la région Provence, comme exposé au point 18. D'autre part, l'administration a retranché 24 062,20 euros du total des rehaussements opérés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au titre de l'année 2013, estimant que les requérants justifiaient que cette somme avait la nature de salaire, comme exposé au point 22.

24. En deuxième lieu, les requérants soutiennent que les sommes réintégrées dans leurs revenus en tant que revenus distribués correspondent à des remboursements d'avances consenties par M. C... à la société CBAR, soit par des avances en compte-courant soit par le règlement de factures de fournisseurs de cette société. Ils identifient, en particulier, cinq sommes portées au crédit des comptes bancaires de M. C... en 2013 (trois par virement et deux par remise de chèque), pour un montant total de 71 175 euros. Toutefois, ils n'en justifient pas en soutenant que le compte-courant de M. C... dans les écritures de la société CBAR présentait, à une date non définie, un solde créditeur d'un montant supérieur à 200 000 euros, alors que les inscriptions dans ce compte-courant, qui correspondent pour l'essentiel à des reports à nouveau, ne sont appuyées d'aucun justificatif. En particulier, ils n'établissent pas que la somme de 2 392 euros portée le 9 août 2013 au crédit du compte bancaire ouvert par M. C... auprès de la banque Martin Maurel correspondrait au remboursement d'une facture qu'il aurait acquittée pour le compte de la société CBAR, en se prévalant du débit de ce même compte bancaire d'une somme identique le 5 août 2013 et d'un document présenté comme étant une facture d'honoraires émise pour un montant de 2 392 euros toutes taxes comprises au nom de cette société par M. F..., consultant. De même, ils n'établissent pas que la somme de 55 000 euros portée le 20 août 2014 au crédit du compte bancaire ouvert par M. C... auprès de la banque Martin Maurel correspondrait au remboursement de factures qu'il aurait acquittées pour le compte de la société CBAR, en se prévalant du débit de ce même compte d'une somme totale de 50 704,56 euros, correspondant à cinq chèques qu'il aurait émis pour le compte de cette société, sans produire aucun justificatif de ces dépenses. L'attestation de Mme G..., ancienne responsable administrative et comptable de la société CBAR, selon laquelle les remboursements au profit de M. C... étaient inférieurs aux avances qu'il a consenties à la société depuis son entrée en fonction et l'attestation de M. E... D..., mandataire judiciaire ad hoc de cette société entre le 8 août et le 23 décembre 2013, puis prestataire de services pour celle-ci, selon lequel l'établissement des comptes disponibles a fait ressortir un apport en compte-courant d'associé de M. C... voisin de 600 000 euros qui n'ont pu être que très partiellement remboursés avant la liquidation judiciaire, qui ne sont étayées par aucun justificatif, ne sont pas de nature à infirmer cette analyse. Par suite, le moyen doit être écarté.

25. En dernier lieu, les requérants soutiennent que les sommes imposées entre leurs mains en tant que revenus distribués à M. C... doivent être retranchées du solde créditeur de son compte-courant d'associé dans les écritures de la société CBAR. Toutefois et en tout état de cause, il est constant que les revenus des requérants n'ont pas été rehaussés à raison du solde créditeur de ce compte-courant. Par suite, le moyen ne peut être qu'écarté.

En ce qui concerne les pénalités :

26. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration ". Il résulte de ces dispositions que la pénalité pour manquement délibéré a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir un tel manquement délibéré, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt. Pour établir le caractère intentionnel du manquement du contribuable à son obligation déclarative, l'administration doit se placer au moment de la déclaration ou de la présentation de l'acte comportant l'indication des éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt. Si l'administration se fonde également sur des éléments tirés du comportement du contribuable pendant la vérification, la mention d'un tel motif, qui ne peut en lui-même justifier l'application d'une telle pénalité, ne fait pas obstacle à ce que le manquement délibéré soit regardé comme établi dès lors que les conditions rappelées ci-dessus sont satisfaites.

27. Pour justifier l'application de la majoration pour manquement délibéré, l'administration a relevé que M. et Mme C... ont minoré leur revenu brut global imposable de 72 % en 2013 et de 82 % en 2014 et que les versements ainsi omis de leurs revenus imposables, dans la catégorie des traitements et salaires et dans celle des revenus de capitaux mobiliers émanent de la société CBAR dont M. C... était le gérant, et qui faisait l'objet d'une procédure collective au cours de laquelle il n'a jamais déclaré de créance. Elle a ajouté que les requérants n'ont jamais justifié avoir été autorisés à se rembourser des créances qu'ils allèguent avoir eues sur cette société et, d'une manière générale, que les prélèvements opérés par virements ou par chèques en 2013 et 2014 étaient intervenus à un rythme régulier. Elle a enfin fait valoir que les insuffisances déclaratives conséquentes ont été constatées sur la totalité des revenus perçus par M. et Mme C... à l'exception de leurs pensions de retraites et que les manquements constatés en 2013 ont été réitérés en 2014. Par suite, par ces constatations qui sont exactes, l'administration rapporte la preuve du caractère délibéré des manquements importants et répétés des requérants au regard de leurs obligations déclaratives.

28. Il résulte de ce tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté le surplus de leur demande.

Sur les frais liés au litige :

29. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme C... à concurrence du dégrèvement de 20 663 euros prononcé en cours d'instance.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme C... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... et A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2023, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 décembre 2023.

La rapporteure,

V. RestinoLe président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°21TL04797 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21TL04797
Date de la décision : 28/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-07 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Traitements, salaires et rentes viagères.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Virginie RESTINO
Rapporteur public ?: M. CLEN
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS BLANC - TARDIVEL

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-28;21tl04797 ?
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