Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Limoges, d'une part, d'annuler le tableau d'avancement arrêté le 18 juillet 2019 par la présidente du conseil départemental de la Creuse pour l'accès au grade d'adjoint technique principal de 1ère classe des établissements d'enseignement, la décision du 22 juillet 2019 lui refusant son inscription sur ce tableau d'avancement et les vingt décisions individuelles de nomination des agents inscrits sur ce tableau d'avancement et, d'autre part, d'enjoindre au département de la Creuse de réexaminer sa candidature et celles des agents dont les nominations seront annulées pour l'inscription au tableau d'avancement établi au titre de l'année 2019.
Par un jugement n° 1901704 du 23 septembre 2021, le tribunal administratif de Limoges a, d'une part, annulé le tableau d'avancement au grade d'adjoint technique principal
de 1ère classe des établissements d'enseignement arrêté le 18 juillet 2019 par la présidente du conseil départemental de la Creuse, la décision du 22 juillet 2019 portant refus d'inscription de M. D... à ce tableau et les arrêtés du 23 septembre 2019 portant avancement de grade des vingt agents inscrits au tableau d'avancement au titre de l'année 2019 et, d'autre part, enjoint au département de la Creuse de réexaminer les mérites respectifs de M. D... et des autres agents promouvables pour une inscription au tableau d'avancement établi au titre de l'année 2019 pour l'accès au grade d'adjoint technique principal de 1ère classe des établissements d'enseignement, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 novembre 2021 et un mémoire enregistré
le 28 novembre 2022, le département de la Creuse, représenté par Me Ouangari, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 septembre 2021 du tribunal administratif de Limoges ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. D... ;
3°) de mettre à la charge de M. D... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne le jugement :
- deux de ses mémoires ainsi que 4 pièces venant à leur soutien n'ont pas été communiqués, alors qu'ils apportaient des éléments nouveaux, notamment la pièce 11 ; le juge n'a donc pas correctement effectué son office en ne soumettant pas ces pièces au contradictoire ;
- le courrier du 22 juillet 2019 n'est pas une décision faisant grief ;
- le refus d'inscrire M. D... au tableau d'avancement n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; même si l'intéressé remplissait toutes les conditions pour figurer à ce tableau, il ne disposait d'aucun droit acquis à obtenir un tel avancement ; cela n'implique pas que l'administration n'aurait pas procédé à un examen approfondi de sa valeur professionnelle ; tous les agents promus bénéficiaient également d'avis favorables ; M. D... n'a pas démontré que sa valeur aurait été supérieure à celle des autres ; il a fallu opérer des choix ; la comparaison des mérites de chacun des promouvables a fait l'objet de débats en CAP ; le procès-verbal de séance montre que les débats ont bien eu lieu ; le tableau des promouvables n'est pas une proposition de tableau d'avancement, mais un document répertoriant tous les agents qui remplissent les conditions pour être inscrits, classés par ancienneté ;
- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, M. A... figurait bien sur la liste des agents proposés par l'administration ; lui comme les autres agents bénéficiaient d'appuis ou de votes plus importants que M. D... ;
- le tribunal n'a pas exercé un contrôle restreint et est allé au-delà de son office ; en outre, il a fait peser indûment la charge de la preuve sur l'administration, alors que M. D... n'a pas apporté d'éléments établissant en quoi sa valeur professionnelle aurait été supérieure à celle d'autres agents ;
- l'annulation totale du tableau d'avancement n'est pas conforme à la possibilité d'exécution des décisions de justice, dès lors qu'elle remet en cause la situation de 20 agents, alors qu'il était possible de ne réexaminer que la situation de M. D... ;
En ce qui concerne les autres moyens invoqués par M. D... en première instance :
- aucune des décisions attaquées n'est entachée d'incompétence du signataire ;
- aucun vice de procédure n'est caractérisé ; le dossier de M. D... a bien été soumis à la commission administrative paritaire (CAP), qui a spécifiquement évoqué son cas, comme le montrent les mentions au procès-verbal de séance ; son dossier était complet et l'administration a examiné sérieusement celui-ci en procédant à une comparaison de la valeur professionnelle des agents ; les agents promus faisaient l'unanimité, ce qui n'était pas son cas ; la composition
de la CAP était régulière ; contrairement à ce que soutient l'intéressé, la liste des agents promouvables transmise à la CAP ne correspond à aucun classement, étant seulement établie dans l'ordre d'ancienneté ;
- le moyen tiré du vice de forme doit également être écarté ; les arrêtés individuels de nomination n'ont pas à être motivés par la comparaison de la valeur professionnelle des agents.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 septembre 2022 et 31 décembre 2022, M. E... D..., représenté par Me Grenier, conclut, dans le dernier état de ses écritures,
au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du département de la Creuse la somme
de 5000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- c'est à bon droit que le tribunal n'a pas communiqué certaines productions nouvelles du département, qui n'apportaient aucun élément nouveau ; le jugement n'est donc pas entaché d'irrégularité ;
- le tableau d'avancement ainsi que les arrêtés d'avancement subséquents pouvaient parfaitement être annulés dans leur totalité, sans que des difficultés d'exécution des décisions de justice ne s'y opposent ;
- pour le reste, il reprend ses moyens de première instance dans les mêmes termes, et réitère sa demande tendant à ce que la cour enjoigne au département de produire les évaluations professionnelles des agents promus.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 2007-209 du 19 février 2007 ;
- le décret n° 89-229 du 17 avril 1989 ;
- le décret n° 2007-913 du 15 mai 2007 ;
- le décret n° 2014-1526 du 16 décembre 2014 ;
- le décret n° 2016-596 du 12 mai 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme J...,
- les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique,
- et les observations de Me D'Oria, représentant M. D....
Considérant ce qui suit :
1. Le 17 juin 2019, la commission administrative paritaire (CAP) des personnels de la catégorie C du département de la Creuse a émis un avis sur la proposition de tableau d'avancement faite au titre de l'année 2019 par l'autorité territoriale pour l'accès au grade d'adjoint technique principal de 1ère classe des établissements d'enseignement. Ayant appris qu'il ne figurait pas parmi les vingt agents retenus par cette commission, M. E... D...,
alors adjoint technique principal de 2ème classe des établissements d'enseignement affecté
au sein du collège Jules Marouzeau à Guéret, où il occupe des fonctions de responsable de la production culinaire, a, par un courrier du 20 juin 2019, demandé à la présidente du conseil départemental de la Creuse à être inscrit au tableau d'avancement qu'elle serait amenée à arrêter. Le 18 juillet 2019, la présidente du conseil départemental de la Creuse a arrêté le tableau d'avancement, sur lequel ne figurait pas M. D.... Par un courrier du 22 juillet 2019, elle
a indiqué à M. D..., en réponse à son courrier daté du 20 juin 2019, que le tableau d'avancement " dont la publicité interviendra prochainement, sera conforme à la proposition qui a reçu un avis favorable de la commission administrative paritaire compétente le 17 juin 2019 ". Par un jugement du 23 septembre 2021, dont le département de la Creuse relève appel, le tribunal administratif de Limoges a, d'une part, annulé le tableau d'avancement
au grade d'adjoint technique principal de 1ère classe des établissements d'enseignement arrêté
le 18 juillet 2019 par la présidente du conseil départemental de la Creuse, la décision
du 22 juillet 2019 portant refus d'inscription de M. D... à ce tableau et les arrêtés
du 23 septembre 2019 portant avancement de grade des vingt agents inscrits au tableau d'avancement au titre de l'année 2019 et, d'autre part, enjoint au département de la Creuse de réexaminer les mérites respectifs de M. D... et des autres agents promouvables pour une inscription au tableau d'avancement établi au titre de l'année 2019 pour l'accès au grade d'adjoint technique principal de 1ère classe des établissements d'enseignement, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. ". Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer un mémoire ou une pièce contenant des éléments nouveaux est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité et qu'il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties.
3. Il ressort des pièces du dossier que, devant le tribunal administratif, le département de la Creuse a produit trois mémoires en défense, enregistrés le 21 octobre 2020 comportant en annexe les pièces 1 à 9, le 28 juin 2021 comportant en annexe les pièces 10 et 11,
et le 3 juillet 2021 comportant en annexe les pièces 12 et 13. En appel, le département se plaint de ce que le contradictoire n'a pas été respecté, dès lors que ses deux derniers mémoires, qui, via les pièces jointes, comportaient selon lui des éléments nouveaux, n'ont pas été communiqués.
4. Cependant, un jugement n'est pas entaché d'irrégularité dans le cas où il ressort des pièces du dossier que l'absence de communication n'a pu préjudicier aux droits des parties. En l'espèce, le mémoire du département du 28 juin 2021 comportait des éléments sur la valeur professionnelle de M. D..., qui ont été repris par le tribunal dans sa décision à l'appui de son annulation, et donc au bénéfice de M. D.... Quant au mémoire du département
du 3 juillet 2021, il contenait des pièces visant à prouver la régularité de la composition de la commission administrative paritaire, et donc à écarter un moyen soulevé par le requérant. Le tribunal ayant prononcé une annulation, ce défaut de communication n'a pas été de nature à léser l'une ou l'autre partie, dès lors que les premiers juges ne se sont servis des éléments contenus dans ces mémoires qu'au soutien de la thèse de la partie qui n'en a pas eu connaissance, en l'occurrence M. D....
5. Dans ces conditions, le département de la Creuse n'est pas fondé à soutenir que le jugement est entaché d'irrégularité.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le département de la Creuse :
6. Par un courrier du 22 juillet 2019, la présidente du conseil départemental a indiqué à M. D..., en réponse à sa demande du 20 juin précédent, que serait prochainement publié le tableau d'avancement, qui " sera conforme à la proposition qui a reçu un avis favorable de la commission administrative paritaire compétente le 17 juin 2019 ". Contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, cette lettre n'a qu'une portée informative, seul le tableau d'avancement constituant l'acte susceptible de faire grief à M. D.... Par suite, il y a lieu d'annuler le jugement en tant qu'il a annulé la lettre de la présidente du conseil départemental
du 22 juillet 2019 et de rejeter comme irrecevables les conclusions de M. D... dirigées contre ce courrier.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
7. Aux termes de l'article 79 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " L'avancement de grade a lieu de façon continue d'un grade au grade immédiatement supérieur. (...) Il a lieu suivant l'une ou plusieurs des modalités ci-après : / 1° Soit au choix par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement, établi après avis de la commission administrative paritaire, par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des agents (...) ". ". Aux termes de l'article 80 de la même loi : " Le tableau annuel d'avancement (...) est arrêté par l'autorité territoriale dans les conditions fixées par chaque statut particulier (...) ". Aux termes
de l'article 8 du décret du 16 décembre 2014 relatif à l'appréciation de la valeur professionnelles des fonctionnaires territoriaux : " Pour l'établissement du tableau d'avancement prévu à
l'article 80 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée et de la liste d'aptitude prévue à l'article 39 de cette même loi, il est procédé à une appréciation de la valeur professionnelle du fonctionnaire, compte tenu notamment :1° Des comptes rendus d'entretiens professionnels ;2° Des propositions motivées formulées par le chef de service ;3° Et, pour la période antérieure à la mise en place de l'entretien professionnel, des notations. / Les fonctionnaires sont inscrits au tableau d'avancement par ordre de mérite ou sur la liste d'aptitude. Les candidats dont le mérite est jugé égal sont départagés par l'ancienneté dans le grade ".
8. Aux termes de l'article 12 du décret du 15 mai 2007 portant statut particulier du cadre d'emploi des adjoints techniques territoriaux des établissements d'enseignement, dans sa version applicable : " L'avancement d'échelon s'effectue selon les conditions prévues par l'article 3 du décret du 12 mai 2016 précité [décret du 12 mai 2016 relatif à l'organisation des carrières des fonctionnaires de catégorie C de la fonction publique territoriale]. / Par dérogation aux dispositions du I de l'article 12-1 du même décret, l'avancement au grade d'adjoint technique territorial principal de 2e classe des établissements d'enseignement s'opère par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement établi, au choix, après avis de la commission administrative paritaire, parmi les agents relevant du grade d'adjoint technique territorial des établissements d'enseignement ayant au moins atteint le 5e échelon de leur grade et comptant au moins cinq ans de services effectifs dans ce grade ou dans un grade doté de la même échelle de rémunération d'un autre corps ou cadre d'emplois de catégorie C, ou dans un grade équivalent si le corps ou cadre d'emplois d'origine est situé dans une échelle de rémunération différente ou n'est pas classé en catégorie C. / L'avancement au grade d'adjoint technique territorial principal de 1re classe des établissements d'enseignement a lieu conformément aux dispositions de l'article 12-2 du même décret. ".
9. L'administration est libre de choisir les agents qu'elle décide d'inscrire au tableau d'avancement parmi les candidats qui remplissent les conditions statutaires pour pouvoir y prétendre, après avis de la commission administrative paritaire, dès lors que cette appréciation n'est entachée d'aucune erreur manifeste. Si le refus d'inscription au tableau d'avancement n'est pas au nombre des décisions individuelles refusant aux intéressés un avantage auquel ils ont droit qui, en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, doivent être motivées, il appartient toutefois à l'administration de donner au juge de l'excès de pouvoir les motifs d'une telle décision, afin de lui permettre d'exercer son contrôle. Le juge a la faculté, dans le cadre de ses pouvoirs d'instruction, de demander à l'administration de lui faire connaître les motifs fondant le refus d'inscription au tableau d'avancement d'un fonctionnaire qui y avait été inscrit l'année précédente. Lorsque l'administration se borne à présenter en réponse un exposé de caractère général sur les divers éléments pris en compte lors de l'établissement des tableaux d'avancement, dépourvu de toute indication sur les motifs tenant aux mérites respectifs des candidatures qui ont été retenus en l'espèce pour prendre la décision de refus, les allégations du requérant selon lesquelles cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation doivent être regardées comme établies.
10. Lorsqu'il est saisi d'un recours tendant à l'annulation d'une décision portant inscription à un tableau d'avancement, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, qui ne saurait se borner, dans le cadre de son contrôle restreint, à apprécier la valeur professionnelle d'un candidat écarté, d'analyser les mérites comparés de cet agent et de ceux des autres agents candidats à ce même grade. Il lui appartient de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties.
11. Pour justifier l'absence d'inscription de M. D... au tableau d'avancement au titre de 2019, le département produit un premier tableau qu'il intitule " propositions et avis ", listant par ordre alphabétique les noms de 20 agents proposés à l'avancement, un avis figurant en regard de chaque nom. M. D... figure sur ce document, avec l'avis suivant : " De par sa grande expérience et ses connaissances, M. D... devrait accéder à cette promotion ". Le département produit ensuite deux autres tableaux, intitulés tous deux " Avancement de grade, Filière technique, catégorie C ", listant 49 agents et donnant pour chacun d'entre eux, notamment, leur date d'entrée dans le cadre d'emploi des adjoints techniques principaux et l'échelon atteint. Ces tableaux ne sont pas datés. Les agents ne sont pas non plus classés par ordre alphabétique, ni comme le fait valoir le département, par ordre de mérite, mais par ancienneté. Cependant, alors que sur le premier tableau apparaît M. D..., son nom a disparu du second, sur lequel figure en revanche le nom de M. A..., qui n'apparaissait ni dans la liste des propositions, ni dans le premier tableau, mais qui fait partie des agents effectivement promus à la première classe. Le département fait valoir qu'un agent n'a aucun droit acquis à être inscrit à un tableau d'avancement, même s'il en remplit les conditions, que tous les agents qui ont été promus étaient proposés par l'administration et bénéficiaient d'un avis favorable émis par leur hiérarchie, et que les mérites respectifs des candidatures de tous les agents promouvables, y compris celle de M. D..., ont été examinés avec soin lors de la séance de la CAP
du 17 juin 2019 au cours de laquelle il y a eu des débats sur les choix à opérer, comme le montre le procès-verbal de séance. Cependant, alors que par un courrier du 17 juin 2021 le tribunal a demandé au département de produire " tout élément de nature à justifier qu'au vu des mérites professionnels respectifs de M. D... et des vingt agents qui ont été inscrits au tableau d'avancement établi au titre de l'année 2019 pour l'accès au grade d'adjoint technique principal de 1ère classe des établissements d'enseignement, ce tableau d'avancement ne peut être regardé comme entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ", la collectivité n'a produit que le procès-verbal de séance de la CAP, lequel comporte seulement la mention que le nom de M. D... a été proposé par les représentants du personnel, mais que le directeur général des services, qui assistait à la séance, a fait observer qu'il n'était pas satisfaisant d'exclure de la liste proposée un agent qui avait de bonnes appréciations au profit d'un autre " qui ne fait pas l'unanimité ". Cette mention n'est toutefois corroborée par aucune pièce, en dehors du tableau faisant état des votes des représentants syndicaux, ni même aucun élément d'explication, et la circonstance que la proposition de la CAP ait été adoptée à l'unanimité ne suffit pas à justifier son bien-fondé. De son côté, M. D... produit ses trois dernières évaluations, qui sont élogieuses quant à son expérience, ses capacités et son adaptabilité. Pourtant, il est le seul parmi les 20 noms figurant sur la liste des propositions d'avancement à ne pas avoir été inscrit au tableau d'avancement, le nombre de 20 ayant été atteint grâce à l'inscription de M. A..., agent dont le nom est apparu tardivement sur les listes de propositions, alors que celui de M. D... en avait disparu. Or, il ressort des pièces du dossier que M. D..., classé au 12ème échelon, avait une ancienneté plus grande dans le cadre d'emploi des adjoints techniques que M. A..., classé seulement
au 8ème échelon. Ainsi, alors qu'aucun élément d'appréciation n'est fourni pour cet agent et que les appréciations concernant plusieurs des agents inscrits au tableau d'avancement et effectivement nommés, notamment M. B..., Mme F..., M. G..., Mme C...,
Mme I... et Mme H..., sont plus que succinctes, le département ne fournit aucun élément de justification de l'avancement d'une partie des agents au grade d'adjoint technique
de 1ère classe au titre de l'année 2019, que ce soit au regard de leurs mérites professionnels ou de leur ancienneté. Dans ces conditions, le refus d'inscrire M. D... au tableau d'avancement et de le promouvoir doit être regardé comme entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
12. Aux termes de l'article 35 de la loi du 19 février 2007 relative à la fonction publique territoriale : " Après le premier alinéa de l'article 49 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : ''Le nombre maximum de fonctionnaires appartenant à l'un des cadres d'emplois ou corps régis par la présente loi, à l'exception du cadre d'emplois des agents de police municipale, pouvant être promus à l'un des grades d'avancement de ce cadre d'emplois ou de ce corps est déterminé par application d'un taux de promotion à l'effectif des fonctionnaires remplissant les conditions pour cet avancement de grade. Ce taux de promotion est fixé par l'assemblée délibérante après avis du comité technique paritaire ".
13. Lorsqu'un tableau d'avancement comporte un nombre maximum d'agents, il présente un caractère indivisible. En l'espèce, il ressort de la liste des 49 agents promouvables que le taux de promotion applicable mentionné était de 40 %, soit 19,60 arrondis à 20 promotions possibles par prise en compte d'un report de l'année précédente. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont annulé le tableau dans sa totalité.
14. Il résulte de tout ce qui précède que le département de la Creuse est seulement fondé à demander l'annulation du jugement en tant qu'il a annulé le courrier de la présidente du conseil départemental du 22 juillet 2019.
Sur les frais liés à l'instance :
15. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du département de la Creuse, qui est la partie perdante pour l'essentiel, une somme de 1 500 euros à verser à
M. D... en vertu de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par le département de la Creuse sur ce fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1901704 du tribunal administratif de Limoges du 23 septembre 2021 est annulé en tant qu'il a annulé le courrier de la présidente du conseil départemental
du 22 juillet 2019, et la demande présentée sur ce point par M. D... est rejetée.
Article 2 : Le surplus des conclusions du département de la Creuse est rejeté.
Article 3 : Le département de la Creuse versera une somme de 1 500 euros à M. D... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au département de la Creuse et à M. E... D....
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2023 à laquelle siégeaient :
M. Luc Derepas, président,
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente assesseure,
Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère,
M. Olivier Cotte, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 décembre 2023.
La rapporteure,
Florence J...
Le président,
Luc DerepasLe greffier,
Fabrice Benoit
La République mande et ordonne au préfet de la Creuse ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21BX04305