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27/12/2023 | FRANCE | N°23PA03438

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 27 décembre 2023, 23PA03438


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... C... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 15 mai 2023 par lequel le préfet de police l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée.



Par un jugement n° 2313382/4-2 du 4 juillet 2023, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



I. Par une

requête et un mémoire enregistrés les 28 juillet et 8 décembre 2023 sous le n° 23PA03438, Mme C... A..., représentée par Me C...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 15 mai 2023 par lequel le préfet de police l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée.

Par un jugement n° 2313382/4-2 du 4 juillet 2023, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et un mémoire enregistrés les 28 juillet et 8 décembre 2023 sous le n° 23PA03438, Mme C... A..., représentée par Me Céline Pigot, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 juillet 2023 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler les décisions contestées devant ce tribunal ;

3°) d'enjoindre au préfet compétent, à titre principal, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, assortie d'une autorisation de travail, ce dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de trois jours à compter de cette notification sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros hors taxes à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou de lui verser cette somme en cas de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de retour sont insuffisamment motivées ;

- elles sont entachées d'un défaut d'examen de sa situation ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît son droit à être entendue ;

- elle est entachée d'un défaut de base légale ;

- elle méconnaît l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention de New-York ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant les pays vers lesquels elle est susceptible d'être renvoyée méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er décembre 2023, le préfet de police conclut au non-lieu à statuer.

Il soutient que Mme C... A... a été convoquée en vue de la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

II. Par une requête enregistrée le 28 juillet 2023 sous le n° 23PA03439 Mme D... A..., représentée par Me Céline Pigot, demande à la Cour :

1°) de suspendre l'exécution de ce jugement du 4 juillet 2023 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros hors taxes à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou de lui verser cette somme en cas de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 décembre 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Topin,

- et les observations de Me Frydryszak, substituant Me Pigot, représentant Mme C... A....

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 23PA03438 et n° 23PA03439 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. Par un arrêté du 15 mai 2023, le préfet de police a obligé Mme C... A..., ressortissante somalienne née le 1er janvier 1992 à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays vers lequel elle pourrait être reconduite. Mme C... A... relève appel du jugement n° 2313382/4-2 du 4 juillet 2023 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté.

Sur la requête 23PA03438 :

En ce qui concerne les conclusions à fin de non-lieu :

3. Si le préfet soutient qu'à la suite de l'avis rendu par l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 6 novembre 2023 concernant sa fille, il a convoqué Mme C... A... aux fins de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité de parent d'enfant malade, il ne justifie pas de la délivrance effective d'un tel titre pas plus que de la convocation régulière de l'intéressée en vue de se le voir remettre. Ses conclusions présentées à fin de non-lieu doivent par suite être rejetées.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

S'agissant de la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, Mme C... A... n'est pas fondée, pour les motifs retenus par les premiers juges qu'il y a lieu d'adopter, à soutenir que la décision attaquée serait insuffisamment motivée, méconnaîtrait son droit d'être entendue ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, celles de l'articles 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant, et serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

5. En deuxième lieu, il ne ressort ni de la décision attaquée, ni des autres pièces du dossier, alors qu'en particulier Mme C... A... n'établit pas, par les pièces produites, avoir sollicité auprès du préfet la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant malade avant l'édiction de l'acte contesté, que le préfet n'aurait pas procédé à un examen de sa situation.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; (...) ". Il ressort par ailleurs des dispositions des articles L. 611-1, L. 611-2 et L. 621-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le champ d'application de l'obligation de quitter le territoire français et celui de la remise d'un étranger à un Etat membre de l'Union ou partie à l'accord de Schengen ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et qu'aucune de ces procédures n'est prioritaire.

Lorsque l'étranger relève des deux procédures, le préfet peut donc mettre en œuvre l'une ou l'autre procédure ou engager l'une après l'autre. Toutefois, si l'étranger demande à être éloigné vers l'Etat membre de l'Union ou partie à l'accord de Schengen, le préfet doit examiner s'il y a lieu de le reconduire en priorité vers cet Etat ou de le réadmettre dans cet Etat. Enfin, si l'étranger demande l'asile, l'éloignement doit procéder d'une décision de réadmission.

7. Si Mme C... A... soutient que dès lors qu'elle a obtenu le statut de réfugié en Grèce le préfet ne pouvait prendre une obligation de quitter le territoire français à son encontre mais ne pouvait qu'envisager une remise aux autorités grecques, il ne ressort pas des pièces du dossier,

et il n'est d'ailleurs pas soutenu, que l'intéressée ait demandé à être éloignée vers la Grèce. Par suite, Mme C... A... n'est pas fondée à soutenir que la décision prise sur le fondement de l'article L. 611-1 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est dépourvue de base légale.

8. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier que, à la date de la décision attaquée, Mme C... A... ne justifiait pas de ce que l'état de santé de sa fille nécessitait une prise en charge dont le défaut aurait pu avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni de ce que la Grèce, pays dans lequel elle serait susceptible d'être admissible à raison de l'obtention dans cet Etat du statut de réfugié, ne serait pas en mesure d'assurer les soins nécessaires. Par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance du 9° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

S'agissant de la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Quant au pays dont l'intéressée a la nationalité :

10. Il est constant que Mme C... A... a été reconnue réfugiée en Grèce à raison des risques qu'elle serait susceptible d'encourir en cas de retour dans son pays d'origine. En prévoyant son éloignement vers le pays dont elle a la nationalité, le préfet a par suite méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Quant à tout autre pays dans lequel l'intéressée pourrait être admissible :

11. La décision attaquée vise notamment l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et précise que l'intéressée n'établit pas être exposée à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays de résidence habituelle où elle est effectivement admissible. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

12. En second lieu, il ne ressort pas de l'acte contesté et des autres pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation.

13. En dernier lieu, aux termes aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Le dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

14. Mme C... A... ne soutient pas qu'elle serait personnellement soumise à des traitements inhumains ou dégradants si elle devait être renvoyée en Grèce. Elle n'établit pas que, à la date de l'acte attaqué, sa fille y aurait été exposée à de tels risques à défaut de pouvoir bénéficier de soins nécessités par son état de santé. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent être qu'écartés.

Sur la requête n° 23PA03439 :

15. La Cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête n° 23PA03438 de Mme C... A... tendant à l'annulation du jugement n° 2313382/4-2 du 4 juillet 2023 du Tribunal administratif de Paris, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 23PA03439 par laquelle Mme C... A... sollicitait de la Cour le sursis à exécution de ce jugement.

16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... A... est seulement fondée à demander l'annulation de la décision du 15 mai 2023 en tant qu'elle fixe la Somalie comme pays de retour. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution et les conclusions à fin d'injonction doivent en conséquence être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce d'accueillir les demandes présentées par la requérante et son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La décision du 15 mai 2023 fixant la Somalie comme pays de renvoi est annulée.

Article 2 : Le jugement n° n° 2313382/4-2 du 4 juillet 2023 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution de la requête

n° 23PA03439 de Mme C... A....

Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes n° 23PA03438 et n° 23PA03439 et les conclusions à fin de non-lieu présentées par le préfet de police sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Topin, présidente,

- Mme Jayer, première conseillère,

- Mme Fullana, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 décembre 2023.

La présidente-rapporteure,

E. TOPINL'assesseure la plus ancienne,

M-D. JAYER

Le greffier,

C. MONGISLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Nos 23PA03438, 23PA0343902


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03438
Date de la décision : 27/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TOPIN
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle TOPIN
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : PIGOT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-27;23pa03438 ?
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