Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 16 mars 2022 par lequel le préfet de Seine-et-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 2202735 du 28 avril 2023, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 1er juin 2023, M. B..., représenté par Me Céline Fontaine, demande à la Cour :
1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler l'article 2 de ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 28 avril 2023 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 16 mars 2022 du préfet de Seine-et-Marne ;
4°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de deux jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement
des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, dans le cas où il ne serait pas admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, sur le seul fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'est pas justifié de la consultation du fichier automatisé des empreintes digitales par une personne régulièrement habilitée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il justifie de son insertion sociale et professionnelle, que ses attaches familiales sont en France et qu'il ne constitue pas une menace à l'ordre public ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :
- elle est illégale à raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de Seine-et-Marne qui n'a pas, en dépit de la mise en demeure qui lui a été adressée le 26 septembre 2023, produit de mémoire en défense.
Par une ordonnance du 2 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 novembre 2023.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 21 novembre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Fullana a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant arménien né le 6 mars 1974, est entré sur le territoire français le 23 mai 2011 selon ses déclarations. Par un arrêté du 16 mars 2022, le préfet de Seine-et-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un jugement n° 2202735 du 28 avril 2023 dont le requérant relève appel, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Par une décision du 21 novembre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a accordé à M. B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle. Il s'ensuit que les conclusions du requérant tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, l'arrêté en litige vise les textes dont il est fait application, notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions utiles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et expose les circonstances de fait propres à la situation personnelle et professionnelle que M. B... avait fait valoir lors de son audition par les services de police. Dans ces conditions et quelle que soit l'appréciation portée par le préfet sur cette situation, la décision portant obligation de quitter le territoire français qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée et le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, M. B... reprend en appel le moyen qu'il invoquait en première instance, tiré de ce que la décision l'obligeant à quitter le territoire français serait entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation. Par un jugement précisément motivé, le tribunal a écarté l'argumentation développée par M. B... à l'appui de ce moyen. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le magistrat désigné du Tribunal administratif de Melun d'écarter ce moyen ainsi renouvelé devant la Cour par le requérant, qui ne présente aucun élément de fait ou de droit nouveau, par rapport à l'argumentation qu'il avait développée devant le tribunal.
5. En troisième lieu, la circonstance, à la supposer établie, que la consultation du fichier automatisé des empreintes digitales aurait été réalisée par une personne non habilitée n'est pas, par elle-même, de nature à entacher d'irrégularité la décision attaquée. Un tel moyen ne peut donc qu'être écarté.
6. En dernier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) 6° L'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois a méconnu les dispositions de l'article L. 5221-5 du code du travail. (...) ".
7. D'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. " et aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
8. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été interpellé et placé en garde-à-vue le 15 mars 2022 pour des faits de conduite de véhicule sans permis et d'usage d'un faux document de permis de conduire, qu'il réside en France depuis 2011, a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 29 juin 2012, dont la décision a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 23 avril 2013, et a fait l'objet de trois mesures d'éloignement les 21 mai 2013, 4 janvier 2017 et 12 juillet 2018. Si M. B... se prévaut de son insertion sociale et professionnelle et fait valoir que ses attaches se situent en France, notamment son épouse et ses trois filles ainsi que son frère et sa famille, il n'exerce une activité professionnelle que depuis 2020 en qualité en dernier lieu de plombier, son épouse qui travaille depuis 2017 comme employée de maison à temps partiel est également en situation irrégulière, ils ne disposent pas d'un logement stable et sont hébergés dans un centre d'hébergement et de réinsertion sociale. En outre, M. B... est défavorablement connu des services du police pour des faits commis entre 2012 et 2018, qu'il ne conteste pas sérieusement, d'usage illicite de stupéfiants, de conduite sans permis, de vols à l'étalage, de vols avec violences sans arme et de vols en réunion et a fait l'objet d'une condamnation en 2014 à un mois de prison ferme pour outrage sur personne dépositaire de l'autorité publique et violences. Enfin, s'il ressort des pièces du dossier que ses deux filles aînées majeures résident en France sous couvert, pour l'une, d'une carte de séjour pluriannuelle et, pour l'autre, d'une carte de séjour d'un an et que M. B... est grand-père d'un enfant né en France, il ne fait état d'aucun obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue dans son pays d'origine avec son épouse et sa benjamine, née en 2013 et scolarisée sur le territoire français, et ne justifie pas y être dépourvu d'attaches alors qu'il y a vécu jusqu'à l'âge de 37 ans. Dans ces conditions, le préfet de Seine-et-Marne n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi, ni méconnu l'intérêt supérieur de sa fille mineure. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés. Pour les mêmes raisons, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de M. B....
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
9. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
10. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Et aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
11. M. B... reprend en appel les moyens qu'il invoquait en première instance, tirés de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français serait entachée d'une insuffisance de motivation, d'une erreur d'appréciation et d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le magistrat désigné du Tribunal administratif de Melun, d'écarter ces moyens ainsi renouvelés devant la Cour par le requérant, qui ne présente aucun élément de fait ou de droit nouveau, par rapport à l'argumentation qu'il avait développée devant le tribunal.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle à titre provisoire présentée par M. B....
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 13 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Topin, présidente,
- Mme Jayer, première conseillère,
- Mme Fullana, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 décembre 2023.
La rapporteure,
M. FULLANALa présidente,
E. TOPIN
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 23PA02430