Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 9 novembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée et aurait prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français.
Par un jugement n° 2216743/10 du 28 mars 2023, le Tribunal administratif de Montreuil a, après avoir pris acte du désistement de Mme A... de ses conclusions dirigées contre une décision portant interdiction de retour sur le territoire français, rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une ordonnance n° 23VE00891 du 9 mai 2023, la Cour administrative d'appel de Versailles a transmis à la Cour administrative d'appel de Paris le dossier de la requête de Mme A....
Par une requête enregistrée le 28 avril 2023, Mme A..., représentée par Me David Doucerain, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement du 28 mars 2023 du Tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 novembre 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de réexaminer sa situation et de lui délivrer sans délai, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
- il est entaché d'une violation du contradictoire ;
- il ne mentionne pas le caractère public de l'audience ;
- la minute du jugement n'est pas signée ;
- le tribunal a omis d'examiner l'intérêt supérieur de l'enfant au regard des liens avec son père français ;
En ce qui concerne les décisions de refus de titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français :
- les décisions sont entachées d'incompétence ;
- elle sont insuffisamment motivées ;
- elles n'ont pas été précédées d'un examen complet de sa situation ;
- elle méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 septembre 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête d'appel est tardive et, par conséquent, irrecevable ;
- les moyens présentés par la requérante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 2 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Fullana,
- et les observations de Me Doucerain, représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante marocaine née le 11 août 1976, qui soutient être entrée en France le 4 novembre 2019, a sollicité, le 9 juin 2022, la délivrance d'un titre de séjour en qualité de mère d'une enfant française. Par un arrêté du 9 novembre 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement du 28 mars 2023 en tant que le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet :
2. Aux termes de l'article R. 776-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable au contentieux du séjour et de l'éloignement des étrangers, en vertu de l'article R. 776-1 du même code : " Le délai d'appel est d'un mois. Il court à compter du jour où le jugement a été notifié à la partie intéressée. Cette notification mentionne la possibilité de faire appel et le délai dans lequel cette voie de recours peut être exercée. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le jugement du 28 mars 2023 du Tribunal administratif de Montreuil a été notifié à Mme A... par un courrier du greffe de ce tribunal le 28 mars 2023 mis à sa disposition dans l'application Télérecours, qui a été consulté le 29 mars suivant. Ainsi, ce délai, qui est au demeurant un délai franc, n'était pas échu le 28 avril 2023, date d'enregistrement de la requête au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles. La fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête opposée par le préfet de la Seine-Saint-Denis ne peut donc qu'être écartée.
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. (...) ". Le jugement attaqué du Tribunal administratif de Montreuil ne comporte pas la mention que l'audience a été publique. En l'absence de tout élément au dossier permettant d'estimer qu'elle l'a effectivement été ou que le président de de la formation de jugement a décidé que l'audience aurait lieu hors la présence du public, en application des dispositions de l'article L. 731-1 du code de justice administrative, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité. Par suite, ce jugement doit être annulé. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A... devant le tribunal.
Sur la demande présentée par Mme A... devant le tribunal :
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
5. Si, dans sa requête, Mme A... demandait l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, elle n'a pas repris de telles conclusions dans son mémoire enregistré le 8 février 2023, en réponse au moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité de ses conclusions dirigées contre une telle décision en raison de son inexistence. Mme A... doit être considérée comme s'étant désistée purement et simplement de ces conclusions. Rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.
En ce qui concerne le moyen commun aux décisions attaquées :
6. Par un arrêté n° 2022-2867 du 17 octobre 2022 régulièrement publié au bulletin d'informations administratives de la préfecture de Seine-Saint-Denis, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné à M. D... C..., chef du bureau de l'accueil et de l'admission au séjour, délégation pour signer, notamment, les décisions attaquées. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions en litige doit être écarté.
En ce qui concerne les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, d'une part, l'arrêté en litige vise les textes dont il est fait application, notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions utiles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et expose les circonstances de fait propres à la situation personnelle de Mme A... sur lesquelles le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé pour refuser le titre de séjour sollicité. Dans ces conditions, la décision de refus de séjour contestée, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée et le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.
8. D'autre part, en application de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'obligation de quitter le territoire, prise sur le fondement du 3° de l'article L. 611-1 du même code, n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle du refus de titre de séjour. Eu égard à ce qui a été relevé au point précédent du présent jugement, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
9. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de police a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme A... avant de prendre les décisions en litige.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Selon l'article L. 423-8 du même code : " Pour la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 423-7, lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, doit justifier que celui-ci contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, ou produire une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. (...) ".
11. Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui sollicite la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au motif qu'il est parent d'un enfant français doit justifier, outre de sa contribution effective à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, de celle de l'autre parent, de nationalité française, lorsque la filiation à l'égard de celui-ci a été établie par reconnaissance en application de l'article 316 du code civil. Le premier alinéa de l'article L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que cette condition de contribution de l'autre parent doit être regardée comme remplie dès lors qu'est rapportée la preuve de sa contribution effective ou qu'est produite une décision de justice relative à celle-ci.
12. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est mère d'une enfant française née le 11 mars 2020 qui a été reconnue le 8 janvier 2020 par un ressortissant français. La délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français lui a été refusée une première fois par une décision du 15 octobre 2020 par la préfète de l'Ain, décision confirmée par un jugement du Tribunal administratif de Lyon du 10 novembre 2021 et par un arrêt de la Cour administrative d'appel de Lyon du 17 mai 2023, aux motifs que la preuve que le père, incarcéré depuis le 23 janvier 2020, participait à l'entretien et à l'éducation de l'enfant n'était pas apportée. Si, pour contester l'arrêté en litige, Mme A... produit plusieurs preuves de transfert régulier d'argent, d'abord de la part de la grand-mère paternelle de l'enfant à compter du mois de juin 2021, puis du père à compter du mois de novembre 2021 et pour l'année 2022, qui sont de nature à établir que ce dernier participe, dans la mesure de ses moyens, à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, une telle preuve n'est pas apportée, comme le requièrent les dispositions citées ci-avant de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, depuis la naissance de l'enfant ou depuis au moins deux ans à la date d'intervention de l'arrêté en litige. Dès lors, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le préfet a méconnu ces dispositions en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français. En revanche, la circonstance que le père de l'enfant continue depuis de participer à son entretien et à son éducation serait de nature à faire obstacle à l'exécution de la mesure d'éloignement.
13. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. (...). ". Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
14. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., qui a déclaré être entrée en France le 4 novembre 2019, est séparée du père de son enfant et est célibataire sans autre enfant à charge sur le territoire français, ne justifie pas d'une insertion sociale et professionnelle particulière en dépit du fait qu'elle bénéficie depuis le 1er juin 2021 d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel en qualité d'employée polyvalente, et n'allègue pas être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 43 ans. En outre, il résulte de ce qui a été dit au point 12 du présent jugement que Mme A... justifie seulement de la participation financière du père à l'éducation et à l'entretien de leur fille, âgée de deux ans et demi à la date de l'arrêté attaqué, et ne produit aucun élément de nature à démontrer que le père et l'enfant auraient noué des liens de nature familiale ni que celui-ci en aurait la garde conjointe. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas porté au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi ni méconnu l'intérêt supérieur de sa fille. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. Pour les mêmes raisons, les décisions attaquées ne sont pas davantage entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation de Mme A....
En ce qui concerne la décision portant délai de départ volontaire :
15. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, la requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision fixant le délai de départ volontaire par voie de conséquence de l'annulation des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.
16. En second lieu, il ressort de l'arrêté en litige que le préfet n'a pas refusé l'octroi à Mme A... d'un délai de départ volontaire et lui a accordé un délai de trente jours. Dès lors, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le refus de lui accorder un délai de départ volontaire est insuffisamment motivé, méconnaît les dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
17. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 novembre 2022 ne peuvent qu'être rejetées. Doivent également être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2216743/10 du 28 mars 2023 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : Il est donné acte du désistement des conclusions de Mme A... tendant à l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par Mme A... devant le Tribunal administratif de Montreuil et la Cour est rejetée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 13 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Topin, présidente,
- Mme Jayer, première conseillère,
- Mme Fullana, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 décembre 2023.
La rapporteure,
M. FULLANALa présidente,
E. TOPIN
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 23PA01824