Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans l'annulation de l'arrêté du 19 avril 2023 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour en France pendant une durée d'un an.
Par un jugement n° 2301865 du 28 juin 2023, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2023, M. C... B..., représenté par Me Rouille-Mirza, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'il a été privé de son droit à être entendu ;
- la décision est entachée d'un défaut d'examen et méconnaît l'article L. 542-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il remplit les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour " étudiant " sur le fondement de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale dès lors qu'elle se fonde sur une obligation de quitter le territoire français elle-même illégale ;
- elle méconnaît l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 33 de la Convention de Genève ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale dès lors qu'elle se fonde sur une obligation de quitter le territoire français et une décision fixant le pays de destination elles-mêmes illégales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 octobre 2023, le préfet d'Indre-et-Loire conclut au rejet la requête en faisant valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 27 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florent,
- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,
- les parties n'étant ni présentes ni représentées.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant mauritanien né le 31 décembre 1994, a déclaré être entré en France le 19 septembre 2021 sans pouvoir justifier d'une entrée régulière. Le 4 octobre 2021, il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Placé en procédure Dublin suite à son identification en Espagne et après extinction de cette procédure, sa demande a été rejetée par une décision du 30 août 2022 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis le 6 mars 2023 par la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 19 avril 2023, le préfet d'Indre-et-Loire l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination de la Mauritanie et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement du 28 juin 2023 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
S'agissant des conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, M. B... fait valoir que l'arrêté attaqué est irrégulier dès lors qu'il a été privé de son droit à être entendu préalablement à l'adoption de cette mesure d'éloignement.
3. La Cour de justice de l'Union européenne a jugé, dans ses arrêts C-166/13 Sophie Mukarubega du 5 novembre 2014 et C-249/13 Khaled Boudjlida du 11 décembre 2014 visés ci-dessus, que le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Ce droit n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.
4. Il résulte également de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt C-383/13 M. A..., N. R./Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie du 10 septembre 2013, que toute irrégularité dans l'exercice des droits de la défense lors d'une procédure administrative concernant un ressortissant d'un pays tiers en vue de son éloignement ne saurait constituer une violation de ces droits et, en conséquence, que tout manquement, notamment, au droit d'être entendu n'est pas de nature à entacher systématiquement d'illégalité la décision prise.
5. Il revient à l'intéressé d'établir devant le juge chargé d'apprécier la légalité de cette décision que les éléments qu'il n'a pas pu présenter à l'administration auraient pu influer sur le sens de cette décision et il appartient au juge saisi d'une telle demande de vérifier, lorsqu'il estime être en présence d'une irrégularité affectant le droit d'être entendu, si, eu égard à l'ensemble des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent.
6. En l'espèce, M. B... fait valoir qu'il n'a pas été en mesure de faire état des liens qu'il a développés avec la France et de son intégration scolaire. La seule circonstance toutefois que le requérant, âgé de 28 ans, est inscrit depuis 2021 en CAP monteur installations sanitaires et donne satisfaction à ses professeurs n'était pas de nature à influer sur le sens de la décision prise par le préfet. Par suite, le moyen invoqué doit être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an. / En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sous réserve d'une entrée régulière en France et sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) " Aux termes de l'article L. 412-1 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1. " L'article L. 412-3 de ce code précise par ailleurs : " Par dérogation à l'article L. 412-1 l'autorité administrative peut, sans que soit exigée la production du visa de long séjour mentionné au même article, accorder les cartes de séjour suivantes : 1° La carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " prévue à l'article L. 422-1 ; (...) "
8. Lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français.
9. D'une part toutefois, M. B... n'établit pas remplir les conditions du premier alinéa de l'article L. 422-1 cité ci-dessus dès lors qu'il ne justifie ni être entré en France sous couvert d'un visa de long séjour, ni disposer de moyens d'existence suffisants. D'autre part, le second alinéa de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prescrit pas la délivrance d'un titre de plein droit et exige en tout état de cause que l'étranger soit entré régulièrement en France, ce qui n'est pas le cas de M. B.... Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il remplissait les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni, par voie de conséquence, que l'arrêté est entaché d'un défaut d'examen complet de sa situation à défaut pour le préfet d'avoir examiné d'office son droit au séjour en qualité d'étudiant et d'une méconnaissance des articles L. 542-4 et L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 542-2, des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont inopérants en tant qu'ils sont dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français qui, en elle-même, n'a pas pour objet de fixer le pays de destination de l'étranger.
En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
11. M. B... soutient qu'il encourt un risque réel de subir des persécutions en cas de retour en Mauritanie en raison de son ethnie Soninké, de sa couleur de peau et du fait qu'il s'est engagé politiquement pour lutter contre ces discriminations et l'esclavage en Mauritanie. Hormis toutefois des articles généraux faisant état de discriminations raciales, M. B... ne produit aucun élément de nature à établir qu'il serait personnellement l'objet de persécutions ou de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Mauritanie sans pouvoir se prévaloir de la protection des autorités publiques. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent par suite être écartés.
12. Par ailleurs, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée en conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire.
En ce qui concerne la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :
13. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. " Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français.
Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) "
14. Pour adopter la décision en litige, le préfet d'Indre-et-Loire s'est fondé sur la circonstance que M. B... est célibataire, sans charge de famille, sans lien fort avec la France où il ne réside que depuis moins de deux ans et a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement à destination de l'Espagne. Or d'une part, contrairement à ce que soutient M. B..., une décision de transfert constitue bien une mesure d'éloignement, d'autre part, le requérant n'établit ni même n'allègue que l'inexécution de cette décision de transfert ne lui serait pas imputable. Dans ces conditions, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le requérant ne représente pas une menace à l'ordre public, en prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an à l'encontre de M. B..., le préfet d'Indre-et-Loire n'a pas méconnu les dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
15. Enfin, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi ne sont pas entachées d'illégalité. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'interdiction de retour sur le territoire français prise à son encontre doit être annulée en conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire et de la décision fixant le pays de destination.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par suite, les conclusions présentées à fin d'annulation doivent être rejetées, de même que, par voie de conséquence, que celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Rouille-Mirza.
Copie en sera adressée au préfet d'Indre-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Pilven, président assesseur,
Mme Florent, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2023.
La rapporteure,
J. FLORENTLe président,
P-L. ALBERTINILa greffière,
F. PETIT-GALLAND
La République mande et ordonne au préfet d'Indre-et-Loire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 23VE01753