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21/12/2023 | FRANCE | N°23VE01905

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 21 décembre 2023, 23VE01905


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 17 mai 2023 par lequel le préfet du Val-d'Oise lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.



Par un jugement n° 2306778 du 12 juillet 2023 le Tribun

al administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 17 mai 2023 par lequel le préfet du Val-d'Oise lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2306778 du 12 juillet 2023 le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 août 2023, M. B... A..., représenté par Me Amnache, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

Il soutient que :

- les décisions en litige sont insuffisamment motivées, notamment l'obligation de quitter le territoire français ; elles n'ont pas pris en compte pleinement sa situation, il réside en France avec son épouse et ses deux enfants, dont un âgé de 9 ans et scolarisé en école élémentaire ; contrairement à l'argument du préfet repris par les premiers juges, il dispose de garanties de représentation effectives ; en effet, il détient un passeport valable au 23 juin 2026, et dispose d'un logement à Argenteuil ; en outre, le préfet n'a pas précisé la durée de l'interdiction de retour ;

- s'agissant de la légalité interne des décisions en litige, pour prononcer sa décision portant obligation de quitter le territoire sans délai, le préfet s'est à tort fondé sur le risque pour le requérant de se soustraire à cette obligation et l'absence de garanties de représentation au titre de l'article 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoit que dans ce cas, le préfet peut refuser un délai de départ ; en l'espèce, il dispose bien de garanties de représentations puisqu'il est titulaire d'un passeport en cours de validité et d'un logement ;

- les décisions sont entachées d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elles violent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elles violent également celles de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : il vit en France depuis le 16 janvier 2020 avec son épouse et ses deux enfants, dont un est né sur le territoire français et l'autre y est scolarisé ; malgré son arrivée récente en 2020, il a pu s'y intégrer socialement et professionnellement, en effectuant des missions via la startup Stootie qui propose des services du quotidien dans tous les domaines ; il a effectué plusieurs missions dans ce cadre et en 2020, son revenu fiscal était de 47 160 euros ce dont il justifie par les pièces produites ; il a ensuite créé une société le 20 septembre 2022, ayant pour activité l'installation de réseaux de fibre optique et signé un contrat de sous-traitance de prestations de services avec l'entreprise MAB services ; il maîtrise bien la langue française, a suivi plusieurs formations, dispose d'un diplôme d'agent de piste bagagiste et est bien intégré ;

- l'obligation de quitter le territoire porte atteinte à sa vie privée et familiale et compromettrait sérieusement la scolarité de l'enfant Aylal ; cet enfant ayant entamé sa scolarité en France ne pourra pas s'adapter à l'environnement scolaire en Algérie, d'autant que les cours sont dispensés en langue arabe dans ce pays ; les stipulations de l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale des droits de l'enfant, ont aussi été méconnues compte tenu de ces éléments ;

- sur la légalité interne de la décision portant interdiction de retour, les premiers juges considèrent que la situation personnelle ne fait pas obstacle au prononcé d'une décision d'interdiction de retour, dès lors que ni son insertion professionnelle, ni sa présence en France depuis trois ans à la supposer réelle et continue et ni la présence de son épouse et de ses deux enfants ne constituent des circonstances humanitaires justifiant que le préfet renonce à prendre cette décision ; la décision portant obligation de quitter le territoire sans délai étant entachée d'illégalité comme développé supra, celle relative à l'interdiction de retour doit, par conséquent, être annulée ; d'ailleurs, comme indiqué supra, cette décision ne précise pas la durée de l'interdiction de retour ; en effet, il y est indiqué : " article 3 : une interdiction de retour sur le territoire français pendant un durée d'un an à compter de l'exécution de l'obligation ... " ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français méconnait les dispositions de l'article L. 511-1 III en ce qu'il justifie de circonstances humanitaires ; il vit en France depuis plus de trois années avec son épouse et ses deux enfants dont un est scolarisé ; en outre, il est bien inséré socialement et professionnellement en France ; le bulletin n° 3 de son casier judiciaire au 13 juillet 2022, ne révèle aucune condamnation ;

- s'agissant de la décision fixant le pays de destination, les décisions portant obligation de quitter le territoire sans délai et interdiction de retour étant entachées d'illégalité, celle fixant le pays de destination doit aussi être annulée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 novembre 2013, le préfet du Val-d'Oise conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'il maintient ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Albertini,

- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant algérien né le 12 juin 1977, est entré sur le territoire français le 16 janvier 2020 sous couvert d'un visa de court séjour qu'il n'a pas pu présenter. Par un arrêté du 17 mai 2023, pris sur le fondement des dispositions de l'article L. 611-1 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Val-d'Oise lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination duquel il est susceptible d'être éloigné en cas d'exécution d'office et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur les moyens communs aux décisions attaquées :

2. En premier lieu, l'arrêté contesté comporte l'énoncé suffisamment précis des circonstances de droit et de fait qui le fondent. En outre, eu égard aux mentions contenues sans aucune ambiguïté dans la motivation de la décision et à celles reprises à l'article 1er, la décision fixant la durée de l'interdiction de retour à un an doit être regardée comme entachée d'une simple erreur de plume, sans incidence sur sa légalité. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision attaquée doit être écarté.

3. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Val-d'Oise n'aurait pas, avant de prendre l'arrêté contesté, procédé à un examen sérieux, attentif et personnalisé de la situation de M. A....

4. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".

5. En l'espèce, M. A... est marié à une ressortissante algérienne et est père de deux enfants à charge, dont un est né sur le territoire français et est scolarisé en France. Toutefois, le requérant n'établit aucune circonstance qui ferait obstacle à ce que sa cellule familiale ne s'établisse dans le pays d'origine des époux, où le requérant, qui est entré en France récemment, en 2020, ne soutient pas être dépourvu de liens familiaux. En outre, en faisant état de l'exercice d'une activité salariée après son arrivée en France, puis de son activité de travailleur indépendant pour la pose de réseaux de télécommunications, du suivi de formation et de l'obtention d'un diplôme de bagagiste aéroportuaire, M. A... ne justifie pas d'une insertion sociale et professionnelle intense et stable en France. Enfin, M. A... ne démontre pas que ses enfants, dont le plus âgé, scolarisé dans l'enseignement primaire, est âgé de neuf ans à la date des décisions en litige, et le dernier, en très bas âge, est né en France, ne pourraient pas s'adapter à un nouvel environnement dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police du Val-d'Oise en lui faisant obligation de quitter le territoire français, a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive aux buts en vue desquels cette décision a été prise, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle.

6. En cinquième lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ".

7. Les décisions contestées n'ont pas pour effet de séparer M. A... de ses enfants. Dès lors que rien ne s'oppose à ce que la vie familiale du couple et de ses deux enfants encore en bas âge et qui peuvent être scolarisés en Algérie, se poursuive hors de France, l'intérêt supérieur de ces enfants mineurs n'a pas été méconnu.

Sur la légalité de la décision refusant un délai de départ volontaire :

8. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / 2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) ".

9. M. A... fait valoir que contrairement à ce que mentionne la décision attaquée, il dispose d'un passeport. Cette circonstance n'est pas contestée et il en avait fait état lors de son audition préalablement au prononcé de la décision en cause. Il justifie en outre disposer d'un logement. Toutefois, le préfet s'est également fondé, à bon droit, sur l'absence de démarches du requérant pour obtenir un titre de séjour depuis l'expiration de son visa, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ce qui n'est pas contesté, M. A... n'ayant pas justifié de démarches à cet effet. Par suite, et sans que le requérant puisse utilement faire valoir une absence de risque pour l'ordre public, à supposer même que cette circonstance puisse être considérée comme étant établie, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de l'erreur d'appréciation doivent être écartés.

Sur la légalité de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :

10. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et se substituant à celles de l'article L. 511-1 III du même code (désormais abrogées) : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". L'article L. 612-10 du même code dispose que : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".

11. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ volontaire, il appartient au préfet d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés à l'article L. 612-10, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.

12. La situation personnelle du requérant ne fait pas obstacle au prononcé d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, dès lors que ni son insertion professionnelle, ni sa présence depuis trois ans en France à la supposer réelle et continue et ni la présence de son épouse et de ses deux enfants ne constituent des circonstances humanitaires justifiant que le préfet renonce à prononcer à son encontre une telle décision. Par suite, et alors-même qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public et n'a pas fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire français, c'est à bon droit que le préfet du Val-d'Oise a pu décider d'assortir l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. A... d'une telle interdiction. Dans ces conditions, le préfet du Val-d'Oise n'a pas méconnu les dispositions précitées.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

13. Il suit de ce qui a été dit que la décision par laquelle le préfet du Val-d'Oise a fait obligation à M. A... de quitter le territoire français, sans délai de départ volontaire, ainsi que la décision lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée d'un an ne sont pas illégales. Par suite, il n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de ces décisions à l'encontre de celle fixant le pays de destination de l'éloignement.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Pilven, président assesseur,

Mme Florent, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.

Le président-assesseur,

J.-E. PILVENLe président-rapporteur,

P.-L. ALBERTINILa greffière,

F. PETIT-GALLAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 23VE01905 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE01905
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Paul-Louis ALBERTINI
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : AMNACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;23ve01905 ?
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