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21/12/2023 | FRANCE | N°23VE00823

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 21 décembre 2023, 23VE00823


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2021 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de la notification de cette décision et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2115700 du 30 mars 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.>


Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 21 avril 2023, M. B.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2021 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de la notification de cette décision et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2115700 du 30 mars 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 avril 2023, M. B... A..., représenté par Me Fineltain-Assaraf, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2021 du préfet du Val d'Oise ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 50 euros par jour de retard dans un délai d'un mois suivant la notification du jugement ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en application de l'article 4 de la convention franco-camerounaise du 24 janvier 1994, et aussi en application de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il avait droit à la délivrance d'un titre de séjour, en raison de son activité professionnelle ; il a en effet été employé le 1er août 2018 par un contrat de travail à temps plein et à durée indéterminée en qualité de maçon au sein de la société Novamoda et pouvait prétendre à un titre de séjour pour ce motif ;

- le préfet s'est fondé sur un mail de l'URSSAF du 5 mai 2021 dont il n'a pas eu connaissance et qui aurait dû lui être communiqué ; par ailleurs l'arrêté du préfet n'est pas motivé de façon claire dès lors qu'il se fonde sur ce mail de l'URSSAF sans en communiquer le contenu ;

- l'URSSAF n'a pas pu répondre à la demande du préfet du Val-d'Oise en raison d'une erreur sur son nom, figurant sur son passeport ; le tribunal administratif ne s'est pas prononcé sur cet argumentaire et a ainsi entaché son jugement d'une omission à statuer ;

- il a produit un contrat de travail, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif ;

- en tout état de cause, il est présent depuis plus de dix ans sur le territoire français et le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour ; il réside en effet en France depuis février 2005 ;

- il fait état aussi de considérations humanitaires ;

- il aurait droit à un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, autant en raison de la durée de son séjour, de son activité professionnelle et de sa situation familiale dès lors qu'il n'a plus de lien au Cameroun.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 décembre 2023, le préfet du Val-d'Oise conclut aux mêmes fins qu'en première instance au rejet de la requête.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention entre la République française et la République du Cameroun relative à la circulation et au séjour des personnes du 24 janvier 1994 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pilven,

- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant camerounais né le 31 décembre 1962, est entré en France le 16 février 2005 par la Belgique, muni d'un visa de court-séjour délivré par les autorités de ce pays. Il a sollicité son admission au séjour le 10 décembre 2020. Par un arrêté du 23 novembre 2021, le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un jugement du 30 mars 2023, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 novembre 2021.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le tribunal administratif a répondu de façon complète à l'argumentation soulevée par le requérant et tirée de ce que le préfet aurait dû transmettre à l'administration le courriel de l'URSSAF relatif à sa situation professionnelle dans le point 6 du jugement. Le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d'une omission à statuer doit dès lors être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Il y a lieu, en premier lieu, par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif au point 2, d'écarter le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu le caractère contradictoire de la procédure en ne lui communiquant pas le courriel de l'URSSAF relatif à sa situation professionnelle.

4. En deuxième lieu, l'arrêté préfectoral du 23 novembre 2021 comprend les motifs de fait et de droit qui en constituent le fondement et expose de manière suffisante les motifs pour lesquels le préfet du Val d'Oise a rejeté la demande de titre de séjour du requérant. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté attaqué doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 14 de la convention franco-camerounaise : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application des législations respectives des deux États sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par la présente Convention. ". Aux termes de l'article 3 de cette convention : " Pour un séjour de plus de trois mois, (...) les nationaux camerounais, lors de la demande du visa français, doivent être munis des justificatifs prévus aux articles 4 à 7 ci-après, en fonction de la nature de l'installation envisagée / Ils doivent, à l'entrée sur le territoire de l'État d'accueil, être munis d'un visa de long séjour et pouvoir présenter, le cas échéant, les justificatifs mentionnés aux articles 4 à 7 ". Aux termes de l'article 4 de cette même convention : " Les nationaux de chacun des Etats contractants désireux d'exercer sur le territoire de l'autre État une activité professionnelle salariée doivent en outre, pour être admis sur le territoire de cet État, justifier de la possession : / (...) 2° D'un contrat de travail visé par le ministère chargé du travail dans les conditions prévues par la législation de l'Etat d'accueil ". Aux termes de son article 11 : " Pour tout séjour sur le territoire français devant excéder trois mois, les nationaux camerounais doivent posséder un titre de séjour. / (...) Ces titres de séjour sont délivrés conformément à la législation de l'Etat d'accueil ".

6. Il résulte de la combinaison de ces stipulations que la convention franco-camerounaise renvoie, par son article 11, à la législation nationale pour la délivrance des titres de séjour et que ses articles 3 et 4 se bornent, quant à eux, à régir les conditions d'entrée sur le territoire de l'un des deux États, de ceux des ressortissants de l'autre État qui souhaitent y exercer une activité salariée. Ainsi, les ressortissants camerounais souhaitant exercer une activité salariée en France doivent solliciter un titre de séjour en application des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail ". L'article L. 5221-2 du code du travail dispose que : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". Aux termes de l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : / 1° Sauf s'il est exempté de cette obligation, des visas exigés par les conventions internationales et par l'article 6, paragraphe 1, points a et b, du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) (...) ".

8. Si le requérant soutient qu'il remplissait les conditions prévues par l'article 4 de la convention franco-camerounaise pour se voir délivrer un titre de séjour au motif qu'il avait produit un contrat de travail et une demande d'autorisation de travail visée par son employeur joints à sa demande, cette circonstance, comme l'a rappelé à bon droit le tribunal administratif, reste sans incidence sur le bien-fondé du rejet opposé par le préfet, dès lors que M. A... ne conteste pas qu'il ne disposait ni d'un visa de long-séjour, ni d'un contrat de travail visé par l'administration compétente.

9. En cinquième lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif, d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : /1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; / 2° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer la carte de résident prévue aux articles L. 423-11, L. 423-12, L. 424-1, L. 424-3, L. 424-13, L. 424-21, L. 425-3, L. 426-1, L. 426-2, L. 426-3, L. 426-6, L. 426-7 ou L. 426-10 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; (...) ; 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1 ". Il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative n'est tenue de consulter la commission départementale du titre de séjour que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles visés par ce texte auxquels elle envisage de refuser le titre de séjour sollicité.

11. M. A... soutient qu'il résidait depuis plus de dix ans en France à la date du dépôt de sa demande de titre de séjour et que le préfet était ainsi tenu de consulter la commission départementale du titre de séjour en se fondant sur son visa d'entrée en France mentionnant la date du 16 février 2005. Toutefois, si M. A... produit des cartes individuelles d'admission à l'aide médicale d'Etat depuis 2014 ou des détails de chargement des forfaits " navigo " pour les années 2021 et 2022 ou encore des avis d'imposition ne mentionnant aucun revenu, il n'établit pas sa présence pour les années 2011 à 2013 et, par suite, sa présence continue en France depuis dix ans. Dès lors le moyen tiré de ce que la décision de refus de titre de séjour aurait été prise à la suite d'une procédure irrégulière, en l'absence de consultation de la commission du titre de séjour, doit être écarté.

12. En dernier lieu, aux termes du 1er alinéa de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) "

13. M. A... soutient avoir établi le centre de sa vie privée et familiale en France en se prévalant de sa durée de séjour, de son activité salariée, d'une promesse d'embauche pour exercer le métier de maçon carreleur et de la circonstance que ses deux parents sont décédés et qu'il n'a plus de lien avec son frère résidant au Cameroun. Toutefois, il n'est pas établi que M. A... aurait une résidence continue en France depuis 2005 et il ne conteste pas être célibataire sans enfant en France alors que ses trois enfants majeurs résident au Cameroun où il a vécu jusqu'à l'âge de 43 ans. Dès lors, les moyens tirés d'une méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressé au préfet du Val-d'Oise.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M.Albertini, président,

M. Pilven, président assesseur,

Mme Florent, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.

Le rapporteur,

J-E. PILVENLe président,

P-L. ALBERTINILa greffière,

F. PETIT-GALLAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 23VE00823002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE00823
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Jean-Edmond PILVEN
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : FINELTAIN ASSARAF

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;23ve00823 ?
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