Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme H... E... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 14 mars 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 2205472 du 17 juillet 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 16 août 2023, Mme E... épouse C..., représentée par Me Biju-Duval, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale à raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête de Mme E... épouse C... a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur,
- les conclusions de Mme Jayer, rapporteure publique,
- et les observations de Me Biju-Duval, avocat de Mme E... épouse C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... épouse C..., ressortissante malienne, née le 24 avril 1991 et entrée en France le 29 septembre 2013, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour valant titre de séjour en qualité d'étudiante, a sollicité, le 8 octobre 2021, son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 14 mars 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office à l'expiration de ce délai. Mme E... épouse C... fait appel du jugement du 17 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Par l'arrêté contesté du 14 mars 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme D... épouse C... aux motifs notamment que " l'intéressée, mariée le 29 août 2020 à un ressortissant malien titulaire d'un titre de séjour valide jusqu'au 2 août 2022, un enfant mineur [étant] issu de cette union, ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile puisqu'elle n'établit pas qu'elle ne pourrait pas reconstituer sans son pays d'origine, le Mali, la cellule familiale qu'elle forme avec son époux et son enfant, qui n'ont pas le statut de réfugié ", qu'elle " est susceptible, si son époux en fait la demande, de pouvoir bénéficier de la procédure du regroupement familial ", qu'" aucun motif d'ordre privé ou familial ne s'oppose donc à ce qu'elle retourne dans son pays d'origine, dans l'attente du résultat de cette procédure " et que " l'intéressée qui a exercé des activités salariées à titre accessoire, sous le statut " étudiant ", ne peut prétendre à une admission exceptionnelle au titre du travail ".
4. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs pas contesté, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'ayant pas produit d'observations en appel, ni en première instance, que Mme D... épouse C... est entrée en France le 29 septembre 2013 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour valant titre de séjour en qualité d'étudiante, qui a été régulièrement renouvelé jusqu'au 28 mars 2017. De plus, l'intéressée a obtenu, au titre de l'année universitaire 2015-2016, un diplôme de master de droit, économie, gestion, mention " finance, contrôle et comptabilité ", spécialité " comptabilité, contrôle, audit " et démontre avoir exercé entre 2014 et 2017 plusieurs activités professionnelles. Elle a également obtenu la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour portant la mention " étudiante en recherche d'emploi " valable du 26 janvier 2017 au 29 septembre 2017 et a souscrit, le 8 septembre 2017, un contrat de professionnalisation auprès d'une société d'experts-comptables qui n'a cependant pas donné suite à ses engagements. Par ailleurs, après la perte d'un premier enfant au mois de septembre 2018, la requérante s'est mariée le 29 août 2020 avec un compatriote, M. G... C..., en situation régulière au regard du séjour, travaillant en qualité d'employé de banque depuis le mois d'octobre 2017, en dernier lieu sous contrat à durée indéterminée, et avec lequel elle a eu deux enfants, B..., né le 10 septembre 2020, et Ibrahim, né le 14 octobre 2021. A la date de la décision attaquée, soit le 14 mars 2022, la requérante justifie également d'une vie commune avec son époux depuis leur mariage, d'abord au domicile de la mère de M. C..., puis dans leur propre logement à compter du mois de février 2022. Au surplus, le couple a eu un troisième enfant, la jeune A..., née le 18 mars 2023. Enfin, il ressort des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs pas contesté que réside en France la mère de la requérante, Mme F..., titulaire d'une carte de résident, qui souffre de plusieurs pathologies, notamment d'une cardiopathie vulvaire, et qui atteste qu'elle-même et sa fille n'ont plus de relation avec le père de celle-ci. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances particulières de l'espèce, notamment de la durée et des conditions du séjour en France de Mme E... épouse C... et des liens personnels et familiaux dont elle peut se prévaloir sur le territoire et alors même que l'intéressée peut bénéficier du regroupement familial, le préfet de la Seine-Saint-Denis, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, a porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette mesure a été prise, en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, Mme E... épouse C... est fondée, pour ce motif, à demander l'annulation de cette décision portant refus de titre de séjour et, par voie de conséquence, celle de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination.
5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de de la requête, que Mme D... épouse C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 mars 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ".
7. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 4, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la Seine-Saint-Denis délivre à Mme D... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder à la délivrance de ce titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme E... épouse C... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2205472 du 17 juillet 2023 du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 14 mars 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à Mme D... épouse C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme E... épouse C..., la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme E... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... E... épouse C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 14 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. d'Haëm, président,
- Mme d'Argenlieu, première conseillère,
- Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.
Le président-rapporteur,
R. d'HAËML'assesseure la plus ancienne,
L. d'ARGENLIEULa greffière,
E. TORDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA03724