La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/12/2023 | FRANCE | N°23LY01062

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 21 décembre 2023, 23LY01062


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.



Par un jugement n° 2207087 du 28 février 2023, le tribunal administratif de Grenoble a admis M. B... au b

néfice de l'aide juridictionnelle provisoire (article 1er) et a rejeté le surplus de sa demande (artic...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2207087 du 28 février 2023, le tribunal administratif de Grenoble a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire (article 1er) et a rejeté le surplus de sa demande (article 2).

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 27 mars 2023, M. B..., représenté par la SARL Novas Avocats, demande à la cour :

1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement ;

3°) d'annuler cet arrêté ;

4°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'une semaine, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de supprimer toute mention le concernant du fichier Schengen ;

6°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à la SARL Novas Avocats en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est entachée d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour qui l'a privé d'une garantie ;

- elle méconnaît le 4° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

- elle est illégale du fait de l'illégalité des décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire français ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation et la durée de trois ans est disproportionnée.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mai 2023.

Par courrier du 13 novembre 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7-3 du code de justice administrative, que la cour était susceptible d'enjoindre d'office au préfet de réexaminer la demande de titre de séjour de M. B... dans un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 novembre 2023, le préfet de l'Isère conclut au rejet de la requête et à ce qu'il ne soit pas prononcé d'office une injonction.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Porée, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., de nationalité algérienne et né le 10 février 1990, déclare être entré sur le territoire français le 22 juin 2015. Il a eu, avec une ressortissante française, une fille, C..., qui est née le 3 décembre 2020. M. B... a demandé, le 22 juillet 2021, la délivrance d'un certificat de résidence algérien en tant que parent d'un enfant français mineur. Par un arrêté du 12 octobre 2022, le préfet de l'Isère a rejeté la demande de titre de séjour de M. B..., lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans. M. B... relève appel du jugement du 28 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. M. B... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mai 2023, il n'y a plus lieu pour la cour de se prononcer sur sa demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 4°) au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. Lorsque la qualité d'ascendant direct d'un enfant français résulte d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à la naissance, le certificat de résidence d'un an n'est délivré au ressortissant algérien que s'il subvient à ses besoins depuis sa naissance ou depuis au moins un an. ". Les stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne privent pas l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence d'un an lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.

4. D'une part, aux termes de l'article 371-1 du code civil : " L'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant. Elle appartient aux parents (...) ". Aux termes de l'article 372 de ce code : " Les père et mère exercent en commun l'autorité parentale. (...) ". En outre, il résulte des stipulations précitées du 4° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 que le respect de la condition qu'elles posent tenant à l'exercice même partiel de l'autorité parentale n'est pas subordonné à la vérification de l'effectivité de l'exercice de cette autorité.

5. Il ressort du livret de famille produit que M. B... a reconnu sa fille le 17 septembre 2020, avant sa naissance. M. B... est titulaire de l'autorité parentale à l'égard de sa fille en tant que père et en l'absence de tout élément au dossier tendant à démontrer qu'il aurait perdu cette autorité parentale.

6. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que la fille mineure de M. B... est de nationalité française et réside en France.

7. Il résulte de ce qui précède que M. B... remplit les conditions pour obtenir un titre de séjour sur le fondement des stipulations précitées du 4° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, sous réserve de l'absence de menace à l'ordre public. Le préfet de l'Isère a opposé dans sa décision de refus de titre de séjour la circonstance que la présence en France de M. B... constitue une menace pour l'ordre public.

8. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance (...) ". Aux termes de l'article L. 432-14 du même code : " La commission du titre de séjour est composée : 1° D'un maire ou de son suppléant désignés par le président de l'association des maires du département ou, lorsqu'il y a plusieurs associations de maires dans le département, par le préfet en concertation avec celles-ci et, à Paris, du maire, d'un maire d'arrondissement ou d'un conseiller d'arrondissement ou de leur suppléant désigné par le Conseil de Paris ; 2° De deux personnalités qualifiées désignées par le préfet ou, à Paris, par le préfet de police. Le président de la commission du titre de séjour est désigné, parmi ses membres, par le préfet ou, à Paris, par le préfet de police. (...) ".

9. Ces articles L. 432-13 et L. 432-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile s'appliquent aux ressortissants algériens dont la situation est examinée sur le fondement du 4° de l'article 6 de l'accord franco-algérien régissant, comme l'article L. 423-7 dudit code, de portée équivalente en dépit des différences tenant au détail des conditions requises, la délivrance de plein droit du titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " aux parents d'un enfant français mineur résidant en France. Si le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues par ces textes auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui s'en prévalent, la circonstance que la présence de l'étranger constituerait une menace à l'ordre public ne le dispense pas de son obligation de saisine de la commission.

10. D'autre part, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

11. Le préfet de l'Isère n'a pas saisi la commission du titre de séjour préalablement à sa décision de refus de titre de séjour, alors qu'il y était tenu dès lors que M. B... remplit les conditions prévues par le 4° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, et ce quand bien même il a considéré que la présence de M. B... constituait une menace à l'ordre public. La consultation de la commission du titre de séjour constitue une garantie pour les étrangers qui remplissent effectivement les conditions pour bénéficier de la délivrance d'un titre de séjour mentionné au 4° de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Par suite, M. B..., qui a été privé d'une garantie, est fondé à demander l'annulation, pour vice de procédure, du refus de titre de séjour qui lui a été opposé par le préfet de l'Isère, ainsi que, par voie de conséquence, des autres décisions contenues dans l'arrêté du 12 octobre 2022.

12. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les injonctions :

13. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ". Aux termes de l'article L. 911-2 de ce code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision. ". Aux termes de l'article R. 611-7-3 du même code : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'impliquer le prononcé d'office d'une injonction, assortie le cas échéant d'une astreinte, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations. "

14. En premier lieu, le présent arrêt implique nécessairement, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, qu'après remise d'une autorisation provisoire de séjour, le préfet de l'Isère réexamine la demande de titre de séjour de M. B..., après avoir consulté la commission du titre de séjour. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de l'Isère de réexaminer la demande de titre de séjour de M. B... dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, après remise sans délai d'une autorisation provisoire de séjour.

15. En second lieu, le présent arrêt implique nécessairement, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, que le préfet de l'Isère supprime le signalement de M. B... aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen en application de l'interdiction de retour sur le territoire français. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de l'Isère de supprimer sans délai le signalement de M. B... aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.

Sur les frais liés au litige :

16. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SARL Novas Avocats, avocate de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à la SARL Novas Avocats de la somme de 1 000 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Grenoble n° 2207087 du 28 février 2023 et l'arrêté du préfet de l'Isère du 12 octobre 2022 sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Isère de réexaminer la demande de titre de séjour de M. B... dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, après remise sans délai d'une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : Il est enjoint au préfet de l'Isère de supprimer sans délai le signalement de M. B... aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen en application de l'interdiction de retour sur le territoire français.

Article 5 : L'État versera à la SARL Novas Avocats une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que la SARL Novas Avocats renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère et au procureur de la république près le tribunal judiciaire de Grenoble, en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.

Délibéré après l'audience du 30 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Courbon, présidente de la formation de jugement,

M. Laval, premier conseiller,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2023.

Le rapporteur,

A. Porée

La présidente,

A. Courbon

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY01062


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01062
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-02 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour. - Procédure.


Composition du Tribunal
Président : Mme COURBON
Rapporteur ?: M. Arnaud POREE
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : SARL NOVAS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;23ly01062 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award