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21/12/2023 | FRANCE | N°22PA03322

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 21 décembre 2023, 22PA03322


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 18 mai 2021 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office à l'expiration de ce délai.



Par un jugement n° 2124908 du 29 mars 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 18 mai 2021 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2124908 du 29 mars 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le 19 juillet 2022, le 26 septembre 2022 et le 8 décembre 2023, Mme B..., représentée par Me Ka, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 425-9 ou L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai de dix jours à compter de cet arrêt à intervenir, sous la même astreinte, et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation ;

- il a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que le rapport médical au vu duquel l'avis du 25 mars 2021 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ne mentionne pas le jugement d'annulation n° 1908952 du 24 septembre 2019 du tribunal administratif de Paris, ce qui a eu une influence sur cet avis et la décision prise par le préfet ;

- il a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que la commission du titre de séjour n'a pas été saisie préalablement de son cas ;

- il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle ne pourrait pas bénéficier effectivement des traitements appropriés à ses pathologies ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 avril 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Par une décision du 8 juin 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris, Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 19 décembre 2023, présentée pour Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante congolaise (République démocratique du Congo), née le 15 août 1956, est entrée en France, selon ses déclarations, le 6 janvier 2013. A la suite d'un jugement du 24 septembre 2019 du tribunal administratif de Paris annulant un précédent refus de titre de séjour pris sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable, l'intéressée s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire, valable du 17 décembre 2019 au 16 décembre 2020. Le 16 octobre 2020, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Au vu d'un avis du 25 mars 2021 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et par un arrêté du 18 mai 2021, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office à l'expiration de ce délai. Mme B... fait appel du jugement du 29 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, l'arrêté attaqué portant refus de renouvellement de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination comporte les considérations de droit et de fait qui fondent ces trois décisions, et est, par suite, suffisamment motivé.

3. En deuxième lieu, la seule circonstance que le rapport médical au vu duquel l'avis du 25 mars 2021 du collège de médecins de l'OFII ne mentionne pas le jugement n° 1908952 du 24 septembre 2019 du tribunal administratif de Paris, annulant un précédent refus de titre de séjour en qualité d'étranger malade opposé, le 21 janvier 2019, à Mme B..., est sans incidence sur la régularité de la procédure d'examen de la demande de l'intéressée tendant au renouvellement de son titre de séjour qui lui a été délivré à la suite de cette annulation et valable du 17 décembre 2019 au 16 décembre 2020, le collège de médecins de l'OFII et le préfet devant se prononcer, en tout état de cause, au vu de l'état de santé de la requérante prévalant à la date de leur avis ou décision. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure dont serait entaché de ce chef l'arrêté attaqué ne peut qu'être écarté.

4. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle et familiale de Mme B... avant de prendre à son encontre l'arrêté contesté. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entaché de ce chef cet arrêté doit être écarté.

5. En quatrième lieu, le moyen tiré de ce que l'arrêté aurait été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que la commission du titre de séjour n'a pas été saisie préalablement du cas de Mme B..., n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier la portée ou le bien-fondé.

6. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

7. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.

8. Pour refuser de renouveler le titre de séjour en qualité d'étranger malade de Mme B..., le préfet de police s'est fondé, notamment, sur l'avis du 25 mars 2021 du collège de médecins de l'OFII, lequel a estimé que si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en République démocratique du Congo, y bénéficier d'un traitement approprié.

9. Il est constant que l'état de santé de Mme B..., qui souffre de plusieurs pathologies, notamment d'un diabète, d'un glaucome bilatéral, d'une hypertension artérielle, d'une insuffisance rénale et d'un syndrome d'apnées obstructives du sommeil (SAOS), nécessite une prise en charge médicale, impliquant le suivi par différents spécialistes et un traitement médicamenteux comprenant, en particulier, de l'insuline et des antidiabétiques, des anti-glaucomateux, des bêtabloquants ou antihypertenseurs, des hypolipémiants, des antigoutteux, de l'érythropoïétine, de la vitamine D, un anxiolytique, un antiacide ainsi qu'un appareillage pour son SAOS, dont le défaut pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Pour contester l'appréciation du collège de médecins de l'OFII, la requérante soutient que tout ou partie des médicaments qui lui sont prescrits en France ne sont pas disponibles en RDC, notamment, en dernier lieu, les médicaments Cosidime, Alphagan et Lumigan, soit des anti-glaucomateux, le Celiprolol, un bêtabloquant, et l'Irbesartan, un antihypertenseur, le Repaglinide, un antidiabétique oral, ainsi que le Mercera, un antianémique. Elle produit également plusieurs courriels de l'entreprise pharmaceutique Biogaran indiquant que certains des médicaments qui lui sont prescrits ne sont pas commercialisés en RDC ainsi qu'un courrier du 11 septembre 2021 d'un médecin congolais affirmant que la plupart de ces médicaments ne sont pas disponibles dans ce pays. Toutefois, il ressort du courriel du 3 juin 2021 de l'entreprise pharmaceutique Biogaran, produit par la requérante, que l'Irbesartan est commercialisé en RDC. En outre, il ressort de la liste nationale des médicaments essentiels établie au mois d'octobre 2020 par le ministère de la santé de la RDC, versée en première instance par le préfet de police qui s'en est prévalu, soit que les médicaments prescrits en France à Mme B... figurent sur cette liste et sont donc disponibles en RDC, contredisant utilement le courrier du 11 septembre 2021 susmentionné, tels que le Bisoprolol, un bêtabloquant, le Rosuvastatine, un hypolipémiant, le Metformine, un antidiabétique, le Levothyroxine, une hormone thyroïdienne, l'Oméprazole, un antisécrétoire gastrique, ou encore l'Alprazolam, un anxiolytique, soit que cette liste, sans mentionner certains des médicaments prescrits en France à l'intéressée, comporte des médicaments ayant les mêmes substances ou les mêmes propriétés. Sur ce dernier point, il ressort de cette liste et il n'est pas sérieusement contesté par la requérante que sont disponibles en RDC plusieurs insulines et antidiabétiques, des miotiques ou anti-glaucomes, des bêtabloquants ou antihypertenseurs, des hypolipémiants, des antigoutteux, de l'érythropoïétine, de la vitamine D ou encore d'autres antiacides. A cet égard, aucun des documents d'ordre médical produits par la requérante, émanant en particulier des spécialistes qui la suivent en France, ne fait état de ce que ces différents médicaments ne seraient pas appropriés aux différentes pathologies de Mme B.... En outre, aucun de ces documents ne permet d'établir ou ne fait état de ce que l'intéressée ne pourrait pas disposer dans son pays d'origine d'un appareillage adapté au traitement du syndrome d'apnée du sommeil. Par ailleurs, ni les données générales fournies par la requérante sur le système de santé et les offres de soins prévalant en RDC, ni les informations qu'elle fournit sur la fréquence des interruptions de l'alimentation électrique dans ce pays ou à Kinshasa ne permettent davantage d'établir que Mme B... ne pourrait pas bénéficier effectivement du suivi et des traitements que nécessite son état de santé. Enfin, la requérante ne livre aucune précision suffisante, ni aucun élément probant sur le coût d'une prise en charge médicale en RDC appropriée à ses pathologies, ni sur ses propres ressources ou sur celles des membres de sa famille résidant dans ce pays, sur lesquelles elle ne fournit aucune indication. Dans ces conditions et en l'absence de tout autre élément précis et objectif de nature à démontrer que Mme B... ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié à ses pathologies en RDC, le préfet de police, en se fondant sur l'avis émis le 25 mars 2021 du collège de médecins de l'OFII et en refusant de renouveler son titre de séjour pour raison de santé, n'a commis aucune erreur d'appréciation de la situation de l'intéressée au regard des dispositions précitées.

10. Enfin, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celui tiré de ce que la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, ne sont pas assortis des précisions permettant d'en apprécier la portée ou le bien-fondé.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre des frais de l'instance ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. d'Haëm, président,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère,

- Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.

Le président-rapporteur,

R. d'HAËML'assesseure la plus ancienne,

L. d'ARGENLIEULa greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA03322


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03322
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. D’HAEM
Rapporteur ?: M. Rudolph D’HAEM
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : KA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;22pa03322 ?
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