La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/12/2023 | FRANCE | N°21TL03596

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 21 décembre 2023, 21TL03596


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 21 juin 2019 par lequel le maire de Gordes a refusé de lui délivrer un permis de construire modificatif, ensemble la décision du 9 septembre 2019 rejetant son recours gracieux.



Par un jugement n° 1903341 du 15 juin 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée

le 22 août 2021 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le numéro 21MA03596 puis au greffe de la cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 21 juin 2019 par lequel le maire de Gordes a refusé de lui délivrer un permis de construire modificatif, ensemble la décision du 9 septembre 2019 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1903341 du 15 juin 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 août 2021 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le numéro 21MA03596 puis au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le numéro 21TL03596, M. B..., représenté par la SCP Anslex avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 juin 2019 du maire de Gordes, ensemble la décision du 9 septembre 2019 rejetant son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au maire de lui délivrer le permis de construire sollicité dans un délai de cinq jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Gordes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le jugement est entaché d'un défaut de signature au regard des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- le jugement est insuffisamment motivé sur le moyen tiré de la compétence liée ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- l'arrêté de refus méconnaît les dispositions des articles R. 111-17 et L. 422-5 du code de l'urbanisme alors que l'avis conforme favorable du préfet liait le maire et confirme le respect par le projet de la règlementation d'urbanisme applicable ;

- le motif selon lequel les plans produits ne correspondent pas à la réalité du terrain est erroné ;

- l'arrêté méconnaît l'article R. 111-19 du code de l'urbanisme, qui autorise des dérogations à l'article R. 111-17 du code de l'urbanisme, en ce que la différence de hauteur constatée est infime et sans incidence sur l'insertion de l'immeuble dans l'habitat voisin.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2023, la commune de Gordes, représentée par Me Avril, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable pour tardiveté ;

- aucun moyen soulevé dans la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 24 juillet 2023, la clôture de l'instruction a été fixée le 29 août 2023 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Haïli, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,

- et les observations de Me Rose, représentant l'appelant.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 30 juillet 2014, le maire de Gordes (Vaucluse) a délivré à M. B... un permis de construire une maison d'habitation en R+1 sur un terrain situé chemin des Michellons, lieudit Les Martins, cadastré section .... Par des arrêtés des 7 juillet 2015 et 1er février 2018, cette même autorité lui a délivré deux permis de construire modificatifs. Le 23 avril 2019, M. B... a déposé une troisième demande de permis de construire modificatif. Par un arrêté du 21 juin 2019, le maire de Gordes, dont le territoire est régi par le règlement national d'urbanisme, a refusé de lui délivrer cette autorisation d'urbanisme. M. B... relève appel du jugement susvisé du 15 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté et de la décision rejetant son recours gracieux.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. En l'espèce, il ressort du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué a été signée par le président de la formation de jugement, le magistrat rapporteur et la greffière conformément à ces dispositions. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée à l'appelant ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement. Par suite, le moyen tiré du défaut de signature du jugement doit être écarté.

4. En second lieu, il ressort du point 3 du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments des parties, ont expressément répondu au moyen tiré de ce que le maire de Gordes était tenu de lui délivrer le permis de construire modificatif sollicité puisque le préfet de Vaucluse, après avoir examiné la conformité de son projet au règlement national d'urbanisme, avait émis un avis conforme favorable. Par suite, le jugement attaqué n'est pas entaché d'une insuffisante motivation sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. Il résulte des pièces du dossier, en particulier du formulaire de demande de permis de construire déposé le 23 avril 2019, que les modifications envisagées par M. B... sur une construction existante portaient sur la pose de volets bois habillant les fenêtres, la réalisation d'un auvent sur la façade sud prolongé par une tonnelle, la pose d'enduits sur les façades couvertes par les auvents ainsi que l'habillage de l'enrochement sur les parties nord et sud. Pour refuser d'accorder le permis de construire modificatif n° 3, le maire de Gordes s'est fondé dans l'arrêté en litige, d'une part sur le motif tiré de ce que " le terrain a été rehaussé et a fait l'objet d'un enrochement sans autorisation faussant ainsi les hauteurs du bâtiment par rapport au terrain naturel, (...) parmi les nombreuses modifications demandées la modification de la hauteur de la construction par rapport à la hauteur accordée dans le permis initial n'apparait pas (...) ". D'autre part, le maire de Gordes a relevé que " le permis initial proposait une hauteur/TN de 7 mètres au pignon Est et de 8 mètres au pignon Ouest alors que l'état des lieux indique une hauteur/TN de 9 mètres au pignon Est et de 9,60 mètres au pignon Ouest " et s'est fondé, pour prendre ledit arrêté, sur le motif pris de ce que les hauteurs constatées sont incompatibles avec les dispositions de l'article R. 111-17 du code de l'urbanisme.

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme : " Lorsque le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale est compétent, il recueille l'avis conforme du préfet si le projet est situé : / a) Sur une partie du territoire communal non couverte par une carte communale, un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu ; / (...) ".

7. Si, en application de ces dispositions, le maire a compétence liée pour refuser un permis de construire en cas d'avis défavorable du préfet, il n'est en revanche pas tenu de suivre un avis favorable de ce même préfet et peut, lorsqu'il estime disposer d'un motif légal de le faire au titre d'autres dispositions que celles ayant donné lieu à cet avis, refuser d'accorder le permis de construire sollicité. En l'espèce, si l'avis conforme rendu par le préfet de Vaucluse est fondé sur les dispositions de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme relatives à la règle de constructibilité limitée, il est constant que l'arrêté en litige est fondé, notamment, sur les dispositions de l'article R. 111-7 du code de l'urbanisme. Dès lors, le moyen tiré de ce que le maire aurait été en situation de compétence liée pour délivrer le permis modificatif sollicité compte-tenu de l'avis favorable au projet de M. B... rendu par le préfet de Vaucluse le 14 mai 2019 doit être écarté.

8. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 111-17 du code de l'urbanisme : " A moins que le bâtiment à construire ne jouxte la limite parcellaire, la distance comptée horizontalement de tout point de ce bâtiment au point de la limite parcellaire qui en est le plus rapproché doit être au moins égale à la moitié de la différence d'altitude entre ces deux points, sans pouvoir être inférieure à trois mètres ". Il résulte de ces dispositions que tout point de la façade, y compris au niveau de balcons en saillie, doit respecter une distance minimale par rapport à la limite séparative correspondant à la moitié de la hauteur de la façade, mesurée à l'égout du toit ou, dans le cas d'un mur pignon, au sommet de ce dernier, avec un minimum de trois mètres. Pour déterminer le niveau du sol à partir duquel la hauteur de la construction projetée doit être mesurée, il convient de mesurer la hauteur des constructions projetées à partir du niveau du sol existant avant tous travaux d'exhaussement ou d'excavation exécutés en vue de la réalisation du projet faisant l'objet d'une demande de permis de construire et que le dossier de la demande doit contenir les éléments utiles à cette exacte mesure.

9. D'autre part, lorsqu'une construction a été édifiée sans respecter la déclaration préalable déposée ou le permis de construire obtenu ou a fait l'objet de transformations sans les autorisations d'urbanisme requises, il appartient au propriétaire qui envisage d'y faire de nouveaux travaux de présenter une demande d'autorisation d'urbanisme portant sur l'ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu'il avait été initialement approuvé.

10. Ainsi qu'il a été dit au point 5 du présent arrêt, pour refuser la demande de permis de construire sollicité par l'appelant, le maire de Gordes s'est fondé sur le motif pris de ce que, alors que la hauteur de la construction ne respecte pas celle prévue par le permis initial, la demande de permis modificatif n° 3 ne porte pas sur la régularisation de cette hauteur. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du procès-verbal de constatation établi le 11 mai 2019 par un agent de police judiciaire, dans le cadre d'un contrôle d'urbanisme, que le terrain naturel de la parcelle d'assiette du projet en litige a subi un rehaussement non autorisé et que la hauteur de la construction réalisée ne correspond pas à celle autorisée par le permis de construire initial accordé le 30 juillet 2014 à M. B.... Alors que l'appelant n'apporte aucun élément probant infirmant ces constatations d'infraction et se borne à soutenir sans autre précision que " la hauteur de 8,32 mètres résulte du permis de construire primitif délivré le 30 juillet 2014 ", il ressort en outre des pièces du dossier que les mesures effectuées par un géomètre dans le dossier de demande de permis de construire reposent sur la hauteur du terrain naturel existant au jour de la demande de permis modificatif n° 3, et non au niveau du sol naturel dans son état antérieur aux travaux entrepris pour la réalisation du projet de construction objet du permis de construire. Par suite, et en l'absence de moyen de contestation précisément articulé, le maire de Gordes a pu légalement fonder l'arrêté en litige sur la circonstance tenant à l'absence de régularisation de la modification de la hauteur de la construction dans la demande de permis de construire modificatif n° 3 déposée par l'intéressé.

11. Par ailleurs, en l'absence de donnée probante sur le niveau du sol existant avant tous travaux d'exhaussement ou d'excavation exécutés en vue de la réalisation du projet, le dossier de la demande de permis de construire du pétitionnaire ne peut être regardé comme contenant les éléments utiles à l'exacte appréciation par le service instructeur de la hauteur de la construction à prendre en compte pour s'assurer du respect des dispositions de l'article R. 111-17 du code de l'urbanisme. Toutefois, il résulte de l'instruction que le maire de Gordes aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur le seul motif exposé au point précédent.

12. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 111-19 du code de l'urbanisme : " Des dérogations aux règles édictées aux articles R. 111-15 à R. 111-18 peuvent être accordées par décision motivée de l'autorité compétente mentionnée aux articles L. 422-1 à L. 422-3, après avis du maire de la commune lorsque celui-ci n'est pas l'autorité compétente. En outre, le préfet peut, après avis du maire, apporter des aménagements aux règles prescrites aux articles R. 111-15 à R. 111-18, sur les territoires où l'établissement de plans locaux d'urbanisme a été prescrit, mais où ces plans n'ont pas encore été approuvés. ". Il résulte de ces dispositions qu'une dérogation peut être légalement autorisée si les atteintes qu'elle porte à l'intérêt général que les prescriptions d'urbanisme ont pour objet de protéger ne sont pas excessives eu égard à l'intérêt général que présente cette dérogation.

13. Ces dispositions ne permettent pas de déroger à l'obligation qui s'imposait au requérant pétitionnaire de solliciter la régularisation de la modification de la hauteur de la construction dans le cadre de sa demande portant sur cette construction. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-19 du code de l'urbanisme doit être écarté.

14. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que l'appelant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction ne peuvent être que rejetées.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Gordes qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que l'appelant demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de M. B... le versement d'une somme de 1500 euros au profit de la commune intimée.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera la somme de 1 500 euros à la commune de Gordes en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Gordes.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.

Le président-assesseur,

X. Haïli

Le président,

D. ChabertLa greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne à la préfète de Vaucluse en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°21TL03596


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL03596
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Xavier HAÏLI
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : ANSLAW AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;21tl03596 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award