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21/12/2023 | FRANCE | N°21BX03662

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 21 décembre 2023, 21BX03662


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



L'association Eco-Union et la société coopérative d'intérêt collectif Orchis Ingénierie ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 7 juin 2019 de l'agence Erasmus + France regardant comme non éligibles, à hauteur de 11 625 euros, les dépenses d'apprentissage déclarées par la société Orchis, et à hauteur de 19 375 euros les dépenses déclarées par l'association Eco-Union, le titre exécutoire émis le même jour pa

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Eco-Union et la société coopérative d'intérêt collectif Orchis Ingénierie ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 7 juin 2019 de l'agence Erasmus + France regardant comme non éligibles, à hauteur de 11 625 euros, les dépenses d'apprentissage déclarées par la société Orchis, et à hauteur de 19 375 euros les dépenses déclarées par l'association Eco-Union, le titre exécutoire émis le même jour par l'agence Erasmus + France à l'encontre de la société Orchis en recouvrement d'une somme de 3 957,35 euros et la décision du 15 juillet 2019 rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1904978 du 12 juillet 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 10 septembre 2021 et le 15 décembre 2022, l'association Eco-Union, représentée par la SCP CGCB et associés, agissant par Me Gauci, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 juillet 2021 ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'agence Erasmus + France une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle dispose d'un intérêt à agir en tant que bénéficiaire des subventions ; elle a également intérêt à agir à l'encontre du refus d'éligibilité des dépenses d'apprentissage de la société Orchis Ingénierie car celle-ci était coordinatrice du groupement ; c'est en cette qualité que le titre exécutoire a été émis à l'encontre de la société Orchis Ingénierie ;

- son président a qualité pour agir en son nom, tant en vertu de l'article 26 de ses statuts que d'une délibération de son assemblée générale en date du 20 septembre 2019 ;

- les notions d' " apprenant " et de " lien formel " ne sont définis ni par la convention, ni par le règlement du 11 décembre 2013 et doivent faire l'objet d'une interprétation large ; aucune date d'adhésion n'est fixée, et la preuve du lien est libre ;

- la signature numérisée ou encore la production tardive des documents ne les prive pas de tout caractère authentique; l'association accepte les signatures dématérialisées de la part de ses adhérents lorsqu'elles sont accompagnées d'informations personnelles ou de la carte d'identité ;

- l'ensemble des participants à la formation par l'intermédiaire de la société Orchis Ingénierie sont adhérents de l'association Cité Habitat Environnement, elle-même sociétaire de la coopérative ;

- la circonstance que les participants aient des profils divers ne saurait remettre en cause le lien formel ainsi décrit ;

- les participants à la formation par l'intermédiaire de l'association Eco-Union sont des membres à but éducatif de l'association, qui peuvent ainsi accéder gratuitement aux services éducatifs, par la signature d'un " agreement of rights, responsability and membership " ;

- l'association ne saurait être tenue pour responsable des explications du chargé de projet de la société Orchis ingénierie ;

- ses statuts lui permettent de certifier l'adhésion de ses membres ; les attestations ne sont produites que pour corroborer les accords conclus en 2017 et 2018 ;

- les documents d'adhésion ont été conclus avant la formation et couvrent l'ensemble de la période de formation.

Par des mémoires en défense, enregistrés respectivement les 18 novembre 2022 et 5 janvier 2023, l'agence Erasmus + France Education Formation, représenté par la SELARL HMS Atlantique Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'association Eco-Union le versement d'une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable en l'absence de qualité pour agir du représentant de l'association Eco-Union ;

- l'association requérante n'a pas intérêt à agir à l'encontre de la décision du 7 juin 2019 en tant qu'elle concerne les dépenses d'apprentissage de la société Orchis Ingénierie, et le titre exécutoire du 11 juin 2019 ;

- les moyens invoqués par l'association requérante ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 10 janvier 2023 par une ordonnance du 15 décembre 2022.

L'agence Erasmus + France Education Formation a produit des pièces complémentaires enregistrées le 3 novembre 2023 en réponse à la demande de la Cour présentée en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 1288/2013 du 11 décembre 2013 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique, ont été entendus :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Duplan, rapporteur public,

- et les observations de Me Navarro, substituant Me Gauci, pour l'association Eco-Union et de Me Safar, substituant le cabinet HMS Atlantique Avocats, pour l'agence Erasmus + France Education Formation.

Considérant ce qui suit :

1. Le groupement d'intérêt public Agence Erasmus + France, qui assure la gestion et la promotion de programmes européens d'éducation et de formation, a conclu en septembre 2016 avec la société coopérative d'intérêt collectif Orchis Ingénierie une convention de subvention d'un montant maximum de 146 800 euros pour la réalisation d'un projet de l'agence ayant pour objectif de rassembler les professionnels des espaces verts et naturels en milieu urbain afin de générer un échange de pratiques au niveau local, national et européen. Outre la société Orchis Ingénierie, coordinateur du projet, étaient également parties à cette convention et co-bénéficiaires de la subvention trois associations, dont l'association de droit espagnol Eco-Union. Estimant, au vu des rapports transmis par la société Orchis Ingénierie, et des explications complémentaires fournies par celle-ci, que les conditions d'octroi de la subvention n'étaient que partiellement remplies, l'agence Erasmus + France a établi le 7 juin 2019 une lettre de clôture de la convention déclarant inéligibles les dépenses de la société Orchis à hauteur de 11 625 euros, et celles de l'association Eco-Union inéligibles à hauteur de 19 375 euros, au titre des frais de voyage et de séjour pour les activités d'apprentissage, d'enseignement et de formation. L'agence a en conséquence émis à l'encontre de la société Orchis un titre exécutoire pour avoir recouvrement d'une somme de 3 957,35 euros. Le recours gracieux présenté le 5 juin 2019 par la société Orchis ayant été rejeté par une décision du 15 juillet 2019, ladite société, conjointement avec l'association Eco-Union a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation de la décision du 7 juin 2019, du titre exécutoire du même jour et de la décision de rejet du recours gracieux. L'association Eco-Union relève seule appel du jugement du 12 juillet 2021 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la déclaration d'inéligibilité de certaines dépenses :

2. L'attribution d'une subvention par une personne publique crée des droits au profit de son bénéficiaire. Toutefois, de tels droits ne sont ainsi créés que dans la mesure où le bénéficiaire de la subvention respecte les conditions mises à son octroi, que ces conditions découlent des normes qui la régissent, qu'elles aient été fixées par la personne publique dans sa décision d'octroi, qu'elles aient fait l'objet d'une convention signée avec le bénéficiaire, ou encore qu'elles découlent implicitement mais nécessairement de l'objet même de la subvention.

3. Au I.2 " Calcul et documents justificatifs des contributions unitaires " de l'annexe III " Règles financières et contractuelles " de la convention de subvention, le a) du E " Activités d'apprentissage, d'enseignement et de formation " stipule que : " (...) - Dans tous les cas, les bénéficiaires doivent être en mesure de démontrer un lien formel avec toute personne prenant part aux activités d'apprentissage, d'enseignement ou de formation, qu'elles soient impliquées au sein du projet comme personnels (salarié, volontaire ou bénévole) ou comme apprenants. (Pour les partenariats de l'enseignement supérieur uniquement, les experts externes - personnels invités appartenant à des établissements d'enseignement supérieur non membres du partenariat, à des entreprises ou autres associations - peuvent également participer à des Programmes intensifs) ".

4. L'association requérante soutient que les participants au projet étaient des étudiants ayant adhéré en tant que " membres éducatifs ", et que ceux concernant la société Orchis Ingénierie étaient tous membres de l'association Cité Habitat Environnement, qui est sociétaire d'Orchis, et étaient en conséquence à ce titre également membres de droit de la société. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les participants aux sessions d'échanges à l'initiative de l'association Eco-Union ont conclu avec elle, quelques semaines avant le début de la session, un document intitulé " Agreement of Rights, Responsibility and Membership " qui régit les modalités de la formation et qui stipule que l'association devant démontrer un lien formel avec les participants, la signature de l'accord implique l'acceptation de devenir membre d'Eco-Union, au niveau de "membre-collaborateur éducatif" permettant notamment d'accéder à ses services éducatifs pour la période d'un an à partir de la signature de cet accord. Elle produit également un certificat d'adhésion des participants en date du 14 mars 2019 signé du président de l'association. Ces documents ne témoignent pas d'un lien préexistant et distinct de la participation au programme d'échange et ne permet pas de caractériser une relation de " personnel " ou " apprenant " entre l'association Eco-Union et les participants qu'elle a sélectionnés. Si l'association requérante a également produit des attestations des participants en date du 30 septembre 2019 qui précisent que ceux-ci ont pu, en leur qualité de membre de l'association, participer à des formations, des activités de bénévolat ou des groupes de discussion ou encore accéder à des conférences, ces attestations, établies pour les besoins de la cause, qui sont rédigées en des termes identiques pour les 25 participants et qui sont, pour la plupart, paraphées par la copie de la signature figurant sur l'" Agreement of Rights, Responsibility and Membership ", ne sont pas d'une valeur probante suffisante pour établir l'existence d'un " lien formel " au sens du I.2 de l'annexe III de la convention. Il en va de même, s'agissant des participants de la société Orchis Ingénierie, des seuls bulletins d'adhésion à l'association CHE. Par suite, l'association Eco-Union n'est pas fondée à soutenir que les sommes de 11 625 euros et de 19 375 euros correspondant aux frais de voyage et de séjour de ces participants auraient dû être déclarées éligibles par l'agence Erasmus + France.

Sur le titre exécutoire :

5. Aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation ". Il résulte de l'instruction que le titre exécutoire du 11 juin 2019 comportant les références 2016-1-FR01-KA202-023993 était joint à la décision du 7 juin 2019, laquelle renvoyait à lui et comportait les mêmes références ainsi que les bases et les éléments de calcul sur lesquels l'agence Erasmus + France se fondait pour mettre la somme en cause à la charge de la société Orchis Ingénierie. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance motivation du titre exécutoire doit être écarté.

6. Compte tenu de ce qui a été dit au point 4 de l'arrêt, l'association requérante n'est pas fondée à critiquer le bien-fondé de la créance de 3 957,35 euros réclamée à la société Orchis Ingénierie en sa qualité de coordinatrice du groupement de bénéficiaires de la subvention.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que l'association Eco-Union n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les frais de l'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'agence Erasmus + France, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'association Eco-Union demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'association Eco-Union une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'agence Erasmus + France et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'association Eco-Union est rejetée.

Article 2 : L'association Eco-Union versera à l'agence Erasmus + France une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Eco-Union et à l'agence Erasmus + France.

Délibéré après l'audience du 27 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Ghislaine Markarian, présidente,

M. Frédéric Faïck, président assesseur,

M. Julien Dufour, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2023.

Le rapporteur,

Julien A...

La présidente,

Ghislaine Markarian

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et à la ministre de l'enseignement supérieur en ce qui les concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21BX03662 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03662
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MARKARIAN
Rapporteur ?: M. Julien DUFOUR
Rapporteur public ?: M. DUPLAN
Avocat(s) : SELARL HMS ATLANTIQUE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;21bx03662 ?
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