Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 27 avril 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2202912 du 18 octobre 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 mars 2023 et le 12 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Laïfa puis par Me Oloumi, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 18 octobre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 avril 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " salarié ", " vie privée et familiale " ou " étudiant " dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de lui accorder, dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, un récépissé valant autorisation provisoire de séjour et l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée ;
- en refusant de lui délivrer le titre de séjour qu'il sollicitait, le préfet des Alpes-Maritimes a méconnu les dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- étant donné sa minorité, le préfet ne pouvait, sans méconnaitre la protection instaurée par les dispositions de l'article L. 611-3 du même code, l'obliger à quitter le territoire français ;
- le préfet a mal apprécié sa situation privée et personnelle ;
- et en outre, en ajoutant d'office dans le cadre de sa motivation, des motifs non invoqués par l'administration dans le contenu de l'acte attaqué, les juges de première instance ont dépassé leur office et entaché leur jugement d'erreur de droit ;
- le juge administratif a dénaturé les faits de l'espèce ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 janvier 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Renaud Thielé, président assesseur de la 6ème chambre pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant ivoirien né le 18 décembre 2003, a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance du département des Alpes-Maritimes par un jugement en assistance éducative du tribunal judiciaire de Nice du 17 novembre 2020. Le 31 décembre 2021, il a sollicité son admission au séjour. Par un arrêté du 27 avril 2022, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. M. A... a alors saisi le tribunal administratif de Nice d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par le jugement du 18 octobre 2022, le tribunal administratif a rejeté cette demande. M. A... relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ".
3. Pour refuser de délivrer à M. A..., un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées, le préfet des Alpes-Maritimes lui a opposé l'absence de suivi depuis plus de six mois d'une formation destinée à une qualification professionnelle. Or il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a suivi une formation en apprentissage dans le cadre du certificat d'aptitude professionnelle " menuisier fabricant " pour la période du 30 août 2021 au 28 août 2022, comme l'atteste le certificat de scolarité établi le 27 octobre 2021. Ainsi, c'est à tort que le 27 avril 2022, au moment où il a statué, le préfet des Alpes-Maritimes a considéré que M. A... ne justifiait pas du suivi d'une formation qualifiante depuis plus de six mois. Cette inexactitude matérielle a pu jouer un rôle dans l'appréciation portée par le préfet dans le cadre de l'exercice du pouvoir de régularisation qu'il retire des dispositions précitées de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Il résulte de ce qui précède que sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 27 avril 2022.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. L'article L. 911-1 du code de justice administrative dispose que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". L'article L. 911-2 du même code prévoit que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ". Aux termes de son article L. 911-3 : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ".
6. Eu égard au motif retenu par le présent arrêt et seul susceptible de l'être, l'exécution de cet arrêt implique seulement le réexamen de la situation de l'intéressé. Il y a lieu, en conséquence, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
7. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Oloumi, avocate de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Oloumi de la somme de 2 000 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2202912 du 18 octobre 2022 du tribunal administratif de Nice est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 27 avril 2022 du préfet des Alpes-Maritimes est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes d'instruire à nouveau la demande de M. A... et de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Oloumi la somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat dans l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à Me Laïfa et à Me Oloumi.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice.
Délibéré après l'audience du 11 décembre 2023, où siégeaient :
- M. Renaud Thielé, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Isabelle Gougot, première conseillère,
- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 décembre 2023.
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No 23MA00593