Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée Locaplus a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler le refus tacite opposé par la commune d'Ajaccio à son recours gracieux en date du 12 février 2020 tendant à l'annulation de la décision portant rejet de l'offre qu'elle avait présentée dans le cadre du marché public de fournitures pour l'acquisition de matériel et d'outillage de désherbage alternatif pour les besoins de son pôle " aménagement et entretien des espaces verts ", d'annuler la procédure de consultation de ce marché public et d'ordonner la reprise de la procédure au stade de l'analyse des offres.
Par un jugement n° 2000479 du 11 mai 2022, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 juillet 2022 et 6 juin 2023, la société Locaplus, représentée par Me Rechhi, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 11 mai 2022 ;
2 ) d'annuler le refus tacite opposé à son recours gracieux du 12 février 2020 ;
3°) d'annuler la procédure de consultation n° AV19/037 lancée par la commune d'Ajaccio en vue de l'attribution du marché public de fournitures portant sur l'acquisition de matériel et d'outillage de désherbage alternatif pour les besoins de son pôle " aménagement et entretien des espaces verts " ;
4°) d'ordonner la reprise de la procédure au stade de l'analyse des offres ;
5°) de mettre à la charge de la commune d'Ajaccio la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, elle a bien présenté un recours de pleine juridiction en contestation de la validité du contrat ;
- la procédure de passation est irrégulière dès lors que la procédure suivie n'a pas fait l'objet d'une publicité suffisante et que la réticence du pouvoir adjudicateur à lui adresser les documents communicables de la procédure obéit à la même logique de dissimulation ;
- la commune d'Ajaccio a manqué aux principes de transparence et d'égalité de traitement des candidats dans la mesure où ses besoins n'étaient pas suffisamment précis et ne lui ont pas permis de déposer une offre adaptée et que la commune a commis une erreur manifeste d'appréciation concernant le critère technique qui a directement conduit au rejet de l'offre qu'elle avait présentée ;
- sans l'imprécision des délais attendus de livraison, elle aurait eu une note plus élevée ;
- la commune a commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux critères qu'elle avait préalablement définis ; cette irrégularité l'a conduite à rejeter son offre du candidat ;
- la note qu'elle a obtenue sur les critères techniques de la qualité du matériel repose sur une erreur manifeste d'appréciation ;
- sans ces erreurs manifestes d'appréciation, elle aurait été attributaire du marché en cause.
Par un mémoire en défense, enregistrée le 27 avril 2023, la commune d'Ajaccio, représentée par Mes Matharan et Rossignol-Infante, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la société Locaplus la somme de 5 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la demande de première instance de la société Locaplus est irrecevable dès lors que sa requête ne contenait aucune conclusion tendant à la contestation de la validité du contrat et qu'elle était tardive faute d'introduction d'un véritable recours gracieux de nature à proroger les délais de recours contentieux ;
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Un courrier du 2 août 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Par ordonnance du 18 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée à sa date d'émission en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Renaud Thielé, président assesseur de la 6ème chambre pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure,
- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,
- et les observations de Me Kazouz, pour la commune d'Ajaccio.
Considérant ce qui suit :
1. Par un avis de marché publié le 26 juillet 2019, la commune d'Ajaccio a lancé une procédure adaptée ouverte en vue de l'attribution d'un marché public de fournitures portant sur l'acquisition de matériel et d'outillage de désherbage alternatif pour les besoins de son pôle " aménagement et entretien des espaces verts ". Par un courrier en date du 12 décembre 2019, le maire d'Ajaccio a informé la société Locaplus que sa proposition avait été classée en deuxième position et que le marché était attribué à la société Etablissements Padrona François. L'avis d'attribution du marché a été publié au Bulletin officiel des annonces de marchés publics le 19 décembre 2019. Le même jour, la société Locaplus a demandé que lui soient communiqués les détails du motif de rejet, " à savoir la valeur technique (type et marque de matériel) " de l'offre de l'entreprise attributaire. La commune d'Ajaccio lui a répondu, par courrier en date du 4 février 2020, qu'elle n'était pas susceptible de répondre favorablement à cette demande de communication. La société évincée a adressé le 12 février 2020 un recours gracieux à l'encontre de la décision de rejet de son offre, assorti d'une demande de communication de certaines pièces du marché. Du silence de la commune est née une décision implicite de rejet. La société Locaplus a alors saisi le tribunal administratif de Bastia d'une demande intitulée " recours de pleine juridiction en contestation de la validité d'un contrat " mais concluant à l'annulation de cette décision implicite de rejet, à l'annulation de la procédure de consultation de ce marché public et à ce qu'il soit ordonné la reprise de la procédure au stade de l'analyse des offres. Par le jugement du 11 mai 2022, le tribunal administratif a rejeté cette demande. La société Locaplus relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi. La légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer, ne peut être contestée qu'à l'occasion du recours ainsi défini.
3. Il résulte de l'instruction que l'avis d'attribution du marché a été publié au Bulletin officiel des annonces de marchés publics le 19 décembre 2019. Si la société Locaplus a, le 11 février 2020, adressé à la commune un document intitulé " recours gracieux ", elle se bornait, dans ce courrier, à solliciter la communication des pièces de la procédure de passation, en indiquant, sans plus de précision, que " la présente constitue un recours gracieux à la décision de rejet de l'offre ". Un tel courrier, qui ne sollicite à aucun moment le retrait du contrat attribué à la société Etablissements Padrona François, n'a pu, en tout état de cause, interrompre le délai de deux mois imparti aux tiers désirant engager une action en contestation de validité d'un contrat. Dès lors, la demande de la société Locaplus était tardive.
4. Il résulte de ce qui précède que la société Locaplus n'est pas fondée à se plaindre de ce que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande en raison de son irrecevabilité.
Sur les frais liés au litige :
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la société Locaplus dirigées contre la commune d'Ajaccio qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de la société Locaplus à ce titre.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Locaplus est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune d'Ajaccio tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Locaplus, à la commune d'Ajaccio et à la société Etablissements Padrona François.
Délibéré après l'audience du 11 décembre 2023, où siégeaient :
- M. Renaud Thielé, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Isabelle Gougot, première conseillère.
- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 décembre 2023.
2
No 22MA01906