Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 12 décembre 2019 par lequel le maire de la commune de Pleyben (Finistère) a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie.
Par un jugement n°2000427 du 22 octobre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour avant cassation :
Par une requête, enregistrée le 27 décembre 2021, Mme B..., représentée par Me Vérité, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 22 octobre 2021 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler la décision du maire de la commune de Pleyben du 12 décembre 2019 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme B... ;
3°) d'enjoindre à la commune de Pleyben de reconnaître, dans le délai de deux mois, l'imputabilité au service de la maladie de Mme B... et des congés maladie en découlant depuis le 1er septembre 2016 ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Pleyben la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'avis de la commission de réforme est irrégulier dès lors que la commission s'est fondée exclusivement sur l'avis défavorable de l'expert sollicité par l'administration et n'a pas tenu compte des autres éléments médicaux qu'elle avait produits ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation :
* c'est la décision de la commune de l'affecter au poste de " volante ", alors qu'elle était déjà affaiblie physiquement et moralement, qui a été l'élément traumatique déclenchant son syndrome anxio-dépressif ;
* la composante " sensitive " de sa personnalité ne saurait être considérée comme une circonstance particulière conduisant à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
Par une ordonnance n° 21NT03676 du 15 février 2022, le président de la 6ème chambre de la cour administrative de Nantes a rejeté la requête de Mme B... pour irrecevabilité manifeste en raison de sa tardiveté, sur le fondement des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.
Par une décision n°462765 du 17 mars 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'ordonnance du 15 février 2022 et a renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Nantes, où elle a été enregistrée sous le n° 23NT00772.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pons,
- les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Vérité représentant Mme B... et de Me Berkane pour la commune de Pleyben.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... a été recrutée par la commune de Pleyben, le 1er septembre 1992, en qualité d'agent d'entretien des écoles à temps non complet. Elle a été nommée agent d'entretien des écoles stagiaire à compter du 1er février 1996, puis titularisée au 1er février 1997 par un arrêté du 13 février 1997. A la suite de la refonte des cadres d'emplois, en 2005, elle a poursuivi son activité comme agent des services techniques et a été nommée le 1er janvier 2007 au grade d'adjoint technique territorial de 2ème classe à temps complet. Le 1er septembre 2016, elle a été placée en arrêt maladie en raison d'un syndrome dépressif. Mme B... a alors demandé la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie depuis le 17 août 2016. Par une décision du 12 décembre 2019, la commune de Pleyben a rejeté sa demande. Par un jugement du 22 octobre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Mme B... a fait appel de ce jugement et, par une ordonnance du 15 février 2022, le président de la 6ème chambre de la cour a rejeté sa requête pour irrecevabilité manifeste en raison de sa tardiveté, sur le fondement des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. Par une décision n°462765 du 17 mars 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'ordonnance du 15 février 2022 et a renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Nantes.
2. D'une part, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable à la date de la décision en litige, désormais codifié aux articles L. 822-6 à L. 822-17 du code général de la fonction publique : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. L'expert peut se voir confier une mission de médiation. Il peut également prendre l'initiative, avec l'accord des parties, d'une telle médiation ".
4. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a demandé à la commune de Pleyben de reconnaître sa maladie professionnelle. A la suite de la réception de cette demande, la commune a saisi la commission de réforme d'une demande d'avis et fait procéder à une expertise qui a eu lieu le 17 juillet 2019. Le médecin expert relève, à l'issue de son expertise, que : " [Mme B...] présente une personnalité pathologique, sensitive, qui amène à l'interprétation de certains évènements comme résultant d'intentions malveillantes, notamment dans le cadre professionnel. (...) Pas de lien direct et certain entre les fonctions de l'agent et la pathologie du fait de l'existence d'un état antérieur. ". La commission de réforme du 5 décembre 2019 conclut à l'absence de " lien direct et certain " entre les fonctions de l'intéressée et sa pathologie du fait de l'existence d'un état antérieur.
6. Mme B... produit une expertise médicale d'un psychiatre expert du 15 janvier 2020, diligentée à sa demande, qui conclut : " Après étude minutieuse du dossier de Madame A... B... et un long examen réalisé le 15 janvier 2020 à sa demande, il n'apparaît pas qu'une pathologie antérieure à l'arrêt du 17 août 2016 puisse être retenue. En aucun cas, les traits de personnalité (non constatés le 15 janvier 2020) ne suffisent à constituer un cadre nosographique structuré. A mon sens, tous les éléments plaident en faveur d'un avis favorable à la reconnaissance de la pathologie constatée au titre d'une maladie contractée en service ", ainsi que différents certificats médicaux en date des 27 février 2018, 14 mars 2019, 1er aout 2019 et 12 novembre 2019.
7. Les expertises médicales contradictoires versées aux débats, notamment le fait que le médecin expert commis par l'administration qui a relevé l'existence " d'une personnalité pathologique, sensitive " n'a pas identifié précisément une pathologie, ainsi que la divergence dans les constatations faites dans les différents avis médicaux ne permettent pas à la cour de trancher la question de l'imputabilité au service de la maladie de Mme B..., en particulier quant à l'existence ou non d'un état antérieur susceptible de détacher la pathologie dont souffre l'intéressée du service, de sorte qu'une mesure d'expertise médicale présente un caractère utile. Il y a lieu, par suite, d'ordonner une expertise aux fins et dans les conditions précisées dans le dispositif du présent arrêt.
DÉCIDE :
Article 1er : Il sera, avant dire droit, procédé à une expertise avec mission pour un médecin psychiatre :
- 1°/ d'examiner Mme B..., de prendre connaissance de son entier dossier médical, de se faire communiquer tous les documents et pièces nécessaires à la bonne exécution de sa mission, notamment les différents rapports d'expertise et avis médicaux ;
- 2°/ déterminer si Mme B... présentait un état antérieur à son arrêt de travail du 17 août 2016 susceptible de détacher sa pathologie du service ;
- 3°/ donner, plus généralement, toutes informations qui lui paraîtront utiles à l'appréciation de la situation de Mme B... permettant de retenir ou non l'imputabilité au service de la pathologie dont elle souffre.
L'expert disposera des pouvoirs d'investigations les plus étendus. Il pourra faire toutes constatations ou vérifications propres à faciliter l'accomplissement de sa mission et éclairer la Cour.
Article 2 : Les opérations d'expertise auront lieu contradictoirement entre Mme B... et la commune de Pleyben.
Article 3 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2, R. 621-9 et R. 621-14 du code de justice administrative. L'expert déposera son rapport au greffe de la Cour en deux exemplaires dans un délai de trois mois, et en notifiera copie aux parties dans le délai fixé par le président de la Cour dans sa décision le désignant.
Article 4 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statués en fin d'instance.
Article 5 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Pleyben.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Coiffet, président,
- Mme Gélard, première conseillère,
- M. Pons, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2023.
Le rapporteur,
F. PONS
Le Président,
O. COIFFET
La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT00772