La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/12/2023 | FRANCE | N°23NC00750

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 19 décembre 2023, 23NC00750


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C... née B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2022 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée d'office.



Par un jugement n° 2200649 du 12 mai 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa d

emande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 6 mars 2023, Mme C....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... née B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2022 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée d'office.

Par un jugement n° 2200649 du 12 mai 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 mars 2023, Mme C..., représentée par Me Gorgol, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 12 mai 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour, à tout le moins de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous peine d'une astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement attaqué :

- le tribunal n'a examiné la décision portant refus de séjour que sur le fondement de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision portant refus de séjour :

- la décision est insuffisamment motivée dès lors qu'il n'est jamais fait état de sa situation personnelle ;

- le préfet aurait dû lui délivrer une carte de résident sur le fondement de l'article L. 423-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- sa situation relevait également de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 dès lors qu'elle est de nationalité marocaine et a travaillé depuis le 17 août 2020, et de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision, qui n'évoque la situation personnelle de l'intéressée que de manière lapidaire, est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 mars 2023, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête de Mme C... ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Peton, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., de nationalité marocaine, est entrée en France le 24 septembre 2017 munie de son passeport marocain revêtu d'un visa long séjour valant titre de séjour en qualité de conjointe de ressortissant français. Son titre de séjour a été régulièrement renouvelé jusqu'au 24 octobre 2021. Mme C... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour le 26 août 2021. Par un arrêté du 12 janvier 2022, le préfet de la Moselle a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être renvoyée. Mme C... relève appel du jugement du 12 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement du 12 mai 2022 :

2. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande devant le tribunal, Mme C... soutenait uniquement que la décision portait une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales avant de conclure qu'elle remplissait toutes les conditions pour obtenir un titre de séjour lui permettant de vivre en France. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que le tribunal a commis une erreur en se contentant d'examiner la décision de refus de séjour sur le seul fondement de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sans examiner son droit au séjour au regard de l'article L. 423-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, dont la méconnaissance ne se soulève pas d'office.

Sur la légalité de l'arrêté du 12 janvier 2022 :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

3. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté en litige que le préfet, après avoir fait état des conditions d'arrivée de Mme C... en France et de la rupture de communauté de vie avec son époux, a constaté que l'intéressée ne remplissait plus les conditions de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a ensuite examiné la demande sur le fondement de l'article L. 423-23 du même code. La décision portant refus de titre de séjour comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. En conséquence, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le conjoint d'un étranger titulaire de la carte de résident, qui a été autorisé à séjourner en France au titre du regroupement familial dans les conditions prévues au chapitre IV du titre III et qui justifie d'une résidence régulière non interrompue d'au moins trois années en France, se voit délivrer une carte de résident d'une durée de dix ans. / La délivrance de cette carte de résident est subordonnée au respect des conditions d'intégration républicaine prévues à l'article L. 413-7 (...) ".

5. Mme C..., qui a bénéficié de titres de séjour temporaires en qualité de conjointe de ressortissant français, n'est pas fondée à soutenir qu'elle pouvait se voir accorder un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que ces dispositions ne sont applicables qu'aux conjoints d'étrangers titulaires d'une carte de résident, autorisés à séjourner en France au titre du regroupement familial.

6. En troisième lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code ou sur le fondement des stipulations d'un accord international, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé.

7. En l'espèce, Mme C... a uniquement sollicité un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Dès lors que le préfet n'a pas examiné d'office d'autres fondements, elle ne peut donc utilement se prévaloir ni de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 lequel prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, ni de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de la décision en litige, que le préfet, après avoir rappelé que Mme C... est arrivée sur le territoire français en 2017, qu'elle ne vit plus avec son époux et constaté qu'elle ne peut obtenir le renouvellement de son titre de séjour en qualité de conjoint de français, a examiné l'ensemble de sa situation personnelle et familiale et a vérifié, au vu des éléments dont il avait connaissance, qu'aucune circonstance ne faisait obstacle à une mesure d'éloignement. Il a ainsi procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressée.

9. En deuxième lieu, si Mme C... se prévaut de la durée de sa présence en France, de son apprentissage de la langue française, de l'exercice ponctuel d'une activité professionnelle et de ce qu'elle dispose d'un logement, ces éléments ne suffisent pas à établir que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

10. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

11. Si Mme C... soutient vivre en France depuis plus de cinq années et avoir des attaches avec sa belle-famille et des personnes de nationalité française, de tels éléments, relatifs à sa vie privée et familiale en France, ne sont pas de nature à faire regarder la décision fixant le pays de destination, qui n'a pas, par elle-même pour objet d'éloigner l'intéressée du territoire, comme portant une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... épouse C..., Me Gorgol et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Kohler, présidente,

- M. Denizot, premier conseiller,

- Mme Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 décembre 2023.

La rapporteure,

Signé : N. Peton La présidente,

Signé : J. Kohler

La greffière,

Signé : M. D...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

M. D...

2

N° 23NC00750


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00750
Date de la décision : 19/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme KOHLER
Rapporteur ?: Mme Nolwenn PETON
Rapporteur public ?: Mme PICQUE
Avocat(s) : GORGOL

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-19;23nc00750 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award