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19/12/2023 | FRANCE | N°23NC00661

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 19 décembre 2023, 23NC00661


Vu les procédures suivantes :



Procédures contentieuses antérieures :



Mme E... A... et M. D... A... ont demandé au tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne d'annuler les arrêtés du 20 mai 2022 par lesquels le préfet de la Marne les obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être renvoyés.



Par un jugement n° 2201339 et 2201340 du 20 juillet 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes

.

Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 27 février 2023, M. et Mme A.....

Vu les procédures suivantes :

Procédures contentieuses antérieures :

Mme E... A... et M. D... A... ont demandé au tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne d'annuler les arrêtés du 20 mai 2022 par lesquels le préfet de la Marne les obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être renvoyés.

Par un jugement n° 2201339 et 2201340 du 20 juillet 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 février 2023, M. et Mme A..., représentés par Me Gabon, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du

20 juillet 2022 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du 20 mai 2022 pris à leur encontre par le préfet de la Marne ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de leur délivrer une carte de séjour temporaire sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Gabon, avocat de M. et Mme A..., de la somme de 2 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- les premiers juges n'ont pas répondu à l'intégralité des moyens formulés sur l'atteinte à la vie privée et familiale et notamment sur la circonstance que leurs enfants mineurs ne pouvaient faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en raison de leur minorité ; les premiers juges se sont contentés d'indiquer que le préfet ne pouvait se fonder sur l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les décisions ne sont pas suffisamment motivées ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de leur situation personnelle ;

- en méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne et de L. 613-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ils n'ont pas pu faire valoir leurs observations préalablement aux obligations de quitter le territoire dont ils font l'objet ;

- en méconnaissance des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a commis une erreur de fait en considérant qu'ils ne pouvaient se maintenir en France ;

- le préfet a commis une erreur de droit en s'estimant lié par les décisions de rejet du juge de l'asile ;

- en méconnaissance des articles L. 542-1 et L. 541-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a commis une erreur de droit en considérant qu'ils n'avaient pas le droit de se maintenir en France ;

- le préfet ne pouvait considérer qu'ils ne rentraient dans aucun cas leur permettant l'obtention d'un titre de séjour ;

- les décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;

- en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, les décisions méconnaissent l'intérêt supérieur de leurs enfants ;

- en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans la mesure où ils risquent d'être soumis à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi sont entachées d'une erreur de droit ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en tant que le préfet, qui a commis une erreur de droit et d'appréciation, n'a pas déterminé le pays dans lequel ils seraient légalement admissibles.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 décembre 2023, le préfet de la Marne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

M. et Mme A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 27 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Denizot, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... et Mme A... née B..., ressortissants géorgiens, accompagnés de leurs deux enfants mineurs, seraient entrés irrégulièrement en France, selon leurs déclarations, le

5 février 2020 en vue de solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Par une décision du

16 décembre 2020, les demandes d'asile formées par M. et Mme A... ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 10 février 2022. Par des arrêtés du 20 mai 2022, le préfet de la Marne a obligé

M. et Mme A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être renvoyés. M. et Mme A... relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Dans leurs écritures de première instance, M. et Mme A... ont soutenu que, dans la mesure où ils contribuent régulièrement aux besoins de leurs trois enfants mineurs les décisions contestées ont été prises en méconnaissance des dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Même en citant intégralement les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. et Mme A... ne sauraient être regardés, compte tenu de leur argumentation développée en première instance, comme s'étant également prévalus de la méconnaissance des dispositions du 1° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatives à l'impossibilité pour un étranger mineur de faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Dans le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a écarté les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, les premiers juges n'ont pas omis d'examiner le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 1° de l'article L. 611-3 du code précité qui n'était pas soulevé.

3. Dès lors, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier.

Sur la légalité des arrêtés du 20 mai 2022 :

4. En premier lieu, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi contestées, qui visent notamment le 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article L. 721-4 du même code et qui font état du rejet de la demande d'asile et de la circonstance que les intéressés n'établissent pas encourir des traitements inhumains ou dégradants dans leurs pays d'origine, comportent les considérations de droit et de fait qui en constituent les fondements. En outre, il ressort des termes mêmes des décisions contestées que le préfet de la Marne ne s'est pas estimé à tort tenu d'obliger M. et Mme A... à quitter le territoire français après le rejet de leur demande d'asile. Ces décisions sont donc suffisamment motivées, contrairement à ce qu'allèguent M. et Mme A....

5. En deuxième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier ni des termes des décisions contestées que le préfet de la Marne n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle des intéressés, notamment au regard de leur vie privée et familiale et des risques qu'ils ont pu faire valoir. Au demeurant, les requérants ne peuvent reprocher au préfet de la Marne de ne pas avoir examiné l'état de santé de l'un de leurs enfants alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une demande de titre de séjour aurait été présentée pour cet enfant en se prévalant de son état de santé.

6. En troisième lieu, le droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Ce droit ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

7. Dans le cas prévu au 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable, la décision portant obligation de quitter le territoire français est prise, notamment, après que la qualité de réfugié a été définitivement refusée à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Or, celui-ci est conduit, à l'occasion du dépôt de sa demande d'asile, à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit reconnu la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, laquelle doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles et il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir toute observation complémentaire, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux notamment au regard de sa situation dans son pays d'origine ou de sa situation personnelle et familiale.

8. En l'espèce, si M. et Mme A... soutiennent qu'ils ont été privés du droit d'être entendu, ils ne se prévalent d'aucun élément pertinent qu'ils auraient été empêchés de faire valoir, notamment lors de la présentation de leurs demandes d'asile ou d'ordre médical concernant leur fils, et qui aurait pu influer sur le contenu de la décision. Le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit, en conséquence, être écarté.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 613-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel est notifiée une décision portant obligation de quitter le territoire français est également informé qu'il peut recevoir communication des principaux éléments, traduits dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend, des décisions qui lui sont notifiées en application des chapitres I et II ". Aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'impose au préfet de notifier une décision portant obligation de quitter le territoire français à son destinataire par l'intermédiaire d'un interprète ou dans une langue autre que le français. Dans ces conditions, les conditions de notification d'une telle décision n'ont d'incidence que sur les voies et délais de recours contentieux mais n'affectent pas sa légalité et le moyen tiré de ce que les arrêtés contestés méconnaîtraient les dispositions précitées doit être écarté comme inopérant.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

11. Si les intéressés justifient d'une bonne intégration dans la société française par leur parcours d'apprentissage de la langue française et le suivi d'activités culturelles, M. et Mme A..., qui font tous les deux l'objet de mesures d'éloignement, peuvent reconstituer leur cellule familiale en dehors du territoire français. En raison notamment de leur faible durée de présence en France, M. et Mme A... n'établissent pas l'existence de liens personnels ou familiaux intenses et stables sur le territoire français. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que les décisions contestées feraient obstacle à ce que la scolarisation des enfants des requérants puisse se poursuivre en dehors du territoire français. Ainsi, les décisions contestées n'ont pas porté au droit de M. et Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, les moyens tirés de l'inexacte application des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Marne aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision portant obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de M. et Mme A....

12. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Marne aurait commis une appréciation manifestement erronée des conséquences de la décision de refus de séjour sur la situation personnelle et familiale des intéressés.

13. En sixième lieu, lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français. Tel n'est pas le cas de la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article L. 435-1 du même code, lesquelles ne prescrivent pas la délivrance d'un titre de plein droit mais laissent à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels dont l'intéressé se prévaut. Le législateur n'a ainsi pas entendu imposer à l'administration d'examiner d'office si l'étranger remplit les conditions prévues par cet article ni, le cas échéant, de consulter d'office la commission du titre de séjour quand l'intéressé est susceptible de justifier d'une présence habituelle en France depuis plus de dix ans. Il en résulte qu'un étranger ne peut pas utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 à l'encontre d'une obligation de quitter le territoire français alors qu'il n'avait pas présenté une demande de titre de séjour sur le fondement de cet article et que l'autorité compétente n'a pas procédé à un examen d'un éventuel droit au séjour à ce titre.

14. D'une part, compte tenu de ce qu'il vient d'être dit, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dirigé à l'encontre des obligations de quitter le territoire français prises à l'encontre de M. et Mme A... doit être écarté comme inopérant. D'autre part, pour les mêmes motifs qu'exposés au point 11 il ne ressort pas des pièces des dossiers que M. et Mme A... rempliraient les conditions pour obtenir un titre de séjour de plein droit en application des dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

15. En septième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, (...) ". Par ailleurs l'article L. 542-2 du même code dispose que " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : 1° Dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes : (...) d) une décision de rejet dans les cas prévus à l'article L. 531-24 et au 5° de l'article L. 531-27 ; (...) ". Aux termes de l'article

L. 542-3 du même code : " Lorsque le droit au maintien sur le territoire français a pris fin dans les conditions prévues aux articles L. 542-1 ou L. 542-2, l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé (...) ". Aux termes de l'article L. 531-24 du même code : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides statue en procédure accélérée dans les cas suivants : 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr au sens de l'article L. 531-25 ; (...) ". Enfin, en vertu d'une décision du conseil d'administration de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides adoptée le 9 octobre 2015, la Géorgie est au nombre des pays d'origine sûrs.

16. En vertu de ces dispositions combinées, M. et Mme A..., ressortissants géorgiens dont les demandes d'asile ont été instruites selon la procédure accélérée, n'avaient plus de droit au maintien sur le territoire à compter des décisions du 18 décembre 2020 de l'OFPRA rejetant ces demandes, ainsi qu'il ressort du relevé " Telemofpra ", produit par le préfet de la Marne en première instance. Dans ces conditions, le préfet de la Marne pouvait, le 20 mai 2022 obliger les requérants, en application des dispositions du 4° de l'article L.611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à quitter le territoire français.

17. En huitième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". En se prévalant uniquement de leur récit de vie et de différents articles relatifs à la Géorgie, M. et Mme A... n'établissent pas la réalité des risques personnels auxquels ils seraient exposés en cas de retour dans ce pays. Dans ces conditions, le moyen tiré de la violation des stipulations et dispositions précitées, qui n'est opérant qu'à l'encontre de la seule décision fixant le pays de renvoi, doit être écarté.

18. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible (...) ".

19. Il ressort des termes des arrêtés contestés que le préfet de la Marne a indiqué que

M. et Mme A... pourront être reconduits d'office à destination de leur pays d'origine ou tout autre pays où ils établissent être légalement admissibles. Il ressort des dispositions précitées que la fixation d'un pays de renvoi qui ne serait pas celui de la nationalité de l'étranger ou de celui pour lequel il disposerait d'un document de voyage n'est possible qu'en cas d'accord de l'intéressé, dès lors qu'il justifie lui-même être légalement admissible dans cet Etat. Par suite, M. et Mme A..., qui ne sont pas prévalus du fait qu'ils pourraient être légalement admissibles dans un pays autre que la Géorgie, ne sont pas fondés à soutenir que le préfet de la Marne aurait entaché ses décisions d'illégalité en ne précisant pas expressément l'autre pays à destination duquel ils seraient légalement admissibles.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, les conclusions des requêtes aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme A... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A..., à M. D... A..., à Me Gabon et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Marne.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Kohler, présidente,

- Mme Peton, première conseillère,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : A. DenizotLa présidente,

Signé : J. Kohler

La greffière,

Signé : M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 23NC00661


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00661
Date de la décision : 19/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme KOHLER
Rapporteur ?: M. Arthur DENIZOT
Rapporteur public ?: Mme PICQUE
Avocat(s) : GABON

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-19;23nc00661 ?
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