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19/12/2023 | FRANCE | N°23NC00507

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 19 décembre 2023, 23NC00507


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2021 par lequel le préfet de Moselle lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné d'office et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'un an.



Par un jugement n° 2201209 du

12 mai 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.



Procédure devant la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2021 par lequel le préfet de Moselle lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné d'office et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'un an.

Par un jugement n° 2201209 du 12 mai 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 février 2023, M. A..., représenté par Me Dollé, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 12 mai 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour et, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros TTC sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de séjour :

- la décision a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le préfet n'établit pas la réalité d'une délibération collégiale de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'intégration et de l'immigration (OFII) et le fait sur les médecins ont bien délibéré tous en même temps ;

- la décision méconnait les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son état de santé nécessite une prise en charge médicale et qu'il n'existe pas de traitement disponible adéquat dans son pays d'origine ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- il souffre d'une pathologie lourde et ne peut voyager sans risque et la décision méconnait les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle est prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen approfondi de sa situation personnelle ;

- la décision emporte des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 juillet 2023, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête de M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Peton, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant albanais, déclare être entré en France le 29 août 2017. Ses demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile. En 2019, M. A... a sollicité son admission au séjour en raison des soins que nécessitait son état de santé. A la suite de l'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII, le préfet de la Moselle lui a délivré une carte de séjour temporaire valable jusqu'au 2 avril 2021. En janvier 2021, M. A... a de nouveau sollicité son admission au séjour en raison des son état de santé. Par un arrêté du 25 novembre 2021, le préfet de la Moselle a refusé de renouveler le titre de séjour de M. A..., l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement du 12 mai 2022, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 25 novembre 2021 :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...). / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application de l'article L. 425- 9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / (...) ". En outre, aux termes de l'article R. 425-12 de ce code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...). / (...) ". De plus, aux termes du premier alinéa de l'article R. 425-13 du même code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 visé ci-dessus : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

3. Les dispositions citées au point précédent, issues de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France et de ses textes d'application, ont modifié l'état du droit antérieur pour instituer une procédure particulière aux termes de laquelle le préfet statue sur la demande de titre de séjour présentée par l'étranger malade au vu de l'avis rendu par trois médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui se prononcent en répondant par l'affirmative ou par la négative aux questions figurant à l'article 6 précité de l'arrêté du 27 décembre 2016, au vu d'un rapport médical relatif à l'état de santé du demandeur établi par un autre médecin de l'Office, lequel peut le convoquer pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Cet avis commun, rendu par trois médecins et non plus un seul, au vu du rapport établi par un quatrième médecin, le cas échéant après examen du demandeur, constitue une garantie pour celui-ci. Les médecins signataires de l'avis ne sont pas tenus, pour répondre aux questions posées, de procéder à des échanges entre eux, l'avis résultant de la réponse apportée par chacun à des questions auxquelles la réponse ne peut être qu'affirmative ou négative. Par suite, la circonstance que, dans certains cas, ces réponses n'aient pas fait l'objet de tels échanges, oraux ou écrits, est sans incidence sur la légalité de la décision prise par le préfet au vu de cet avis

4. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... ne peut utilement soutenir qu'il n'est pas établi que le collège de médecins de l'OFII a délibéré de manière collégiale dès lors que l'image de la signature des médecins sur l'avis et la mention " après en avoir délibéré " n'établissent pas la réalité de la délibération. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure doit être écarté.

5. En deuxième lieu, le préfet de la Moselle a considéré, au regard de l'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII, que si l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé peut effectivement bénéficier du traitement approprié en Albanie. Si le requérant soutient que le traitement approprié n'est pas disponible dans son pays d'origine, il ne l'établit pas au moyen des seuls certificats médicaux qu'il produit qui ne font état que de la nécessité d'un traitement quotidien et d'un suivi médical spécialisé mais ne comportent aucune indication sur les soins disponibles dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".

7. Ainsi qu'il l'a été constaté au point 4, M. A... n'établit pas qu'il ne pourrait pas bénéficier d'une prise en charge médicale appropriée en Albanie. En conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

8. En premier lieu, la décision attaquée comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est dès lors suffisamment motivée.

9. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

10. M. A... soutient que la décision contestée méconnait les stipulations précitées dès lors que le défaut de traitements appropriés dans son pays d'origine l'expose à des risques de traitements inhumains et dégradants. Il a toutefois été constaté que le requérant n'établit pas qu'il ne pourrait pas bénéficier de soins médicaux appropriés en Albanie. En conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

11. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".

12. En premier lieu, la décision en cause rappelle les dispositions de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne que M. A... est présent sur le territoire national depuis le 29 août 2017, qu'il n'atteste pas avoir établi en France sa vie privée et familiale et ne justifie pas d'une stabilité et d'une intensité de ses liens au regard de ses 54 années passées en Albanie, que si son comportement ne constitue pas une menace pour l'ordre public, il a déjà fait l'objet de mesures d'éloignement qu'il n'a pas exécutées. Elle précise que l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an est justifiée. Dans ces conditions, le préfet de la Moselle n'a pas entaché sa décision d'une insuffisance de motivation. Dès lors, ce moyen doit être écarté.

13. En deuxième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier ni des termes de la décision contestée que le préfet de la Moselle n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé.

14. En dernier lieu, et au regard de ce qui a déjà été constaté concernant l'offre de soins dont pourrait bénéficier M. A... dans son pays d'origine, ce dernier ne saurait soutenir que la décision contestée emporte des conséquences d'une exceptionnelle gravité et le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me Dollé et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Kohler, présidente,

- M. Denizot, premier conseiller,

- Mme Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 décembre 2023.

La rapporteure,

Signé : N. Peton La présidente,

Signé : J. Kohler

La greffière,

Signé : M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

M. B...

2

N° 23NC00507


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00507
Date de la décision : 19/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme KOHLER
Rapporteur ?: Mme Nolwenn PETON
Rapporteur public ?: Mme PICQUE
Avocat(s) : DOLLÉ

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-19;23nc00507 ?
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