Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
I) Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 14 novembre 2022 par lesquelles le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a déterminé le pays de destination en cas de reconduite.
II) M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 14 novembre 2022 par lesquelles le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a déterminé le pays de destination en cas de reconduite.
Par un jugement nos 2208933 et 2208934 du 28 février 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour
I)
Par une requête enregistrée le 19 mars 2023 et un mémoire enregistré le 2 novembre 2023 sous le n° 23LY00974, Mme D... A..., représentée par Me Hmaida, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 28 février 2023 ;
2°) d'annuler les décisions du 14 novembre 2022 du préfet du Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer le titre de séjour sollicité, ou à tout le moins de réexaminer sa situation, dans un délai de deux mois courant à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'Etat.
Elle soutient que :
- le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant le titre de séjour ; elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour et de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
Par un courrier du 9 octobre 2023, Mme A... a informé la cour qu'elle accepte de lever le secret médical.
L'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a produit des pièces et un mémoire, qui ont été enregistrés respectivement les 18 octobre 2023 et 23 octobre 2023 et qui ont été communiqués.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône, qui n'a pas présenté d'observations.
II)
Par une requête enregistrée le 19 mars 2023 sous le n° 23LY00975, M. C... A..., représenté par Me Hmaida, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 28 février 2023 ;
2°) d'annuler les décisions du 14 novembre 2022 du préfet du Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de deux mois courant à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
- le droit d'être entendu préalablement à l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre a été méconnu ;
- l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ; cette décision méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône, qui n'a pas présenté d'observations.
Mme et M. A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par décisions du 14 juin 2023.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique le rapport de Mme Burnichon, première conseillère et les observations de Me Hmaida pour M. et Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. D'une part, Mme D... A..., née le 15 septembre 1955 à Gyumri (RSS d'Arménie) et de nationalité arménienne, déclare être entrée sur le territoire français le 8 juin 2017. Le préfet du Rhône, par un arrêté du 14 novembre 2022, lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour pour soins, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. D'autre part, son époux, M. C... A..., né le 25 novembre 1957 à Gyumri (RSS d'Arménie) et de nationalité arménienne, déclare être entré sur le territoire français le 13 septembre 2021. Suite au rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 15 avril 2022 puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 19 août 2022, le préfet du Rhône, par un arrêté du 14 novembre 2022 lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 28 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon a, après les avoir jointes, rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
2. Les requêtes nos 23LY00974 et 23LY00975 présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.
Sur le refus de délivrance d'un titre de séjour opposé à Mme A... :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 425-9 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ". Enfin, aux termes de l'article R. 425-12 de ce code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que, par un avis du 15 octobre 2021, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que si l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... souffre d'une leucémie myéloïde chronique, stabilisée, qui a été découverte en 2017. Son état de santé nécessite un traitement médicamenteux quotidien, par la prise des spécialités Glivec et Atorvastatine, un suivi biologique tous les trois mois et des consultations spécialisées tous les six mois. Mme A... produit un certificat médical du 23 novembre 2022 de son médecin traitant qui précise que sa myélodysplasie nécessite " un suivi régulier en hôpital " et que " cette pathologie ne peut être traitée dans son pays d'origine ", une réponse du laboratoire Novartis Pharma du 28 novembre 2022 qui indique que le Glivec n'est pas commercialisé en Arménie et, enfin, un certificat du 28 novembre 2022 d'un médecin de l'institut de cancérologie de l'hôpital Lyon Sud qui indique que l'intéressée " est atteinte d'une leucémie myéloïde chronique nécessitant un traitement et un suivi à vie en hématologie. Cette prise en charge n'est pas possible dans son pays d'origine ". Toutefois, l'OFII, dans ses observations en réponse émises après l'acceptation de la levée du secret médical par l'intéressée, relève que le suivi par un médecin spécialiste en hématologie ainsi que les examens biologiques nécessaires sont effectivement disponibles dans un établissement de Yerevan et que le traitement médicamenteux spécialisé reçu par la patiente consiste en l'administration d'un inhibiteur de protéine tyrosine kinase, en l'occurrence l'imatinib, qui est également disponible dans un établissement à Yerevan. Cette disponibilité n'est pas sérieusement contestée par la requérante par les pièces produites ou encore par l'allégation selon laquelle l'OFII ne pourrait se fonder sur la base de données MedCoi, eu égard notamment à sa vocation. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En second lieu, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté par les motifs retenus par les premiers juges, qu'il y a lieu pour la cour d 'adopter.
Sur les obligations de quitter le territoire dans un délai de trente jours :
En ce qui concerne Mme A... :
6. Compte tenu de ce qu'il vient d'être dit, les moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant le titre de séjour et de ce qu'elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent, en l'absence d'autres éléments, être écartés.
En ce qui concerne M. A... :
7. En premier lieu, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.
8. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français non prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.
9. Une violation des droits de la défense, en particulier du droit d'être entendu, n'entraîne l'annulation de la décision prise au terme de la procédure administrative en cause que si, en l'absence de cette irrégularité, cette procédure pouvait aboutir à un résultat différent.
10. Si M. A... fait valoir que son état de santé aurait dû être porté à la connaissance du préfet et faisait obstacle à l'édiction de la mesure d'éloignement en litige, le certificat médical du 25 novembre 2022, émanant de son médecin traitant, se borne à rappeler son passé traumatique avec les plaies reçues " au décours d'une guerre dans son pays d'origine " ce qui fait obstacle à une prise en charge dans son pays d'origine, et que son épouse relève des troubles de l'attention et de la mémoire pour lesquels il demande un bilan. Ces seuls éléments, trop imprécis sur le lieu et la date de la guerre à laquelle il aurait participé et les problèmes psychologiques relevés, ou encore sur la gravité ou la particularité des plaies constatées, ne suffisent pas à démontrer que le préfet du Rhône, s'il en avait eu connaissance, aurait pris une décision différente. Par ailleurs, s'agissant de l'état de santé de l'épouse de M. A..., le préfet du Rhône était saisi sur ce fondement d'une demande de titre de séjour la concernant, qui a été rejetée, et a précisé, dans l'obligation de quitter le territoire français opposé à M. A... que son épouse avait également fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Compte tenu de ces circonstances, et en admettant même qu'il a déposé une demande de rendez-vous afin de déposer une demande de titre de séjour au titre de leurs états de santé respectifs, la mise en œuvre d'une procédure préalable à l'édiction de la mesure d'éloignement en litige n'aurait pas pu aboutir à un résultat différent. M. A... n'est dès lors pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité pour ce motif.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Le seul certificat médical du médecin traitant de l'intéressé, décrit ci-dessus, ne permet pas de constater que l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ni, au demeurant, qu'il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
12. En dernier lieu, les moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à sa situation personnelle, doivent être écartés par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
Sur les décisions fixant le pays de destination :
13. Il résulte de ce qui a été dit ci-avant que M. et Mme A... ne sont pas fondés à exciper, par voie d'exception, de l'illégalité du refus de séjour opposé à Mme A... et des décisions les obligeant à quitter le territoire français à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les décisions fixant le pays de destination.
14. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées, ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes de M. et Mme A... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A..., à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Rhône et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente,
Mme Anne-Gaëlle Mauclair, première conseillère,
Mme Claire Burnichon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2023.
La rapporteure,
C. Burnichon
La présidente,
M. B...La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N°s 23LY00974-23LY00975 2