Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 11 février 2021 par lequel la préfète de la Vienne a retiré le titre de séjour qui lui avait été délivré et valable du 13 décembre 2019 au 12 décembre 2020.
Par un jugement n°2101722 du 11 avril 2023, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du 11 février 2021.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 mai 2023, le préfet de la Vienne demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 11 avril 2023 ;
2°) de rejeter la demande de M. C....
Il soutient qu'à la date de la décision contestée, M. C... ne remplissait plus les conditions de délivrance du titre de séjour en qualité de conjoint de Français ; cette seule circonstance suffisait à justifier le retrait du titre de séjour en application du 8° de l'article R. 311- 14 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2023, M. C..., représenté par la SCP Gand-Pascot, conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'il s'approprie les termes du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 11 avril 2023.
Par ordonnance du 8 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 22 septembre 2023.
M. C... a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 août 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Edwige Michaud.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., né le 30 juin 1975 et de nationalité congolaise, est entré en France le 25 septembre 2004 sous couvert d'un visa court séjour. Il a obtenu en dernier lieu un titre de séjour " vie privée et familiale- conjoint de Français " valable du 13 décembre 2019 au 12 décembre 2020. M. C... a formé une demande de renouvellement de ce titre de séjour le 15 décembre 2020. Par un arrêté du 11 février 2021, la préfète de la Vienne a retiré le titre de séjour expiré délivré à l'intéressé le 13 décembre 2019. Par un jugement du 11 avril 2023, dont le préfet de la Vienne relève appel, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du 11 février 2021.
2. Pour annuler l'arrêté du 11 février 2021, le tribunal a estimé qu'en prenant la décision de retrait contestée alors qu'aucune fraude ne pouvait être retenue contre M. C... et qu'un délai de plus de quatre mois s'était écoulé depuis que ce titre de séjour avait été délivré, la préfète de la Vienne a commis une erreur de droit.
3. D'une part, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable au litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) ; 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...). ". Aux termes de l'article L. 313-5-1 du même code dans sa version applicable au litige : " L'étranger titulaire d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle doit être en mesure de justifier qu'il continue de remplir les conditions requises pour la délivrance de cette carte (...) Si l'étranger cesse de remplir l'une des conditions exigées pour la délivrance de la carte de séjour dont il est titulaire (...) la carte de séjour peut lui être retirée ou son renouvellement refusé par une décision motivée (...). ". Aux termes de l'article R. 311-14 applicable au litige : " Le titre de séjour est retiré : (...) 8° Si l'étranger titulaire de la carte de séjour temporaire ou de la carte de séjour " pluriannuelle " cesse de remplir l'une des conditions exigées pour sa délivrance (...) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. ". Aux termes de l'article L. 241-2 du même code : " Par dérogation aux dispositions du présent titre, un acte administratif unilatéral obtenu par fraude peut être à tout moment abrogé ou retiré. ".
5. L'arrêté attaqué qui vise les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 et des articles R. 311-14 et R. 311-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que M. C... ne remplit plus les conditions d'obtention du titre de séjour " conjoint de Français " dès lors qu'il ressort d'une ordonnance de non conciliation du 13 novembre 2020, fournie à l'appui de sa demande de renouvellement de son titre de séjour, que sa communauté de vie avec son épouse a cessé depuis le 19 novembre 2019 et qu'il a volontairement omis de signaler cette séparation lorsqu'il s'est vu remettre son titre de séjour " conjoint de Français ".
6. M. C... s'est marié le 10 novembre 2018 avec une ressortissante française et a déposé sa demande de titre de séjour, en tant que conjoint de Français, le 18 novembre 2019. Par une ordonnance du 13 novembre 2020, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Poitiers, saisi d'une requête en divorce par l'épouse de l'intéressé, a constaté que les époux ont déclaré résider séparément depuis le 19 novembre 2019 et ont signé un procès-verbal d'acceptation du principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l'origine de celle-ci. Par cette même ordonnance, ce juge a autorisé les époux à introduire l'instance en divorce. Selon une lettre que l'épouse de M. C... a adressée à l'administration en juin 2020, son époux a quitté le domicile conjugal le 20 novembre 2019.
7. Il résulte des circonstances exposées au point précédent que M. C... a dissimulé à l'administration la fin de la communauté de vie avec son épouse, intervenue un jour après le dépôt de sa demande de titre de séjour " conjoint de Français ", et avant la décision de la préfète de lui délivrer ce titre à compter du 13 décembre 2019. La dissimulation de ces faits pendant l'instruction de sa demande initiale a revêtu le caractère d'une manœuvre frauduleuse. Ainsi, la préfète de la Vienne a pu légalement retirer le 11 février 2021, le titre de séjour " conjoint de Français " délivré à l'intéressé le 13 décembre 2019, soit au-delà du délai de quatre mois suivant son attribution.
8. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Vienne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du 11 février 2021 au motif qu'en l'absence de fraude, ce retrait ne pouvait intervenir postérieurement à l'expiration du délai de 4 mois prévu à l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration. Il appartient donc à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif de Poitiers.
9. En premier lieu, par un arrêté du 27 novembre 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs, librement accessible sur le site internet de la préfecture, M. Emile Soumbo, secrétaire général de la préfecture, a reçu délégation de signature de la préfète de la Vienne pour signer toutes les décisions faisant application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi que le rappelle la décision attaquée dans ses visas, Mme B... a été nommée préfète de la Vienne par décret du 15 janvier 2020. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait.
10. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 432-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile entrées en vigueur le 1er mai 2021 : " Si l'étranger cesse de remplir l'une des conditions exigées pour la délivrance de la carte de séjour dont il est titulaire, fait obstacle aux contrôles ou ne défère pas aux convocations, la carte de séjour peut lui être retirée par une décision motivée. La décision de retrait ne peut intervenir qu'après que l'intéressé a été mis à même de présenter ses observations dans les conditions prévues aux articles L. 121-1 et L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration. (...). " Aux termes du 3° de l'article R. 432-3 du même code dont les dispositions sont entrées en vigueur le 1er mai 2021 : " Sans préjudice des dispositions des articles R. 421-36, R. 421-37, R. 421-40 et R. 424-4, le titre de séjour est retiré dans les cas suivants : (...) ; 3° L'étranger titulaire de la carte de séjour temporaire ou de la carte de séjour pluriannuelle cesse de remplir l'une des conditions exigées pour sa délivrance. (...).".
11. M. C... ne peut utilement se prévaloir des dispositions citées au point précédent qui n'étaient pas entrées en vigueur à la date de l'arrêté attaqué. En outre, et à supposer que le requérant ait entendu se prévaloir de la méconnaissance des dispositions citées au point 3, il résulte des dispositions citées au point 4 qu'un acte obtenu par fraude peut être retiré à tout moment. Ainsi, et alors au surplus qu'il est constant que la condition de vie commune entre M. C... et son épouse avait cessé dès avant la délivrance qui lui a été faite d'un titre de séjour " conjoint de Français ", le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée méconnaît les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 3.
12. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.".
13. Si M. C... soutient qu'il travaille sous contrat à durée indéterminée pour une société de nettoyage et qu'à ce titre, il perçoit un salaire lui permettant de régler son loyer, il ne justifie de la conclusion d'un contrat de travail à durée indéterminée qu'à compter du 4 janvier 2021, soit seulement un mois avant l'arrêté attaqué, et d'une seule quittance de loyer pour le mois de janvier 2021. En outre, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, M. C... était séparé de son épouse avec laquelle une procédure de divorce était en cours, et il ne justifie d'aucune attache personnelle ou familiale sur le territoire français à cette même date. Dans ces conditions, et dès lors qu'il résulte de ce qui a été dit au point 7 que M. C... a commis une fraude, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux a été pris en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Poitiers doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 11 avril 2023 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Poitiers est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
M. Sébastien Ellie, premier conseiller,
Mme Edwige Michaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2023.
La rapporteure,
Edwige MichaudLa présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23BX01288