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19/12/2023 | FRANCE | N°22NT01328

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 19 décembre 2023, 22NT01328


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 23 octobre 2020 par laquelle le préfet de police de Paris a mis à sa charge la répétition du complément d'indemnité de fidélisation de 3 000 euros qu'il a perçu en décembre 2019 et l'a informé que la première tranche de cette somme serait retenue sur son salaire du mois d'octobre 2020. Il a également demandé au tribunal administratif d'annuler la décision révélée par son bulletin de sal

aire du mois d'octobre 2020 procédant à une retenue sur son salaire de la somme de 853,48 eur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 23 octobre 2020 par laquelle le préfet de police de Paris a mis à sa charge la répétition du complément d'indemnité de fidélisation de 3 000 euros qu'il a perçu en décembre 2019 et l'a informé que la première tranche de cette somme serait retenue sur son salaire du mois d'octobre 2020. Il a également demandé au tribunal administratif d'annuler la décision révélée par son bulletin de salaire du mois d'octobre 2020 procédant à une retenue sur son salaire de la somme de 853,48 euros.

Par un jugement n° 2002615 du 2 mars 2022, le tribunal administratif de Caen a annulé la décision du 23 octobre 2020, a déchargé M. D... de l'obligation de payer la somme de 3 000 euros, et a enjoint au ministre de l'intérieur de rembourser les sommes prélevées sur le salaire de l'intéressé, avec intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2020. Le tribunal administratif a également mis la somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 3 et 17 mai 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 2 mars 2022 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Caen.

Il soutient que :

- c'est sans erreur de droit qu'il a été demandé à M. D... de restituer la somme de 3 000 euros qui lui a été versée dès lors que le montant du complément de fidélisation prévu au dernier alinéa de l'article 1er du décret du 15 décembre 1999 constitue une prime unique et globale versée en plusieurs tranches, qui ne peut être acquise définitivement qu'à l'issue de la dixième année révolue de service continu en secteur difficile ; l'article 3 de ce texte fixe en effet un montant maximum qui fait obstacle à ce que chaque tranche soit considérée comme acquise dès lors que la condition de service continu est remplie pour chacune d'elle ; cette prime a pour objet de récompenser les fonctionnaires de police qui ont accepté d'exercer leurs fonctions en région Ile-de-France et ont respecté le délai minimum de 8 ans qui leur est imposé par la règlementation ; la circulaire ministérielle du 12 mai 2017 prévoit que toute rupture d'engagement durant cette période de 8 ans entraîne le remboursement des sommes perçues ;

- en tout état de cause, la somme de 853,48 euros retenue sur le salaire de l'intéressé correspond à un trop-perçu d'indemnité compensatoire pour sujétions spécifiques et non à la première retenue sur traitement du complément d'indemnité de fidélisation ; M. D... a perçu à tort la somme de 1 015 euros pour la période du 1er mars 2020 au 30 septembre 2020, en raison de sa mutation à la circonscription de sécurité publique de Caen au 1er mars 2020 ;

- si M. D... soutenait en première instance que l'administration ne peut retirer une décision créatrice de droits, l'attribution d'une prime ne constitue une telle mesure que si elle implique une appréciation de la manière de servir du fonctionnaire, ce qui n'est pas le cas du complément d'indemnité de fidélisation, qui dépend uniquement de son affectation géographique ; en conséquence le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration est inopérant et ne peut qu'être écarté ;

- la décision contestée a été signée par une autorité compétente.

En dépit de la mise en demeure, qui lui a été adressée le 30 janvier 2023, M. D... n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n°99-1055 du 15 décembre 1999 ;

- le décret n°2004-1439 du 23 décembre 2004 ;

- l'arrêté du 6 janvier 2011 fixant les montants forfaitaires de l'indemnité de fidélisation en secteur difficile attribuée aux fonctionnaires actifs de la police nationale (NOR : IOCC1028005A)

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de sa réussite au concours national à affectation régionale en Ile-de-France de la police, M. D... a été affecté à compter du 3 décembre 2018 en qualité de gardien de la paix à la compagnie de garde de l'Elysée relevant de la préfecture de police de Paris. Il a été titularisé au 3 décembre 2019 et a perçu en sus de son traitement du mois de décembre 2019, une somme de 3 000 euros au titre du complément d'indemnité de fidélisation. A compter du 1er mars 2020, l'intéressé a été muté, à titre dérogatoire pour des raisons familiales, à la circonscription de sécurité publique de Caen. Le 23 octobre 2020, le préfet de police de Paris lui a indiqué qu'il devait restituer la somme de 3 000 euros, qui serait prélevée par retenue sur son salaire et titre exécutoire, au motif qu'il avait rompu son engagement d'exercer ses fonctions pendant au moins 8 ans en région d'Ile-de-France. En octobre 2020, une somme de 853,48 euros a été prélevée sur le salaire de cet agent. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 2 mars 2022, par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé, pour erreur de droit, la décision du 23 octobre 2020, et a déchargé M. D... de l'obligation de payer la somme de 3 000 euros. Il a, en outre, été enjoint au ministre de rembourser les sommes prélevées sur le salaire de l'intéressé, avec intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2020 et de lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la légalité de la décision du 23 octobre 2020 :

2. Une requête dirigée contre un titre exécutoire ou un ordre de reversement relève, par nature, du plein contentieux. Il en va de même pour la requête dirigée contre la lettre par laquelle l'administration informe un fonctionnaire qu'une somme indument payée fera l'objet d'une retenue sur son traitement.

3. Aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 15 décembre 1999 portant attribution d'une indemnité de fidélisation en secteur difficile aux fonctionnaires actifs de la police nationale : " Les fonctionnaires actifs de la police nationale peuvent bénéficier d'une indemnité de fidélisation en secteur difficile : 1° Après deux années révolues de service continu en secteur difficile (...) 3° Le montant de l'indemnité de fidélisation est majoré forfaitairement pour les fonctionnaires actifs de la police nationale affectés en Ile-de-France (...) Après la première, la sixième et la dixième année révolue de service continu en secteur difficile, les fonctionnaires du corps d'encadrement et d'application nommés à l'issue de la réussite au concours national à affectation régionale en Ile-de-France (...) peuvent bénéficier d'un complément d'indemnité de fidélisation. ". Selon l'annexe I à ce décret les affectations à Paris et en région Ile-de-France entrent dans le champ d'application de ces dispositions.

4. Aux termes de l'article 6 du décret du 23 décembre 2004 portant statut particulier du corps d'encadrement et d'application de la police nationale : " I.- Les gardiens de la paix sont recrutés par trois concours distincts (...) II.- Les concours mentionnés au I peuvent être ouverts pour une affectation régionale en Ile-de-France. Les gardiens de la paix recrutés par un tel concours sont affectés dans cette région pendant une durée minimale de huit ans à compter de leur nomination en qualité de gardien de la paix stagiaire. ".

5. Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 6 janvier 2011 fixant les montants forfaitaires de l'indemnité de fidélisation en secteur difficile attribuée aux fonctionnaires actifs de la police nationale, les montants forfaitaires de l'indemnité de fidélisation en secteur difficile : " Le montant du complément d'indemnité de fidélisation prévu au dernier alinéa de l'article 1er du décret du 15 décembre 1999 précité est fixé à 9 000 euros versé par tiers comme suit : 3 000 euros à l'issue de la première année révolue de service continu ; 3 000 euros à l'issue de la sixième année révolue de service continu (...) 3 000 euros à l'issue de la dixième année révolue de service continu. ".

6. Il résulte des dispositions précitées et de leur statut particulier, que les gardiens de la paix qui ont été recrutés par concours national à affectation régionale en Ile-de-France, sont affectés dans cette région pour une durée minimale de 8 ans et peuvent bénéficier d'une indemnité de fidélisation en secteur difficile après deux années révolues de service. Ils peuvent en outre, percevoir un complément d'indemnité de fidélisation, dont le montant est fixé à 9 000 euros par un arrêté ministériel du 6 janvier 2011. Si selon l'article 3 de cet arrêté, cette somme est versée en trois fois, à l'issue, à chaque fois, de la 1ère, de la 6ème et de la 10 ème année de service révolue, ces modalités de versement ne sont pas de nature à remettre en cause le caractère indivisible de ce complément indemnitaire, dont l'objectif est de favoriser le maintien des agents affectés en Ile-de-France pendant une durée minimale de dix ans. Par suite, et alors même que ni le décret du 15 décembre 1999, ni l'arrêté du 6 janvier 2011, ne le rappellent expressément, ces dispositions impliquent nécessairement que pour bénéficier du complément d'indemnité de fidélisation de 9 000 euros, le policier recruté par concours national à affectation régionale en Ile-de-France reste en poste dans cette région pendant au moins 10 ans.

7. M. D... a perçu en plus de son salaire du mois de décembre 2019, la somme de 3 000 euros au titre du premier tiers du complément d'indemnité de fidélisation. S'il n'est pas contesté qu'à cette date, l'intéressé justifiait d'une année de service en région Ile-de-France, il est constant qu'il a été muté à compter du 1er mars 2020 à la circonscription de sécurité publique de Caen. Par suite, il ne remplissait plus les conditions requises pour bénéficier de cette indemnité de 9 000 euros. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur de droit, que le préfet de police lui a demandé, par la décision contestée, de rembourser le premier acompte qui lui avait été versé en complément de son salaire du mois de décembre 2019. C'est dès lors à tort que le tribunal administratif de Caen a annulé la décision litigieuse à raison de ce motif.

8. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens développés en première instance et en appel, par M. D... à l'encontre de cette décision.

9. En premier lieu, la décision contestée a été signée par Mme C... B..., cheffe du bureau des rémunérations et des pensions au sein de la direction des ressources humaines de la préfecture de police de Paris. En vertu d'une délégation de signature qui lui a été consentie par un arrêté du préfet du 2 juin 2020 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de police de Paris du 3 juin 2020, cette agente, conseillère d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, était compétente pour signer les décisions relevant des attributions de son service à l'exception de celles mentionnée à l'article 1er de cet arrêté, parmi lesquelles ne figure pas la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision aurait été prise par une autorité incompétence manque en fait et ne peut qu'être écarté.

10. En second lieu, aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. ". Toutefois, une somme indûment versée par une personne publique à l'un de ses agents au titre de sa rémunération peut, en principe, être répétée dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne puisse plus légalement être retirée. Il s'ensuit, que M. D..., n'est pas fondé à soutenir que le préfet ne pouvait lui demander de restituer la somme de 3 000 euros qui lui a été versée en méconnaissance des dispositions rappelées aux points 3 à 5.

11. Il résulte de tout ce qui précède, que le ministre de l'intérieur et des outre-mer est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé la décision du 23 octobre 2020 du préfet de police de Paris et a déchargé M. D... de l'obligation de rembourser la somme de 3 000 euros. Pour le même motif, c'est à tort que le tribunal administratif a enjoint au ministre de rembourser les sommes prélevées sur le salaire de l'intéressé, avec intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2020.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2002615 du tribunal administratif de Caen en date du 2 mars 2022 est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Caen par M. D... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... D....

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président,

- Mme Gélard, première conseillère,

- M. Pons, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 décembre 2023.

La rapporteure,

V. GELARDLe président,

O. COIFFET

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT01328


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01328
Date de la décision : 19/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-19;22nt01328 ?
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