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19/12/2023 | FRANCE | N°22LY03316

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 19 décembre 2023, 22LY03316


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure

I) Par une demande enregistrée sous le n° 1904349, la SCCV Cervens l'Oratoire a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 7 mai 2019 par lequel le maire de la commune de Cervens a refusé de lui délivrer un permis de construire valant permis de démolir pour la réalisation d'un immeuble de dix-huit logements et de garages.



II) Par une demande enregistrée sous le n° 2002758, la SCCV Cervens l'Oratoire a demandé au tribunal administratif de Grenob

le d'annuler l'arrêté du 16 mars 2020 par lequel le maire de la commune de Cervens a refusé ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

I) Par une demande enregistrée sous le n° 1904349, la SCCV Cervens l'Oratoire a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 7 mai 2019 par lequel le maire de la commune de Cervens a refusé de lui délivrer un permis de construire valant permis de démolir pour la réalisation d'un immeuble de dix-huit logements et de garages.

II) Par une demande enregistrée sous le n° 2002758, la SCCV Cervens l'Oratoire a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 16 mars 2020 par lequel le maire de la commune de Cervens a refusé de lui délivrer un permis de construire valant permis de démolir pour la réalisation d'un immeuble de dix-huit logement et de garages.

Par un jugement n°s 1904349, 2002758 du 19 septembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 7 mai 2019 et a rejeté le surplus des demandes de la SCCV Cervens l'Oratoire.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 novembre 2022 et le 27 avril 2023, la SCCV Cervens l'Oratoire, représentée par Me Eard-Aminthas, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 septembre 2022 en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions présentées en première instance ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 mars 2020 du maire de la commune de Cervens ;

3°) d'enjoindre à la commune de Cervens de lui délivrer le permis de construire C 74053 19 B0016 demandé le 23 décembre 2019, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Cervens une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme a été méconnu et l'arrêté du 16 mars 2020 est entaché d'un détournement de pouvoir ;

- le projet ne méconnaît ni l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, ni l'article UA 3 du règlement du plan local d'urbanisme ; à tout le moins, le maire aurait dû délivrer le permis de construire assorti, le cas échéant, de prescriptions spéciales ;

- le jugement est illégal pour avoir écarté ces moyens ;

- c'est à juste titre que le tribunal administratif a accueilli le moyen tiré de ce que le projet ne méconnaît pas l'article UA 11.3 du règlement du plan local d'urbanisme.

Par un mémoire enregistré le 10 février 2023, la commune de Cervens, représentée par Me Gonnet, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la SCCV Cervens l'Oratoire au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 25 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 9 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu à l'audience publique :

- le rapport de Mme Mehl-Schouder, présidente-rapporteure,

- les conclusions de Mme Conesa-Terrade, rapporteure publique,

- et les observations de Me Malle, représentant la SCCV Cervens l'Oratoire, et de Me Peyronnard, représentant la commune de Cervens.

Considérant ce qui suit :

1. La SCCV Cervens l'Oratoire a déposé le 3 décembre 2018 une demande de permis de construire valant permis de démolir pour la réalisation d'un immeuble de dix-huit logements et de garages sur les parcelles cadastrées section ZM n°... situées route de l'Oratoire à Cervens. Par un premier arrêté du 7 mai 2019, le maire de Cervens a refusé de délivrer ce permis. La pétitionnaire a déposé une nouvelle demande le 23 décembre 2019 pour le même projet, en modifiant le dispositif de gestion des eaux pluviales afin de répondre au motif qui fondait le premier refus. Par un second arrêté du 16 mars 2020, le maire de Cervens a refusé une nouvelle fois le permis de construire sollicité, pour des motifs tirés du risque pour la sécurité publique et de l'insertion du projet dans son environnement. La SCCV Cervens l'Oratoire a demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation respective de ces deux arrêtés du 7 mai 2019 et du 16 mars 2020. Le tribunal administratif de Grenoble, qui a joint ces deux demandes, a annulé l'arrêté du 7 mai 2019 mais a rejeté la demande de la SCCV Cervens l'Oratoire dirigée contre l'arrêté du 16 mars 2020. Cette dernière relève appel de ce jugement dans cette mesure.

Sur la légalité de l'arrêté du 16 mars 2020 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. / Cette motivation doit indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet ou d'opposition, notamment l'ensemble des absences de conformité des travaux aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6 (...) ".

3. Ces dispositions ne font ni obstacle à ce qu'à la suite de l'annulation contentieuse d'un refus de permis de construire, prononcée sans injonction de délivrance, un nouveau refus soit opposé pour d'autres motifs, ni à ce que l'administration présente, au cours d'une instance dirigée contre un refus de permis de construire, une demande de substitution de motifs. A fortiori, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que, suite à un premier refus de permis de construire reposant sur un motif entaché d'illégalité, le maire oppose un refus à une seconde demande de permis de construire, en faisant valoir un nouveau motif de nature à justifier légalement un tel refus et fondé sur les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme doit être écarté ainsi que celui tiré du détournement de pouvoir, le caractère dilatoire de ce second refus de permis de construire n'étant d'ailleurs pas démontré.

4. En second lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". Aux termes de l'article UA 3 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) applicable, invoqué en première instance par la commune en substitution à l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme : " 3.0 - Généralités. / Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de prescriptions spéciales si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant cet accès. / Cette sécurité doit être appréciée compte tenu, notamment, de la position des accès, de leur configuration ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic. 3.1 - Accès. / Le nombre des accès sur les voies publiques, et en particulier sur les routes départementales, peut être limité dans l'intérêt de la sécurité. Une opération peut être interdite si ses accès provoquent une gêne ou des risques pour la sécurité publique. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que l'immeuble projeté comporte dix-huit logements et quarante places de stationnements et que son accès se trouve sur la route départementale n° 125 dite de l'Oratoire, à forte proximité d'un carrefour. Le gestionnaire de la voie a relevé, dans différents avis émis dans le cadre des deux demandes de permis de construire, que si l'accès est suffisamment large pour permettre les manœuvres des véhicules et leur croisement dans des conditions de sécurité satisfaisantes, la visibilité, limitée à environ 30 mètres à droite et 40 mètres à gauche, est toutefois insuffisante, car la route présente un tracé sinueux. ll souligne également un manque de visibilité dû à la présence de masques visuels à droite de l'accès, résultant en particulier du mur du garage existant sur la parcelle voisine. Il met en avant l'existence de risques de collision arrière sur un véhicule immobilisé sur la chaussée en attente pour tourner à gauche, de même que des risques de collisions latérales, liées au mouvement sortant vers la route départementale, et en déduit qu'un aménagement du carrefour est nécessaire, c'est-à-dire des aménagements nécessitant des travaux sur le domaine public routier. L'avis favorable rendu le 8 mars 2019 par le gestionnaire de la voirie sur ce projet était ainsi, de fait, conditionné à la réalisation de cet aménagement, dont la perspective était alors envisagée, afin de sécuriser la desserte du projet. Les pièces produites permettent suffisamment d'établir la configuration de l'accès et les éléments de visibilité ainsi relevés par le gestionnaire de la voie, et les circonstances que le trafic sur cette route départementale serait inférieur à celui d'autres axes de circulation proches et que les services compétents n'auraient pas comptabilisé le trafic ni produit de rapport d'accidentologie ne sont pas de nature à établir l'absence alléguée d'atteinte à la sécurité publique. S'il est vrai que la commune semble avoir envisagé de faire procéder à cet aménagement pendant un temps, celui-ci n'a pas été réalisé et, à la date de la décision en litige, sa réalisation était aléatoire, les échanges de mails produits en appel par la requérante ne permettant pas plus de considérer que la réalisation d'un projet d'aménagement répondant aux conditions de sécurité nécessaires était suffisamment proche et certaine. Par ailleurs, la circonstance que la société pétitionnaire aurait été disposée à prendre en charge des travaux d'aménagement de la sortie du projet par la réalisation d'un plateau et d'un trottoir, ce que la commune n'aurait pas ignoré, est sans incidence en l'état des pièces du dossier. Eu égard à ces circonstances, et alors au demeurant que des prescriptions ne peuvent apporter au projet des modifications substantielles nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, la commune n'était pas en mesure d'accorder le permis sollicité en l'assortissant de prescriptions spéciales permettant d'assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires. Enfin, en tout état de cause, le certificat d'urbanisme opérationnel du 2 octobre 2018, qui mentionnait la nécessité d'un aménagement sur la route départementale 125 au niveau de la sortie pour protéger les véhicules et les piétons, ne créait pas de droits acquis à la délivrance d'un permis de construire avec des prescriptions. Ainsi, en refusant le permis de construire au motif que les accès au projet n'étaient pas de nature à assurer la sécurité des usagers, et que le projet en litige était, dès lors, de nature à porter atteinte à la sécurité publique, le maire de la commune de Cervens n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article UA3 du règlement du PLU de la commune et n'a pas commis d'erreur d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

6. Il résulte de ce qui précède que la SCCV Cervens l'Oratoire n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus de ses conclusions. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCCV Cervens l'Oratoire la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Cervens dans l'instance et non compris dans les dépens en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Cervens, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse quelque somme que ce soit à la SCCV Cervens l'Oratoire au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SCCV Cervens l'Oratoire est rejetée.

Article 2 : La SCCV Cervens l'Oratoire versera la somme de 1 500 euros à la commune de Cervens au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCCV Cervens l'Oratoire et à la commune de Cervens.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente-rapporteur,

Mme Anne-Gaëlle Mauclair, première conseillère,

Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2023.

La présidente-rapporteure,

M. Mehl-Schouder

La première conseillère la plus ancienne,

A.- G. MauclairLa greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY03316


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03316
Date de la décision : 19/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Monique MEHL-SCHOUDER
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : GONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-19;22ly03316 ?
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