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19/12/2023 | FRANCE | N°22BX00821

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 19 décembre 2023, 22BX00821


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :



La société à responsabilité limitée (SARL) A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler quatre arrêtés du 2 octobre 2019 par lesquels le préfet des Pyrénées-Atlantiques, d'une part, a ordonné la consignation d'une somme de 34 369,46 euros correspondant au coût d'évacuation des déchets et des travaux de réhabilitation de parcelles dont elle est propriétaire sur la commune de Gelos, d'autre part, lui a infligé une amende de 3 000 euros pour non-respect de la mise en demeure pro

noncée le 12 décembre 2018, enfin, a liquidé partiellement l'astreinte prononcée à son...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler quatre arrêtés du 2 octobre 2019 par lesquels le préfet des Pyrénées-Atlantiques, d'une part, a ordonné la consignation d'une somme de 34 369,46 euros correspondant au coût d'évacuation des déchets et des travaux de réhabilitation de parcelles dont elle est propriétaire sur la commune de Gelos, d'autre part, lui a infligé une amende de 3 000 euros pour non-respect de la mise en demeure prononcée le 12 décembre 2018, enfin, a liquidé partiellement l'astreinte prononcée à son encontre pour un montant de 22 876 euros, au titre de la période du 13 décembre 2018 au 3 juin 2019 du fait du non-respect des articles 1 et 2 de l'arrêté de mise en demeure du 3 novembre 2017, ainsi que l'astreinte prononcée à son encontre pour un montant de 12 525 euros au titre de la période du 18 décembre 2018 au 3 juin 2019 du fait du non-respect de l'article 3 du même arrêté de mise en demeure.

Par un jugement n° 1902928, 1902932, 1902934, 1902935 du 29 décembre 2021, le tribunal administratif de Pau a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté ordonnant la consignation de la somme de 34 369,46 euros, a abrogé l'arrêté du 2 octobre 2019 infligeant à la société une amende de 3 000 euros et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 mars 2022 et le 10 novembre 2023, la SARL A..., représentée par Me Moutier, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de confirmer le jugement du 29 décembre 2021 en tant qu'il prononce le non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté ordonnant la consignation de la somme de 34 369,46 euros et qu'il abroge l'arrêté du 2 octobre 2019 infligeant à la société une amende de 3 000 euros ;

2°) d'annuler le jugement du 29 décembre 2021 du tribunal administratif de Pau en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions ;

3°) d'annuler les arrêtés du 2 octobre 2019 du préfet des Pyrénées-Atlantiques portant liquidation des astreintes ;

4°) à titre subsidiaire, de fixer à 1 euro la liquidation de l'astreinte de chacun de ces arrêtés ;

5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient, en ce qui concerne les arrêtés n°3124/2019/065 et n°3124/2019/064 du 2 octobre 2019, que :

- ils sont privés de base légale en raison de l'illégalité des arrêtés n° 3124/17/53 du 3 novembre 2017, 3124/18/68 du 16 août 2018 et 3124/18/99 du 12 décembre 2018, qui mentionnent M. B... A... et non la SARL A... et visent des parcelles qui n'accueillent plus les activités de la SARL ;

- la SARL A... n'exerce pas d'activité de transit et de regroupement ou tri de déchets ;

- l'activité n'est pas exercée dans un site Natura 2000.

- les astreintes prononcées sont disproportionnées au regard des manquements constatés, les déchets présents sur le site étant uniquement liés à son activité de chaudronnerie ;

- c'est à tort que le tribunal, constatant l'exécution complète des arrêtés en litige, n'a pas annulé les arrêtés n° 3124/2019/065 et n° 3124/2019/064 du 2 octobre 2019 liquidant partiellement les astreintes prononcées à son encontre ;

- l'arrêté n° 3124/2019/064 du 2 octobre 2019 liquidant la somme de 12 525 euros correspondant à l'application de l'astreinte de 75 euros par jour au cours de la période allant du 18 décembre 2018 au 4 juin 2019 est illégal dès lors que la dépollution de surface a été finalisée dès le 16 mars 2018, ainsi que le relève le rapport de l'ICPE du 25 septembre 2020 ;

- cette astreinte ne pouvait être liquidée dès lors que la localisation exacte des parcelles n'a été communiquée que le 15 octobre 2020.

Par un mémoire enregistré le 17 octobre 2023, le ministre de la transition écologique et de la transition des territoires conclut au non-lieu à statuer sur les arrêtés n° 3124/2019/072 et 3124/2019/73 du 2 octobre 2019 et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés sont infondés.

Par une ordonnance du 20 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sébastien Ellie,

- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL A... exerce notamment une activité de chaudronnerie sur les parcelles cadastrées AC n° 4, n° 18p et n° 19 sur la commune de Gelos. Le 28 août 2017, l'inspecteur de l'environnement en charge des installations classées a constaté que cette société exploitait sur ces parcelles une activité non déclarée de stockage de déchets relevant du transit et regroupement de déchets non dangereux de papiers, cartons, plastiques, caoutchouc, textiles, bois, ainsi qu'une activité de transit et regroupement de déchets non dangereux non inertes et une activité de transit et regroupement de déchets contenant des substances dangereuses, relevant respectivement des rubriques 2714, 2716 et 2718 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement. Par un arrêté du 3 novembre 2017, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a mis en demeure M. A... de cesser son activité, d'évacuer les déchets, de transmettre un diagnostic de l'état des sols et de remettre le site en état. A la suite de plusieurs visites d'inspection, le préfet des Pyrénées-Atlantiques, par un arrêté n°3124/18/68 du 16 août 2018, a décidé de prononcer une astreinte administrative de 133 euros par jour jusqu'à ce que les prescriptions des articles 1 et 2 de la mise en demeure du 3 novembre 2017 soient satisfaites. Après une nouvelle visite d'inspection, le préfet a, par un arrêté n° 3124/18/99 du 12 décembre 2018, prononcé une seconde astreinte administrative de 75 euros par jour jusqu'à ce que les prescriptions de l'article 3 de la mise en demeure initiale du 3 novembre 2017 soient satisfaites. Après une nouvelle inspection des lieux constatant que le site était toujours dans le même état, le préfet, par un arrêté n° 3124/18/101 du 12 décembre 2018, a de nouveau mis en demeure M. A... de procéder à l'évacuation des déchets et de déposer un dossier de régularisation ou de cessation d'activité. En l'absence d'exécution des précédentes mises en demeure, le préfet a, en vertu de quatre arrêtés en date du 2 octobre 2019, d'une part, engagé la procédure de consignation pour un montant de 34 369,46 euros en vue d'obtenir l'exécution de l'article 2 de la mise en demeure du 3 novembre 2017 et de l'article 4.1 de la mise en demeure du 12 décembre 2018 - arrêté n° 3124/2019/072 -, d'autre part, prononcé une amende administrative d'un montant de 3 000 euros pour non-respect de la mise en demeure du 12 décembre 2018 - arrêté n° 3124/2019/073 -, et enfin, liquidé les astreintes instituées par les arrêtés du 16 août 2018 et du 12 décembre 2018, pour la période du 13 décembre 2018 au 3 juin 2019 à la somme de 22 876 euros - arrêté n° 3124/2019/065, et pour la période du 18 décembre 2018 au 3 juin 2019 à la somme de 12 525 euros - arrêté n° 3124/2019/064. La SARL A... relève appel du jugement du 29 décembre 2021 en tant que le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 2 octobre 2019 n° 64 et 65 liquidant les astreintes.

2. En premier lieu, si l'arrêté n° 3124/17/53 du 3 novembre 2017 mentionnent M. B... A... et non la SARL A..., et si les arrêtés n° 3124/18/68 du 16 août 2018 et 3124/18/99 du 12 décembre 2018 comportent la même erreur selon la requérante, qui ne produit cependant pas ces deux derniers arrêtés au soutien de ses allégations, ces décisions doivent en tout état de cause être regardées comme désignant M. A... en sa qualité de gérant de la SARL A..., que mentionne l'extrait Kbis du registre du commerce et des sociétés. De plus, les termes mêmes de l'arrêté du 3 novembre 2017 ne sont pas de nature à considérer que le préfet aurait entendu s'adresser à une autre société que celle dont M. A... est le gérant.

3. En deuxième lieu, contrairement aux allégations de la SARL requérante, les arrêtés contestés ne sont pas fondés sur le fait que les parcelles de terrain en cause se situent au sein d'une zone Natura 2000 de sorte que le moyen tiré de l'erreur matérielle commise par le préfet dans la localisation du terrain doit en tout état de cause être écarté.

4. En troisième lieu, l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative que si cette dernière a été prise pour son application ou s'il en constitue la base légale. Il en résulte que la SARL A... ne peut utilement soutenir que les arrêtés n° 3124/2019/065 et n° 3124/2019/064 du 2 octobre 2019 seraient dépourvus de base légale en raison de l'illégalité des arrêtés n° 3124/2019/072 et n° 3124/2019/073 du 2 octobre 2019 dès lors qu'ils n'ont pas été édictés pour l'application de ces derniers.

5. En quatrième lieu, la société reprend en appel, sans critique utile du jugement, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation, de l'erreur commise quant aux références des parcelles concernées et du caractère disproportionné des astreintes prononcées. Elle ne fait valoir aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

6. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, (...) ". Aux termes de l'article L. 514-4 du même code : " Lorsque l'exploitation d'une installation non comprise dans la nomenclature des installations classées présente des dangers ou des inconvénients graves pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, le préfet, après avis-sauf cas d'urgence-du maire et de la commission départementale consultative compétente, met l'exploitant en demeure de prendre les mesures nécessaires pour faire disparaître les dangers ou les inconvénients dûment constatés. Faute par l'exploitant de se conformer à cette injonction dans le délai imparti, il peut être fait application des mesures prévues à l'article L. 171-8 ". Au titre des sanctions administratives prévues par l'article L. 171-8 du code de l'environnement, l'autorité administrative peut notamment " ordonner le paiement d'une amende administrative au plus égale à 15 000 €, (...) et une astreinte journalière au plus égale à 1 500 € applicable à partir de la notification de la décision la fixant et jusqu'à satisfaction de la mise en demeure ou de la mesure ordonnée ".

7. Au cours de la visite sur les lieux effectuée le 8 octobre 2018, l'inspecteur de l'environnement a constaté le dépôt non déclaré de déchets de métaux. En outre, le rapport d'inspection du 4 juin 2019 est accompagné de photographies qui révèlent la persistance de déchets de métaux, les constats de ce rapport faisant foi jusqu'à preuve du contraire. Pour contester les constatations effectuées par l'inspecteur de l'environnement, la société produit un rapport d'expertise du 18 septembre 2018 réalisé par la société Antinea qui constate que l'atelier mécanique est en grand désordre mais que les éléments présents (plieuse, cisaille, postes de soudure) sont en relation avec l'activité de la société. L'auteur du rapport considère également que les déchets présents sur le site, qu'ils soient métalliques ou ménagers, sont compatibles avec l'activité de l'entreprise. Toutefois, les arrêtés en cause sont fondés sur les dispositions de l'article L. 514-5 du code de l'environnement, lequel renvoie à l'article L. 514-4 précité, les conditions d'exploitation de l'activité de la SARL A..., même non comprise dans la nomenclature des installations classées, présentant des risques pour l'environnement et justifiant ainsi les mesures imposées par le préfet. La société requérante ne peut ainsi utilement soutenir que les métaux et autres matériaux situés sur le terrain ne pouvaient recevoir la qualification de déchets au sens du code de l'environnement et que la présence de ces métaux et matériaux ne traduit pas l'exercice d'une activité relevant de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement.

8. En sixième lieu, il résulte du rapport de l'inspecteur de l'environnement du 4 juin 2019 qu'à la date des arrêtés en cause, l'évacuation des matériaux telle que prescrite par l'arrêté de mise en demeure n'était pas finalisée alors que la période prise en compte par les arrêtés en litige court des 13 et 18 décembre 2018 au 3 juin 2019. Par ailleurs, l'arrêté portant déconsignation de la somme de 34 369,46 euros, au regard de l'exécution complète des prescriptions précitées, n'a pas le même objet et procède du constat effectué par l'inspecteur de l'environnement le 17 février 2021, soit postérieurement à la période ayant servi de base au calcul des astreintes en litige. Par suite le moyen tiré de ce que les deux arrêtés attaqués sont entachés d'illégalité en raison de l'exécution complète des prescriptions de l'arrêté de mise en demeure du 3 novembre 2017 doit être écarté.

9. En septième lieu, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que la dépollution et la remise en état du site aurait été exécutée à la date du 16 mars 2018 conformément aux prescriptions de l'article 3 de l'arrêté de mise en demeure du 3 novembre 2017. Par suite, le moyen tiré de ce que la somme de 12 525 euros correspondant à l'application de l'astreinte de 75 euros par jour au cours de la période allant du 18 décembre 2018 au 3 juin 2019 ne pouvait être liquidée dès lors que la dépollution de surface aurait été finalisée à cette date doit être écarté.

10. En dernier lieu, la localisation des parcelles en cause ne fait l'objet d'aucune ambigüité, la société ayant elle-même diligenté une expertise contradictoire mentionnant la localisation exacte de ces parcelles le 18 septembre 2018 et ayant fait constater par un huissier de justice l'état de son site le 30 septembre 2019.

11. Il résulte de ce qui précède que la SARL A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés n° 3124/2019/064 et n° 3124/2019/065 du 2 octobre 2019.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la SARL A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL A... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée pour information au préfet des Pyrénées-Atlantiques.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. Sébastien Ellie, premier conseiller,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2023.

Le rapporteur,

Sébastien EllieLa présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX00821


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00821
Date de la décision : 19/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Sébastien ELLIE
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : TUCOO-CHALA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-19;22bx00821 ?
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