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19/12/2023 | FRANCE | N°21BX04061

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 19 décembre 2023, 21BX04061


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :





La société à responsabilité limitée (SARL) Les Capucins a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014 et des pénalités correspondantes.



Par un jugement n° 1802565 du 29 juillet 2021, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 octobre 2021, la société Les Capucins, représentée par Me Alain Nonnon, demande à la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Les Capucins a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1802565 du 29 juillet 2021, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 octobre 2021, la société Les Capucins, représentée par Me Alain Nonnon, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1802565 du 29 juillet 2021 du tribunal administratif de Pau ;

2°) prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014 et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'ordonnance du président du tribunal de commerce d'Auch du 9 décembre 2016 qui a désigné Mme Duc comme son mandataire ad hoc est inopposable dès lors que, d'une part, Mme Duc n'a pas accepté sa désignation en tant que mandataire ad hoc et d'autre part, elle n'a pu contester cette ordonnance qui ne lui a pas été signifiée et qui ne comportait pas les voies et délais de recours ;

- la procédure d'établissement de l'impôt a donc été menée avec une personne qui n'avait pas qualité pour représenter la société et le caractère contradictoire de la procédure de vérification n'a pas été respecté ;

- l'indemnité d'assurance d'un montant de 161 430 euros, perçue le 5 décembre 2014 était acquise dans son principe, sinon dans son quantum, à la date du sinistre et non à la date de son versement ; en conséquence, elle se rattache à l'exercice 2012, exercice prescrit à la date de la procédure de vérification ;

- les revenus doivent être considérés comme ayant été distribués à la date de cessation d'activité de la société ; en conséquence, aucune des sommes qu'elle a versées à ses associés ou à sa liquidatrice au cours de la période de liquidation ne saurait être regardée comme une distribution imposable au titre de l'article 111 - c du code général des impôts.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 mars 2022, le ministre de l'économie et des finances publiques conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est tardive ;

- la contestation des revenus distribués est étrangère à l'impôt mis à la charge de la société ; le moyen est irrecevable ;

- les moyens soulevés par la société Les Capucins ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 10 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de procédure civile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Edwige Michaud, rapporteure,

- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Les Capucins, dont M. et Mme Duc étaient cogérants et détenaient respectivement 21% et 30% des parts, exerçait une activité de boucherie-charcuterie et de traiteur. A la suite d'un incendie survenu le 8 octobre 2012, elle a dû interrompre son activité. Cette société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, prorogée jusqu'au 5 août 2016 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Par une proposition de rectification du 20 mars 2017 confirmée le 20 juin 2017, le service a rehaussé le résultat imposable de la société Les Capucins au titre de l'exercice clos en 2014 à hauteur de la somme de 161 430 euros correspondant à une indemnité d'assurance perçue par l'entreprise à la suite de l'incendie. Des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, assorties des intérêts de retard et de la majoration de l'article 1728-1 a du code général des impôts ont été mises en recouvrement le 4 mai 2018 pour un montant total de 55 623 euros. La société Les Capucins a formé une réclamation le 2 juillet 2018 qui a été rejetée par l'administration le 28 septembre 2018. Par un jugement n°1802565 du 29 juillet 2021, le tribunal administratif de Pau a rejeté la demande de la société Les Capucins de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014 et des pénalités correspondantes. La SARL Les Capucins relève appel du jugement du 29 juillet 2021 du tribunal administratif de Pau.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : "Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification". Aux termes de l'article 1844-7 du code civil : "La société prend fin : (...) 4° Par la dissolution anticipée décidée par les associés". Aux termes de l'article 1844-8 du même code : "La dissolution de la société entraîne sa liquidation (...) Le liquidateur est nommé conformément aux dispositions des statuts. Dans le silence de ceux-ci, il est nommé par les associés ou, si les associés n'ont pu procéder à cette nomination, par décision de justice (...) La personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu'à la publication de la clôture de celle-ci. (...)". Aux termes de l'article L. 237-2 du code de commerce : " (...) La dissolution d'une société ne produit ses effets à l'égard des tiers qu'à compter de la date à laquelle elle est publiée au registre du commerce". Et aux termes de l'article R. 237-9 du même code : "La société est radiée du registre du commerce et des sociétés sur justification de l'accomplissement des formalités prévues par les articles R. 237-7 et R. 237-8".

3. En application de ces dispositions, une société prend fin par la dissolution anticipée décidée par ses associés et le mandat de son liquidateur amiable s'achève lors de la clôture des opérations de liquidation. Si la personnalité morale d'une société commerciale subsiste aussi longtemps que les droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés, la société ne peut plus être représentée postérieurement à la date de clôture de la liquidation que par un administrateur ad hoc désigné par la juridiction compétente. Par suite, lorsque la liquidation de la société a été clôturée et que la mention de cette liquidation a été faite au registre du commerce, l'avis de vérification de comptabilité et l'ensemble des pièces de la procédure de vérification doivent être adressés à un administrateur ad hoc de la société désigné en justice, le cas échéant à la demande de l'administration.

4. Aux termes de l'article 495 du code de procédure civile : " L'ordonnance sur requête est motivée. / Elle est exécutoire au seul vu de la minute. / Copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée. ". Aux termes de l'article 496 du même code : " S'il n'est pas fait droit à la requête, appel peut être interjeté à moins que l'ordonnance n'émane du premier président de la cour d'appel. Le délai d'appel est de quinze jours. L'appel est formé, instruit et jugé comme en matière gracieuse. / S'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance. ".

5. Il est constant que la société Les Capucins a fait l'objet d'une dissolution anticipée, publiée au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) le 26 septembre 2013. En application des dispositions citées au point 2, la personnalité morale de cette société a donc subsisté, pour les besoins de la liquidation, jusqu'au 26 septembre 2013. La radiation d'office du registre du commerce et des sociétés a été décidée par le greffe du tribunal de commerce et publiée au BODACC le 5 août 2016. Puis, l'administration fiscale a formé le 4 novembre 2016, auprès du tribunal de commerce, une demande tendant à la nomination d'un mandataire ad hoc pour la société. Par une ordonnance du 9 décembre 2016, le président du tribunal de commerce d'Auch a désigné Mme Duc comme mandataire ad hoc de la société Les Capucins.

6. Il résulte de l'instruction que dans son courrier du 23 mai 2017 adressé à la direction départementale des finances publiques du Gers, Mme Duc a reconnu avoir eu notification de l'ordonnance du président du tribunal de commerce d'Auch du 9 décembre 2016. D'une part, la circonstance que cette notification ne comportait pas les voies de recours prévues par l'article 496 du code de procédure civile, n'empêchait pas Mme Duc de faire appel de cette ordonnance, même au-delà du délai d'appel de 15 jours. Or la société Les Capucins n'allègue ni n'établit que Mme Duc aurait fait appel de cette ordonnance. D'autre part, il résulte de l'article 495 du code de procédure civile que l'ordonnance sur requête est exécutoire au seul vu de la minute. Son caractère exécutoire n'est donc pas subordonné à sa signification préalable au défendeur ni à l'acceptation expresse du mandat. Dans ces conditions, la désignation était exécutoire dès le début du contrôle, le 21 décembre 2016, date de l'avis de vérification adressé à Mme Duc en sa qualité de mandataire ad hoc. Dès lors, et contrairement à ce que soutient la société requérante, Mme Duc qui était présente aux opérations de vérification avec son conjoint, co-associé, était bien habilitée à représenter la société en sa qualité de mandataire ad hoc dès le 21 décembre 2016. Par suite, la société Les Capucins n'est pas fondée à soutenir que l'ordonnance du 9 décembre 2016 n'était opposable ni à Mme Duc ni à elle-même et que le caractère contradictoire de la procédure de vérification n'a pas été respecté.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

7. En premier lieu, aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. 2 bis. Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services. / Toutefois, ces produits doivent être pris en compte : a. Pour les prestations continues rémunérées notamment par des intérêts ou des loyers et pour les prestations discontinues mais à échéances successives échelonnées sur plusieurs exercices, au fur et à mesure de l'exécution ; b. Pour les travaux d'entreprise donnant lieu à réception complète ou partielle, à la date de cette réception, même si elle est seulement provisoire ou faite avec réserves, ou à celle de la mise à la disposition du maître de l'ouvrage si elle est antérieure. / La livraison au sens du premier alinéa s'entend de la remise matérielle du bien lorsque le contrat de vente comporte une clause de réserve de propriété. / Ces dispositions s'appliquent à la détermination des résultats imposables des exercices clos à compter du 31 décembre 1978. Les produits qui, en application de la législation précédemment en vigueur, ont déjà servi à la détermination des résultats d'exercices antérieurs sont déduits pour la détermination des résultats des exercices auxquels les sommes correspondantes doivent désormais être rattachées. (...). ".

8. Si en application de l'article 38 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition 2014, les créances nées au cours d'un exercice doivent, en principe, entrer en compte pour la détermination du bénéfice imposable dudit exercice, alors même qu'elles n'auraient pas encore été recouvrées au moment de la clôture des opérations de cet exercice, il n'en est pas ainsi dans le cas où les créances, bien que nées au cours de l'exercice, demeurent incertaines à sa clôture, soit dans leur principe, soit dans leur montant.

9. La SARL Les Capucins, qui a été imposée selon une procédure de rectification contradictoire, a présenté des observations dans le délai de trente jours suivant la réception de la proposition de rectification. Il incombe dès lors à l'administration fiscale d'établir l'existence et le montant du produit en litige.

10. Il ressort des pièces du dossier que la société Les Capucins a perçu, à la suite de l'incendie survenu le 8 octobre 2012, différentes indemnités d'assurance de la part de sa compagnie d'assurance. Tout d'abord, elle a bénéficié en 2012 d'une indemnité de dommages directs, à hauteur d'un montant 294 450 euros. Cette somme a été déclarée dans la catégorie des produits exceptionnels au titre de l'exercice 2012. Au titre de l'exercice 2013, elle a perçu 22 311 euros comptabilisés en autres produits. Enfin, au titre de 2014, la société Les Capucins a perçu une nouvelle indemnité en règlement de la perte partielle de la valeur vénale du fonds de commerce pour un montant de 161 430 euros. L'indemnité d'assurance perçue par la société intervenant en contrepartie de la perte partielle de la valeur vénale du fonds de commerce, élément incorporel de l'actif de la société, constitue une plus-value au sens de l'article 38 du code général des impôts qui doit être prise en compte dans le résultat imposable de l'exercice au cours duquel elle a été réalisée. Cependant, il résulte de l'instruction que l'indemnité d'un montant de 161 430 euros n'a été ni comptabilisée, ni déclarée par la société les Capucins. Cette créance était certaine dans son principe en 2012, du fait de l'intervention du sinistre au cours de cette année, mais son montant ne peut être regardé comme certain dès avant 2014, la quittance d'indemnité du sinistre clôturant la procédure d'indemnisation ayant été signée seulement le 8 décembre 2014 ainsi que l'établit l'administration fiscale sans qu'aucun élément de l'instruction ne permette d'estimer que les éléments de calcul de l'indemnité étaient connus avant cette date. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a rattaché le produit d'un montant de 161 430 euros à l'exercice clos en 2014.

11. Enfin, la société Les Capucins ne saurait utilement soutenir que les revenus perçus après sa liquidation ne peuvent être imposés comme revenus distribués dès lors qu'aucune imposition n'a été mise à sa charge à raison de revenus distribués.

12. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par l'administration en défense, les conclusions à fin de décharge présentées par la société Les Capucins doivent être rejetées, y compris celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Les Capucins est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Les Capucins et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. Sébastien Ellie, premier conseiller,

Mme Edwige Michaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2023.

La rapporteure,

Edwige MichaudLa présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX04061


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX04061
Date de la décision : 19/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Edwige MICHAUD
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : SCP NONNON - FAIVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-19;21bx04061 ?
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