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15/12/2023 | FRANCE | N°23NT02605

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 15 décembre 2023, 23NT02605


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 9 janvier 2023 par lequel le préfet du Morbihan a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement d'office.



Par un jugement n° 2300611 du 3 mai 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cou

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Par une requête enregistrée le 29 août 2023, M. C... A..., représenté par Me Roilette, demande à la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 9 janvier 2023 par lequel le préfet du Morbihan a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement d'office.

Par un jugement n° 2300611 du 3 mai 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 août 2023, M. C... A..., représenté par Me Roilette, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 3 mai 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 janvier 2023 du préfet du Morbihan ;

3°) d'enjoindre au préfet du Morbihan de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente de cet examen, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la requête est présentée dans le délai de recours contentieux, dès lors que sa demande d'aide juridictionnelle a interrompu le délai de recours contentieux ;

- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une méconnaissance des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2023, le préfet du Morbihan conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er août 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Lellouch a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., ressortissant turc né le 6 septembre 1992, déclare être entré en France le 3 mars 2019. Interpelé le 4 mars 2019 par la police aux frontières, le préfet de Haute-Savoie a pris à son encontre une mesure d'obligation de quitter le territoire français sans délai, assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Le 27 mars 2019, M. A... a présenté une demande d'asile, examinée dans le cadre de la procédure accélérée, définitivement rejetée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 14 octobre 2019. Le 7 janvier 2021, il a fait l'objet d'un nouvel arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour en France pendant un an. M. A... a sollicité le 29 août 2022 la régularisation de sa situation administrative sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 9 janvier 2023, le préfet du Morbihan a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 3 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, le refus de titre de séjour litigieux se réfère expressément aux articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et indique que rien n'établit ni que M. A... aurait été empêché de solliciter un visa pour rejoindre régulièrement son épouse, titulaire d'une carte de résident en France, et leur fille B..., ni que son épouse ne pourrait présenter une demande de regroupement familial afin qu'il la rejoigne régulièrement, ni enfin qu'ils ne pourraient pas reconstituer leur cellule familiale en Turquie dont son épouse est également originaire. Ce refus de séjour, qui n'avait pas à reprendre de manière exhaustive l'ensemble des éléments relatifs à sa situation personnelle et familiale, comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de son insuffisante motivation doit dès lors être écarté.

3. En deuxième lieu, il ressort des motifs de la décision litigieuse que le préfet du Morbihan a procédé à un examen particulier de sa situation personnelle.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est marié en 2016 en Turquie avec une compatriote titulaire d'une carte de résident sur le territoire français. Ils ont eu une fille née en France le 18 septembre 2017. Les époux ne justifient d'une vie commune qu'après l'entrée irrégulière sur le territoire national de M. A... en 2019. Ce dernier, en sa qualité d'époux d'une résidente de longue durée, entre dans le champ du regroupement familial et a ainsi la possibilité de venir légalement en France rejoindre son épouse et leur fille dans le cadre de cette procédure sous réserve que son épouse remplisse les conditions de ressources et de logement. Enfin, M. A... a fait l'objet, avant l'intervention du refus de titre litigieux, de deux mesures d'obligation de quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour en France pendant un an, par arrêtés des 4 mars 2019 et7 janvier 2021. Les recours formés contre ces arrêtés ont été rejetés par le tribunal administratif de Rennes et, s'agissant de l'arrêté de 2021, par la cour administrative de Nantes le 17 décembre 2021. Dans ces conditions, et alors même que le requérant justifie d'une promesse d'embauche en qualité de maçon, ainsi que d'une inscription à un cours d'apprentissage de la langue française sans d'ailleurs établir avoir suivi cette formation, le préfet du Morbihan n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.

6. En outre, au vu des éléments qui viennent d'être rappelés relatifs à la situation personnelle et familiale de M. A..., et à ses conditions de séjour sur le territoire français, le préfet du Morbihan n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que M. A... ne se prévalait ni de considérations humanitaires ni de circonstances exceptionnelles permettant de justifier son admission exceptionnelle au séjour.

7. Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

8. Ainsi qu'il a été dit au point 5, la vie commune de M. A... avec son épouse et sa fille n'est établie qu'à compter de mars 2019, date à laquelle il les a rejointes en France sans respecter la procédure de regroupement familial et il ne ressort pas des pièces du dossier que la cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer en Turquie, pays dont sont originaires tant le requérant que son épouse. Dès lors, l'obligation faite à M. A... de quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet du Morbihan.

Délibéré après l'audience du 30 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente de chambre,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2023.

La rapporteure,

J. LELLOUCH

La présidente,

C. BRISSON

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT02605


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02605
Date de la décision : 15/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: Mme Judith LELLOUCH
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : CABINET DGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-15;23nt02605 ?
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