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15/12/2023 | FRANCE | N°23NT02059

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 15 décembre 2023, 23NT02059


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2022 par lequel le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, lui a interdit de retourner en France pendant une durée d'un an et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite.



Par un jugement n° 2301650 du 28 juin 2023, le tribunal administratif de

Rennes a annulé l'arrêté du 10 novembre 2022.



Procédure devant la cour :



Par une ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2022 par lequel le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, lui a interdit de retourner en France pendant une durée d'un an et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite.

Par un jugement n° 2301650 du 28 juin 2023, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 10 novembre 2022.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 juillet 2023, le préfet du Finistère demande à la cour d'annuler ce jugement du 28 juin 2023 du tribunal administratif de Rennes, de rejeter la demande de Mme B... et de prononcer le remboursement des frais versés en première instance au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que le refus de titre contesté était entaché d'une erreur de droit tenant à ce qu'il se serait cru lié par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 septembre 2022, Mme A... B..., représentée par Me Semino, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'État sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle fait valoir que :

- le moyen soulevé par le préfet du Finistère n'est pas fondé ;

- le refus de titre de séjour contesté méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'une absence de prise en charge médicale l'exposerait à des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

- l'obligation de quitter le territoire français en litige méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'une absence de prise en charge médicale l'exposerait à des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle ne pourra pas bénéficier de manière effective de soins en Géorgie.

Mme A... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, modifié ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Catroux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante géorgienne, née en 1979, est entrée en France, selon ses déclarations, le 20 septembre 2021, accompagnée de son époux et de leur fils né en 2017.

Le 21 octobre 2021, elle a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Cette demande, traitée selon la procédure accélérée en raison de son pays d'origine, a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 24 mars 2022, puis par la Cour nationale du droit d'asile, le 18 juillet 2022. Mme B... a sollicité, le 14 juin 2022, auprès des services de la préfecture du Finistère, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article

L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du

10 novembre 2022, le préfet du Finistère a rejeté cette demande, a obligé Mme B... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a interdit à la requérante le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler cet arrêté. Par un jugement du

28 juin 2023, dont le préfet du Finistère relève appel, le tribunal a fait droit à cette demande.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. (...) ".

3. Il ressort de l'arrêté contesté que, pour rejeter la demande de titre de séjour de Mme B... présentée sur le fondement des dispositions précitées, le préfet du Finistère a repris, dans le cadre des motifs de cet arrêté, les éléments de l'avis rendu, le 23 septembre 2022, par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), selon lequel le défaut de la prise en charge médicale, nécessitée par l'état de santé de l'intéressée, ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et l'intéressée peut voyager sans risque vers son pays d'origine. Le préfet a déduit de la teneur de cet avis que Mme B... ne remplissait pas les conditions être admise au séjour au titre de l'article L.425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'autorité administrative, qui ne disposait par ailleurs d'aucun autre document médical pour statuer sur la demande qui lui était présentée, doit, dès lors, être regardée comme ayant fait siennes les conclusions énoncées dans son avis par le collège des médecins de l'OFII. Il ne ressort, de plus, d'aucune autre pièce du dossier qu'elle se serait cru liée par l'avis du collège de médecins de l'OFII. Dans ces conditions, et en dépit de la rédaction non dépourvue d'une certaine ambiguïté, l'arrêté contesté n'est pas entaché d'une erreur de droit, tenant au défaut d'examen particulier de la situation de Mme B... ou au fait pour le préfet de s'être cru lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII.

4. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes s'est fondé sur ce moyen pour annuler l'arrêté contesté. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif et la cour.

Sur les autres moyens soulevés contre l'arrêté contesté :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 visé ci-dessus : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant: / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

6. Il ressort de l'avis rendu, le 23 septembre 2022, par le collège de médecins de l'OFII concernant Mme B... qu'il comporte les précisions prévues par les dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016, est revêtu de la signature des trois médecins qui l'ont rendu et mentionne le nom du médecin ayant rédigé le rapport médical soumis à l'examen du collège. Le moyen tiré du vice de procédure au regard de ces dispositions ne peut, dès lors, qu'être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : " L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ". Si Mme B... soutient que l'absence de prise en charge médicale de son état l'exposerait à des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le certificat médical qu'elle produit relatif à un implant orthopédique dont elle est porteuse sur la hanche droite ne suffit pas l'établir. Il ressort au contraire de l'avis du collège médical de l'OFII que le défaut de prise en charge médicale des pathologies de l'intéressée n'aurait pas de telles conséquences. La circonstance, que fait valoir Mme B..., sans toutefois étayer son allégation d'éléments suffisamment probants, d'une absence d'accès effectif aux soins requis par son état de santé en Géorgie n'a, dès lors, pas d'incidence sur la légalité des décisions contestées. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 425-9 et du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent, dès lors, être écartés.

8. En troisième lieu, eu égard à ce qui précède, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire ne peut qu'être écarté.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Et aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Si Mme B..., dont, par ailleurs, la demande d'asile a été rejetée, soutient qu'elle est exposée en cas de retour dans en Géorgie à des traitements inhumains et dégradants, elle n'étaye cette allégation d'aucun élément probant. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées ne peuvent donc qu'être écartés.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français.

Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ".

11. Mme B... n'a pas de lien personnel ou familial avec la France, où elle ne séjournait que depuis un an à la date de la décision contestée, son époux et son fils faisant aussi l'objet de mesures d'éloignement, le préfet a fait une exacte application de ces dispositions en prenant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Finistère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 10 novembre 2022. Ce jugement doit, par suite, être annulé, y compris en ce qu'il a mis à la charge de l'Etat une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, une telle annulation entraînant nécessairement l'obligation de rembourser cette somme, dans l'hypothèse où elle aurait déjà été versée.

Sur les frais d'instance :

13. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'une somme soit mise, sur leur fondement, à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 28 juin 2023 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de l'avocat de Mme B..., présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée, pour information, au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 30 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. Vergne, président assesseur,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2023.

Le rapporteur,

X. CATROUX

Le président,

C. BRISSON

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT020592


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02059
Date de la décision : 15/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : SEMINO

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-15;23nt02059 ?
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