Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2023 par lequel le préfet du Finistère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière et la décision l'obligeant à se présenter une fois par semaine au commissariat de police.
Par un jugement n° 2301205 du 15 mai 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la requête de M. A....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 juin 2023, M. B... A..., représenté par la SELARL Valadoux-Josselin et Associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 mai 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2023 du préfet du Finistère ;
3°) d'enjoindre au préfet du Finistère, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de titre de séjour, dans le même délai et sous la même astreinte ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article R. 5221-33 du code du travail, dès lors qu'il était, à la date de la décision litigieuse, involontairement privé d'emploi ;
- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il entend expressément reprendre en cause d'appel l'intégralité des moyens développés dans ses écritures de première instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2023, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Vergne,
- et les observations de Me Clairay, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant nigérian, est entré irrégulièrement en France en octobre 2016 selon ses déclarations. Etant alors mineur, il a été pris en charge et confié à l'aide sociale à l'enfance. Il a bénéficié d'un visa de régularisation en octobre 2019 et d'un titre de séjour étudiant puis d'un titre de séjour salarié valable jusqu'au 19 juillet 2022. Il a sollicité le 11 octobre 2022 la délivrance d'un titre de séjour " salarié ", sur le fondement de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 27 janvier 2023, le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligé à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 15 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le requérant expose en page 8 de sa requête d'appel, insérée dans une partie " II- Sur le mal fondé du jugement litigieux " que " les juges de première instance ont entaché le jugement querellé d'une irrégularité justifiant son annulation en raison d'une contrariété dans ces motifs ". A supposer que, par cette argumentation, le requérant ait entendu obtenir l'annulation du jugement attaqué en raison de son irrégularité, une éventuelle contradiction des motifs ne serait de nature qu'à affecter le bien-fondé d'une décision juridictionnelle et non sa régularité.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié" d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles
L. 5221-2 et suivants du code du travail. / Par dérogation aux dispositions de l'article L. 433-1, elle est prolongée d'un an si l'étranger se trouve involontairement privé d'emploi. Lors du renouvellement suivant, s'il est toujours privé d'emploi, il est statué sur son droit au séjour pour une durée équivalente à celle des droits qu'il a acquis à l'allocation d'assurance mentionnée à l'article L. 5422-1 du code du travail. ". L'article R. 421-2 du même code dispose que : " L'étranger titulaire de la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " qui se trouve involontairement privé d'emploi présente tout justificatif relatif à la cessation de son emploi et, le cas échéant, à ses droits au regard des régimes d'indemnisation des travailleurs privés d'emploi. / Le préfet statue sur sa demande de renouvellement conformément aux dispositions de l'article L. 421-1 ". Aux termes de l'article R. 5221-33 du code du travail : " Par dérogation à l'article R. 5221-32, la validité d'une autorisation de travail constituée d'un des documents mentionnés au 6° ou au 9° bis de l'article R. 5221-3 est prorogée d'un an lorsque l'étranger se trouve involontairement privé d'emploi à la date de la première demande de renouvellement. / Si, au terme de cette période de prorogation, l'étranger est toujours privé d'emploi, il est statué sur sa demande compte tenu de ses droits au regard du régime d'indemnisation des travailleurs involontairement privés d'emploi ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a travaillé comme ouvrier ostréicole auprès de l'EARL Sourbier à partir du 17 septembre 2019, en dernier lieu dans le cadre d'un contrat à durée déterminée comme saisonnier du 1er mai au 31 décembre 2020 puis d'un contrat à durée indéterminée à partir du 1er juillet 2021, et s'est vu délivrer, pour exercer cet emploi, un titre de séjour " salarié " d'un an valable du 10 juillet 2021 au 19 juillet 2022. Il est constant, toutefois, que M. A... n'a pas travaillé pour cette entreprise au-delà du 9 octobre 2021 et qu'il a rejoint dès la fin de l'année 2021 l'entreprise Saloum Exotiques avec laquelle il a conclu un contrat à durée indéterminée le 9 décembre 2021 pour un emploi à temps partiel, transformé à partir du 1er mai 2022 en emploi à temps plein. A la suite de sa demande de renouvellement de son titre de séjour, transmise à l'administration en temps utile en juin 2022, il a été reçu en rendez-vous à la préfecture du Finistère, mais n'a pas été en mesure, lors de ce rendez-vous du 11 octobre 2022, ni ultérieurement, de produire pour ce poste l'autorisation de travail dont la détention préalable est exigée par les dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni même une demande de délivrance d'une telle autorisation, remplie par son employeur, qui, contacté par les services de la préfecture, leur a indiqué que l'intéressé avait démissionné de son poste et qu'ainsi, il n'y avait aucune autorisation de travail à solliciter.
5. Si M. A... se prévaut des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de celles de l'article R. 5221-33 du code du travail, prévoyant la prolongation pour une durée d'un an de la validité de sa carte de séjour " salarié " pour l'étranger bénéficiaire d'une autorisation lui permettant d'occuper un emploi mais qui se trouve par la suite involontairement privé de cet emploi, il n'établit pas qu'il se trouvait dans cette situation, alors que, à la date de sa demande, il était employé par la société Saloum Exotiques, sans que celle-ci y ait été autorisée, et qu'il n'est pas démontré, au surplus, que cette société, qui a déclaré à l'administration que M. A... avait démissionné, serait à l'initiative de la rupture de la relation de travail, la seule allégation d'un conflit avec cet employeur et de ce que celui-ci l'aurait " forcé à démissionner afin de ne pas avoir à effectuer les formalités nécessaires " n'étant sur ce point pas suffisante.
6. D'autre part, si le requérant entend se prévaloir de la situation plus ancienne résultant de la fin de sa relation de travail avec l'entreprise Sourbier, il est constant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, qu'il s'est prévalu, pour demander le renouvellement de sa carte de séjour, du contrat à durée indéterminée signé dès le 9 décembre 2021 dans une autre entreprise, la société Saloum Exotiques, pour au moins 120 heures par mois, transformé par la suite en contrat à temps complet. A supposer que, nonobstant ce nouvel emploi exercé, il puisse invoquer la perte de l'emploi occupé précédemment, il n'établit pas, par les documents produits, notamment par la production d'une attestation de l'entreprise Sourbier établie pour Pôle Emploi le 16 janvier 2023, le caractère subi et donc involontaire de la cessation de cet emploi, ladite attestation mentionnant comme motif de la rupture du contrat de travail à la date du 25 février 2022, " licenciement pour autre motif ", sans préciser ce motif dans le champ vierge prévu à cette fin, ainsi que l'absence de tout versement d'indemnités de licenciement et de toute transaction en cours. M. A... ne pouvait donc être regardé comme involontairement privé d'emploi au 25 février 2022 et son licenciement, à cette date, de son précédent emploi ne pouvait lui ouvrir droit à la prolongation de son titre de séjour par dérogation à l'article L. 433-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Il résulte de ce qui précède que ni le départ de M. A... de l'entreprise Sourbier ni son départ de l'entreprise Saloum Exotiques n'impliquaient la prolongation du précédent titre de séjour de l'intéressé. Il incombait à celui-ci, pour prétendre au renouvellement de son titre de séjour, de justifier d'une activité salariée sous contrat à durée indéterminée et de la détention, pour l'exercice de cette activité, d'une autorisation de travail. Or il est constant que l'intéressé ne disposait pas d'une telle autorisation et qu'il n'a pas non plus été en mesure de produire une demande de de son employeur actuel tendant à la délivrance de ce document. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article R. 5221-33 du code du travail doit être écarté.
8. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".
9. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., est célibataire, sans charge de famille en France. Il n'établit pas l'ancienneté et la stabilité de la relation qu'il indique avoir avec une ressortissante française depuis août 2020 en se prévalant d'une attestation peu circonstanciée de celle-ci ou des attestations, également peu précises, de voisins attestant surtout de ses qualités personnelles, ni en faisant état d'un projet d'engagement d'une procédure d'adoption en faveur de l'enfant de sa compagne, projet auquel le père biologique de l'enfant, bien que retourné au Mali, s'opposerait. Il n'apporte pas non plus, malgré la production de quelques photographies et de documents l'autorisant à venir chercher cette enfant à l'école et le présentant comme le père de celle-ci, d'éléments suffisants de nature à établir une proximité particulièrement intense avec la petite Inaya Niakate, née le 1er janvier 2019. Par ailleurs, alors même qu'il a quitté le Nigeria depuis 2016, à l'âge de 15 ans et demi, il ne ressort pas de pièces du dossier qu'il dépourvu d'attaches, notamment, familiales dans son pays d'origine. S'il a pu bénéficier de l'aide sociale à l'enfance et travailler, il n'a plus d'emploi et se borne à présenter une promesse d'embauche non assortie d'une demande d'autorisation de travail. Il ne justifie pas non plus d'une intégration particulière en France, malgré la durée de son séjour et des périodes significatives pendant lesquelles il a travaillé. Dans ces conditions, le préfet du Finistère n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision attaquée et n'a, dès lors, pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. En troisième lieu, M. A... déclare qu'il entend expressément reprendre en cause d'appel l'intégralité des moyens développés dans ses écritures de première instance, qu'il joint à sa requête et qui soulevaient, outre les moyens analysés ci-dessus, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué et, à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire et de se présenter aux services de la gendarmerie nationale, celui tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. Il y a lieu, toutefois, d'écarter ces moyens, qui ne sont pas assortis d'éléments nouveaux, par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 janvier 2022, par lequel le préfet du Finistère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière. Par suite ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles fondées sur les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Finistère.
Délibéré après l'audience du 30 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Lellouch, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2023.
Le rapporteur,
G.V. VERGNE
La présidente,
C. BRISSON
La greffière,
A. MARTIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous mandataires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT01770