Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 30 août 2022 et du 26 décembre 2022 par lesquels le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement nos 2204638, 2300270 du 12 avril 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la requête de M. B....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 juin 2023, M. D... B..., représenté par
Me Blanchot, demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du 12 avril 2023 en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour prise à son encontre le 26 décembre 2022;
2°) d'annuler l'arrêté du 26 décembre 2022 par lequel le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet du Finistère à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- en estimant qu'il constitue une menace pour l'ordre public et en lui opposant les dispositions de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Finistère a commis des erreurs de fait, une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation ; plusieurs des infractions qui lui sont reprochées ne sont pas établies ; ces infractions apparaissent anciennes et inégales dans leur gravité ; il a fait d'importants efforts d'intégration, notamment professionnelle, et sa situation familiale doit être prise en compte ; la commission du titre de séjour a émis un avis favorable à l'unanimité, dont le jugement attaqué ne fait pas mention ;
- la décision attaquée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; alors même qu'aucune obligation de quitter le territoire n'est prise à son encontre, l'article L. 411-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que l'étranger auquel la délivrance d'un titre de séjour a été refusée est tenu de quitter le territoire ; la décision litigieuse l'empêche de travailler et de subvenir aux besoins de sa famille et notamment à ceux de son enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2023, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 1er août 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Vergne,
- et les observations de Me Pavy, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant tunisien né en 1987, est entré irrégulièrement en France le 1er novembre 2014. Il est le père d'une enfant française, née le 1er janvier 2015 à Brest et qu'il a reconnue le 15 avril 2016, dont la mère est Mme C..., ainsi que d'un fils de nationalité française, né le 16 septembre 2019 à Brest, de sa relation avec Mme A.... M. B... a déposé en 2016, 2018 et 2020, auprès des services de la préfecture du Finistère, des demandes de titre de séjour " parent d'enfant français " qui ont été rejetées par des décisions devenues définitives. Le 16 juin 2022, il a déposé une nouvelle demande sur le même fondement. Le préfet du Finistère a rejeté cette demande, par une décision du 30 août 2022, dont M. B... a demandé l'annulation par une requête enregistrée par le tribunal administratif de Rennes sous le n° 2204638. L'exécution de cette décision a toutefois été suspendue par une ordonnance du juge des référés du tribunal du 29 septembre 2022 au motif que la commission du titre de séjour n'avait pas été consultée, cette ordonnance enjoignant au préfet du Finistère de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de quatre mois. Dans le cadre de ce réexamen, le préfet a saisi la commission du titre de séjour qui a, le 2 décembre 2022, rendu un avis favorable à la demande de l'intéressé. Le préfet du Finistère a néanmoins rejeté une nouvelle fois la demande de
M. B..., par une décision du 26 décembre 2022 que l'intéressé a contestée dans le cadre d'une instance n° 2300270 et dont l'exécution a été suspendue par une nouvelle ordonnance du juge des référés du tribunal du 3 février 2023. Le tribunal administratif de Rennes, par un jugement du 12 avril 2023, a joint les deux procédures n° 2204638 et n°2300270, annulé le refus de séjour du 30 août 2022 et rejeté les conclusions du requérant dirigé contre l'arrêté du
26 décembre 2022. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il ne lui donne pas satisfaction par l'annulation de la décision de refus de séjour prise en dernier lieu à son encontre le 26 décembre 2022.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" " et aux termes de son article 10 de ce même accord : " 1. Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : / (...) c) Au ressortissant tunisien qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France, à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins ". L'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 renvoie, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord et nécessaires à sa mise en œuvre.
3. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Aux termes de l'article L. 412-5 du même code : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " ".
4. M. B... a sollicité un titre de séjour en sa qualité de parent d'enfant français sur le fondement des stipulations et dispositions précitées, d'une part, du c) de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, d'autre part, de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par sa décision du 26 décembre 2022, le préfet du Finistère a décidé de ne pas faire droit à cette demande en se fondant sur les dispositions de l'article
L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sur la menace pour l'ordre public que constituerait la présence en France de M. B....
5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... a été mis en cause, le 29 octobre 2013, lors d'un précédent séjour en France, pour des faits de vol par effraction, puis après son retour en France, le 20 avril 2015, pour des faits de violence par personne en état d'ivresse et destruction ou dégradation d'un véhicule privé. Le 19 mars 2018, il a été condamné à une peine d'emprisonnement de 18 mois, dont 6 mois avec sursis pour des faits, survenus le
15 mars 2018, de violence ayant entraîné une incapacité totale de travail n'excédant pas huit jours, commis par conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité et en état d'ivresse, de violence ayant entraîné une incapacité totale de travail n'excédant pas huit jours en état d'ivresse manifeste sur une deuxième personne, et de violence n'ayant entraîné aucune incapacité totale de travail par l'exhibition menaçante d'un couteau sur une troisième personne. Enfin, le 8 août 2022, il a été condamné à une amende de 400 euros et à une interdiction de conduire un véhicule à moteur pendant six mois pour des faits, commis le 6 avril 2022, de conduite d'un véhicule, à savoir un scooter, après avoir fait usage de stupéfiants. Si le requérant conteste la prise en compte des plus anciens de ces faits au motif qu'ils n'ont pas été constatés et sanctionnés par le juge pénal et résultent de simples indications portées au fichier du " traitement des antécédents judiciaires " (TAJ), lequel répertorie des personnes victimes ou simplement mises en cause, il n'en conteste pas sérieusement la réalité, alors qu'il y est inscrit comme auteur des infractions susmentionnées, que le jugement rendu à son encontre le 19 mars 2018 comporte la mention " déjà condamné ", et qu'il ressort des débats devant la commission du titre de séjour du Finistère du 2 décembre 2022 que, interrogé sur ces infractions, il a regretté les avoir commises. La copie du jugement du 19 mars 2018 porte en outre mention d'une révocation partielle du sursis avec mise à l'épreuve par un jugement du juge d'application des peines de Brest du 18 décembre 2020, ainsi que d'un nouveau jugement de ce juge convertissant cette révocation partielle en une peine de 70 heures de travaux d'intérêt général pendant 18 mois, éléments qui ne vont pas dans le sens de l'absence de risque pour l'ordre public constitué par la présence de M. B... postérieurement à sa sortie de prison. Par leur gravité et leur caractère répété et encore récent, ces faits établissent qu'à la date de la décision attaquée, la présence en France de M. B... constituait toujours une menace pour l'ordre public, sans que l'intéressé puisse valablement opposer les efforts d'insertion professionnelle qu'il a effectués depuis 2018, qui n'apparaissent pas, au demeurant, d'une intensité particulière. Par suite, le préfet du Finistère a pu, sans commettre les erreurs de fait, l'erreur de droit et l'erreur d'appréciation qui lui sont reprochées, refuser au requérant, au motif tiré de la menace pour l'ordre public figurant à l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la délivrance de plein droit du titre de séjour prévu par les dispositions de l'article L. 423-7 du même code pour les étrangers parents d'enfants français.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. D'une part, la décision attaquée n'a ni pour objet ni pour effet de séparer M. B... de sa famille et notamment de son fils, le préfet ayant uniquement statué sur son droit au séjour, au regard des dispositions des articles L. 412-5 et L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour et des circonstances de fait en cours à la date de sa décision. D'autre part, les documents produits ne permettent pas d'établir une vie commune particulièrement ancienne, intense et stable de
M. B... avec Mme A..., ni sa contribution effective et continue à l'entretien et l'éducation de Rayan B... depuis la naissance de celui-ci en 2019, ni de l'enfant qu'il a eu en 2015 avec Mme C.... D'autre part, les éléments d'intégration fournis, notamment au plan professionnel, apparaissent limités, M. B... ne justifiant que de quelques missions d'intérim en 2020 et 2022, ainsi que de l'engagement d'un parcours d'accès à l'emploi " découverte des métiers " de 330 heures du 15 mai au 1er août 2018, période au cours de laquelle il était en détention et a pu découvrir les métiers de peintre et de soudeur et valider un projet professionnel lui ouvrant la perspective d'une orientation par la formation vers ce dernier métier, par l'intermédiaire de l'Association professionnelle pour la formation des adultes, projet de formation qu'il n'a toutefois réactivé en lien avec Pôle emploi qu'en novembre 2022. En l'état du dossier, au regard des motifs de fait relatifs à la vie privée et familiale de M. B... mentionnés ci-dessus et de la menace à l'ordre public que sa présence en France représentait encore, et malgré l'avis favorable à sa régularisation rendu à l'unanimité le 2 décembre 2022 par la commission du titre de séjour, le préfet du Finistère a pu refuser de délivrer un titre de séjour à l'intéressé, sans porter une atteinte disproportionnée au droit de celui-ci au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ". Aux termes de l'article 7 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. L'enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d'acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux (...) ".
9. Pour les mêmes motifs que ceux énoncé ci-dessus et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prenant la décision attaquée le préfet du Finistère aurait omis de porter une considération primordiale à l'intérêt supérieur du fils du requérant, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 décembre 2022 par lequel le préfet du Finistère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour. Par suite ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles fondées sur les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Finistère.
Délibéré après l'audience du 30 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Lellouch, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2023.
Le rapporteur,
G-V. VERGNE
La présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
A. MARTIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous mandataires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT01720