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15/12/2023 | FRANCE | N°23NT01425

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 15 décembre 2023, 23NT01425


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 22 septembre 2022 par lequel le préfet de l'Orne a refusé de lui délivrer un titre de séjour pour raisons de santé, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.



Par un jugement no 2202176 du 3 février 2023, le tribu

nal administratif de Caen a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 22 septembre 2022 par lequel le préfet de l'Orne a refusé de lui délivrer un titre de séjour pour raisons de santé, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.

Par un jugement no 2202176 du 3 février 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 mai 2023, M. A..., représenté par Me Crabières, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 3 février 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Orne du 22 septembre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Orne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour temporaire d'un an portant la mention " vie privée familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le refus de titre contesté est entaché d'un vice de procédure, en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

- il est entaché d'une erreur d'appréciation, s'agissant de la menace à l'ordre public que représente sa présence en France et de l'impact disproportionné sur sa vie privée et familiale ;

- il méconnaît l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire contesté méconnaît les dispositions des 5° et 6° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le refus de délai de départ volontaire est entaché d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'interdiction de retour sur le territoire est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 juillet 2023, le préfet de l'Orne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du

12 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Catroux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant du Guyana, a déclaré être entré en France le 11 octobre 2011 muni d'un visa de court séjour. De sa relation avec une ressortissante française, il a eu trois enfants, nés en 2008, 2013 et 2014. Il a obtenu en février 2012 un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en tant que parent d'enfants français. Par un arrêté du 26 août 2013, le préfet de la Sarthe a refusé le renouvellement de ce titre de séjour et a obligé M. A... à quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Un nouvel arrêté préfectoral portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français a été pris le 29 décembre 2016.

M. A..., qui a exécuté cette mesure d'éloignement, a déclaré être revenu en France en 2018. Il a épousé une autre ressortissante française, avec qui il a eu un enfant en 2019. Le requérant a déposé une demande de titre de séjour en qualité de parent d'enfant français, qui a été rejetée le 11 août 2020. M. A..., qui est incarcéré depuis le 26 novembre 2020, a sollicité le 11 juillet 2022 son admission au séjour sur le fondement des articles L. 423-7, L. 423-1 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 22 septembre 2022, dont le requérant demande l'annulation, le préfet de l'Orne a rejeté la demande de titre de séjour de M. A..., l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé son pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE ". ". D'autre part, aux termes de l'article L. 423-7 du même code : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". En vertu de l'article 371-2 du code civil, chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. Enfin, aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies ; / 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; / 2° Le conjoint a conservé la nationalité française ; 3° Lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, il a été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêt du 30 mars 2021, la cour d'appel d'Angers a condamné M. A... à une peine d'emprisonnement de trois ans pour des faits de transport et de détention non autorisés de stupéfiants. Il s'agissait d'un trafic de grande ampleur et bien ancré, de cocaïne. M. A... a été incarcéré à compter du 26 novembre 2020 en raison de cette condamnation. Il ressort également de cet arrêt que le bulletin n° 2 du casier judiciaire de l'intéressé mentionne que ce dernier a déjà été condamné en 2012 et 2014 à des peines d'emprisonnement pour des violences conjugales. Sa dernière épouse a fait état en 2020 de violence de l'intéressé à son égard. M. A..., s'il a fait des efforts pour se former et travailler en détention, était toutefois sans emploi ni ressources avant cette incarcération. Eu égard au caractère non isolé, à la particulière gravité des faits commis en 2020 par le requérant et à leur caractère très récent à la date de la décision contestée, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation ni porté d'atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale en refusant d'admettre au séjour le requérant sur le fondement des articles L. 423-1 et L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public. Il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif. Dès lors les moyens tirés de la méconnaissance de ces articles doivent être écartés.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) ". Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; / 6° L'étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française ; (...) ".

5. Les documents qu'a produits le requérant, à savoir les factures d'achat émises entre 2014 et 2017, les mandats cash de 2015 et 2016 au profit de la mère de ses trois premiers enfants français, et la preuve d'une dizaine de virements au profit de cette dernière entre juillet 2019 et octobre 2020 pour des montants compris entre 50 et 300 euros ainsi que les attestations de visites médiatisées en 2016 et 2017 ne permettent pas d'établir qu'il a contribué effectivement à l'éducation de ses trois enfants depuis au moins deux ans. De plus, le requérant n'établit pas avoir maintenu les liens avec ceux-ci depuis son incarcération en 2020. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. En troisième lieu, M. A... soutient que la communauté de vie avec une ressortissante française avec laquelle il s'est marié le 18 février 2017 n'avait pas cessé à la date de la décision contestée. Il ressort des pièces du dossier que quelques visites au parloir ont eu lieu entre les époux et que Mme A... a écrit à son époux à l'adresse de l'établissement pénitentiaire, le contenu de deux courriers de décembre 2020 ayant été versé au débat. Toutefois, il ressort en revanche de l'historique des parloirs édité le 24 août 2022 qu'il ne mentionne la présence de son épouse et d'un de ses enfants qu'à deux reprises les 23 octobre et 18 décembre 2021, et ne relève aucune visite à compter de cette date. De même, si deux lettres lui ont été adressées par son épouse en mars et juin 2022, le requérant ne produit pas ces courriers. Enfin, la reprise alléguée de la vie commune de M. A... avec son épouse depuis sa sortie de prison en octobre 2022 ne ressort, en tout état de cause, pas des pièces du dossier. Par suite, la continuité de la vie commune depuis le mariage n'étant pas établie, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 6° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

7. En quatrième lieu, M. A... résidait depuis quatre ans en France, où résident ses quatre enfants nés en 2008, 2013, 2014 et 2019 ainsi que son épouse, tous ressortissants français. Toutefois, ainsi qu'il a été dit précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier, qu'à la date de la décision contestée, il contribuait effectivement à l'éducation et à l'entretien de ses enfants et qu'il avait maintenu la communauté de vie avec son épouse. Par suite, eu égard à la menace à l'ordre public que représentait la présence de l'intéressé en France, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de ce dernier ni méconnu l'intérêt supérieur de ces enfants. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent, dès lors, être écartés.

8. En cinquième lieu, le requérant reprend en appel, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveau, les moyens invoqués en première instance, tirés de ce que le refus de titre est entaché d'un vice de procédure, en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour, le refus de délai de départ volontaire est entaché d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que l'interdiction de retour sur le territoire est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 612-6 du même code. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet de l'Orne.

Délibéré après l'audience du 30 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. Vergne, président assesseur

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2023.

Le rapporteur,

X. CATROUXLa présidente,

C. BRSSON

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°23NT01425


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01425
Date de la décision : 15/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : HAJJI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-15;23nt01425 ?
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