Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 9 août 2022 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné.
Par un jugement n° 2207024 du 30 décembre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 février 2023 et 8 mars 2023, M. E..., représenté par Me Sinclair Mbogning, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;
2°) d'annuler le jugement du 30 décembre 2022 du tribunal administratif de Lille ;
3°) d'annuler l'arrêté du 9 août 2022 du préfet du Nord ;
4°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ainsi que les dépens.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente dès lors qu'il n'est pas justifié de l'absence ou de l'empêchement du délégataire principal à la date à laquelle l'arrêté a été signé ;
- il est insuffisamment motivé et procède d'un défaut d'examen sérieux dès lors qu'il ne tient pas compte de ce qu'il est atteint d'une affection de longue durée, de la spécificité du traitement dont il a besoin et de l'impossibilité d'en bénéficier dans son pays d'origine ;
- il a été pris en méconnaissance du principe du contradictoire et de son droit de faire des observations dès lors qu'il n'a pas été informé du sens de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et n'a pas pu y répliquer ;
- la décision de refus de séjour méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne peut pas effectivement bénéficier, dans son pays d'origine, du traitement que son état de santé requiert, du fait de son coût financier et des insuffisances du système de santé ;
- compte tenu des risques qu'elle emporte pour sa vie et sa santé et de ses effets sur sa vie privée et familiale en France, elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il dispose en France de son frère et de sa nièce et compte tenu de son intégration professionnelle et sociale ;
- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est atteint d'une affection de longue durée pour laquelle il ne peut pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
- compte tenu des risques qu'elle emporte pour sa vie et sa santé, elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2023, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête et s'en rapporte à ses écritures produites en première instance.
Par une ordonnance en date du 29 août 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 septembre 2023 à 12 heures.
M. E... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 mai 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., né le 9 mars 1992, ressortissant de la République démocratique du Congo, est entré en France le 10 août 2015, sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant ", et a été mis en possession de titres de séjour pour ce même motif jusqu'au 30 septembre 2019. Il a ensuite obtenu, en raison de son état de santé, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " valable du 7 octobre 2019 au 6 octobre 2020, renouvelé une première fois jusqu'au 14 décembre 2021. Il en a sollicité à nouveau le renouvellement le 4 octobre 2021. Par un arrêté du 9 août 2022, le préfet du Nord au refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il devrait être éloigné. M. E... relève appel du jugement du 30 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Par une décision du 4 mai 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai a admis M. E... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, ses conclusions tendant à ce qu'il soit admis à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les moyens communs à toutes les décisions attaquées :
3. En premier lieu, par un arrêté du 20 juin 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Nord n° 151 du 20 juin 2022, le préfet du Nord a donné à Mme A... F..., attachée principale d'administration de l'Etat, cheffe de bureau du contentieux et du droit des étrangers, délégation pour signer notamment " les décisions relatives à la délivrance et au refus de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour ", " les décisions portant obligation de quitter le territoire français ", " les décisions relatives au délai de départ volontaire " ainsi que " les décisions fixant le pays à destination duquel un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement doit être éloigné ". Ce même arrêté prévoit qu'en cas d'absence ou empêchement de Mme F..., cette même délégation est également donnée à M. B... C..., attaché d'administration de l'Etat, adjoint à la cheffe du bureau du contentieux et du droit des étrangers et signataire de l'arrêté attaqué. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme F... n'aurait, à la date de l'arrêté attaqué, pas été absente ou empêchée. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué doit être écarté comme manquant en fait.
4. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué vise et mentionne les dispositions qui constituent les fondements légaux de chacune des décisions qu'il prononce à l'encontre de M. E.... Il comporte des considérations de fait suffisantes ayant mis l'intéressé à même de comprendre les motifs de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour qui lui est opposée. Dès lors qu'elle est fondée sur celle-ci, la décision portant obligation de quitter le territoire français qui est également prononcée à son encontre n'avait, quant à elle, pas à faire l'objet d'une motivation distincte en application des dispositions du second alinéa de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne ressort en outre pas des pièces du dossier que le préfet du Nord n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation personnelle de l'intéressé. A cet égard, contrairement à ce que soutient M. E..., il ressort des pièces du dossier, notamment des certificats et rapports médicaux établis dans le cadre de la procédure de consultation du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), que le caractère d'affection de longue durée de la pathologie qu'il a invoquée à l'appui de sa demande de titre de séjour a été pleinement pris en compte. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué et de ce qu'il procèderait d'un défaut d'examen sérieux doit être écarté.
5. En troisième lieu, lorsqu'il sollicite la délivrance d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour.
6. En l'espèce, M. E..., qui se borne à soutenir que l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance de son droit d'être entendu, ne précise pas en quoi il aurait été empêché de porter utilement à la connaissance de l'administration les informations pertinentes tenant à sa situation personnelle avant l'adoption des décisions attaquées, alors au demeurant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet du Nord a statué sur une demande dont il l'avait saisi et a procédé à un examen précis et détaillé de celle-ci. En outre, les conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis auxquels il est recouru dans le cadre de la consultation du collège de médecins de l'OFII et les garanties de procédure aménagées au bénéfice des demandeurs sont précisées par les articles R. 425-11 à R. 425-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé. Au nombre de ces dernières, il n'est nullement prévu que le préfet soit tenu, à peine d'irrégularité, de communiquer au demandeur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet du Nord, pour s'être abstenu de communiquer à M. E... l'avis émis sur sa situation par le collège de médecins de l'OFII, aurait méconnu le principe du contradictoire et son droit d'être entendu doit être écarté.
7. En quatrième lieu, les moyens énoncés dans la requête sommaire introductive d'instance et non repris et développés dans le mémoire complémentaire de M. E..., tirés notamment de ce que l'arrêté attaqué serait de manière générale entaché d'erreur manifeste d'appréciation, d'erreur de droit, d'erreur de fait et d'une violation de l'article R. 425-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne sont pas assortis de précisions suffisantes pour permettre à la cour de se prononcer sur leur bien-fondé et doivent, de ce fait, être écartés.
En ce qui concerne les moyens propres à la décision de refus de séjour :
8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) ". Les conditions d'établissement et de transmission de cet avis, ainsi que des certificats médicaux et rapports médicaux au vu desquels il est pris, sont fixées par les articles R. 425-11 à R. 425-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précisées par des arrêtés des 27 décembre 2016 et 5 janvier 2017 du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de la santé.
9. Il résulte de ces dispositions que la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée à l'étranger se prévalant de motifs de santé si deux conditions cumulatives sont remplies : d'une part, l'état de santé du demandeur doit nécessiter une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et, d'autre part, il doit être justifié que le demandeur ne peut pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Cette seconde condition s'apprécie au regard de l'offre de soins et des caractéristiques du système de santé dans le pays dont le demandeur est originaire. L'article 3 de l'arrêté du 5 janvier 2017 susvisé du ministre de la santé précise à cet égard que : " (...) / L'offre de soins s'apprécie notamment au regard de l'existence de structures, d'équipements, de médicaments et de dispositifs médicaux, ainsi que de personnels compétents nécessaires pour assurer une prise en charge appropriée de l'affection en cause. / L'appréciation des caractéristiques du système de santé doit permettre de déterminer la possibilité ou non d'accéder effectivement à l'offre de soins et donc au traitement approprié. / (...) ".
10. En outre, le préfet statue au vu, notamment, de l'avis rendu par un collège de médecins du service médical de l'OFII. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération cet avis médical. Si le demandeur entend en contester le sens, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'OFII, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.
11. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de renouvellement du titre de séjour lui ayant été délivré sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. E..., qui a accepté de lever le secret relatif aux informations médicales le concernant par un courrier enregistré au greffe du tribunal administratif de Lille le 25 novembre 2022, s'est prévalu de ce qu'il est atteint d'un diabète de type I insulinodépendant. Par son avis en date du 15 décembre 2021, le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il pourra bénéficier effectivement d'un traitement approprié en République démocratique du Congo eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans ce pays et que son état de santé lui permet en tout état de cause de voyager sans risque. Pour contester cette appréciation, M. E... fait valoir, d'une part, que la République démocratique du Congo ne dispose pas d'un système médical et d'une offre de soins adaptés au suivi de son état de santé et, d'autre part et surtout, qu'il ne pourra en tout état de cause pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié du fait de son coût financier excessif et de l'absence de toute prise en charge sociale dans son pays d'origine.
12. Toutefois, M. E... produit lui-même, à l'appui de ses développements, une étude publiée en 2015 et intitulée " Evaluation du coût de la prise en charge des personnes vivant avec le diabète sucré en milieu hospitalier de Kinshasa " qui rend compte non seulement de ce que l'offre de soins et le système de santé de la République démocratique du Congo sont à même de prendre en charge les pathologies liées au diabète mais aussi que les traitements y sont effectivement disponibles. Si cette étude conclut que, de manière générale, le coût moyen du traitement du diabète sucré en République démocratique du Congo excède le revenu mensuel moyen des patients, M. E... n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il n'a personnellement pas les ressources suffisantes pour financer son traitement, ni ne pourra les acquérir d'une manière ou d'une autre, alors qu'il ressort en particulier des pièces du dossier qu'il n'est pas inapte à l'exercice d'une activité professionnelle. Par ailleurs, alors qu'il ressort des pièces du dossier que sa pathologie a été diagnostiquée en 2009 et que son père en est lui-aussi atteint, il n'établit pas que ni lui, avant son arrivée en France, ni son père, qui réside toujours dans leur pays d'origine, n'ont pu bénéficier d'un traitement approprié. Il ressort même des pièces du dossier que, lors d'un déplacement dans son pays d'origine en mai 2021, il a bénéficié d'une prise en charge hospitalière à l'occasion d'une crise, sans établir ni alléguer son insuffisance, ce qui témoigne ainsi de la capacité des autorités sanitaires de son pays à le prendre en charge.
13. Dans ces conditions, M. E... n'apporte pas d'éléments suffisants pour infirmer les conclusions de l'avis du collège des médecins de l'OFII quant à la possibilité de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine et sur lequel s'est notamment appuyé le préfet pour prendre la décision en litige. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
14. En second lieu, compte tenu de ce qui vient d'être dit, la décision attaquée ne peut être regardée comme étant de nature à exposer M. E... de manière directe et certaine à des risques pour sa santé et sa vie. En outre, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, M. E... justifiait de seulement sept ans de séjour en France alors qu'il a vécu en République démocratique du Congo la majeure partie de sa vie, jusqu'à l'âge de 23 ans. Il est célibataire et sans charge de famille sur le territoire. S'il y dispose d'un frère, en situation régulière en qualité de parent d'enfant français, il ne justifie pas de l'intensité et de la stabilité des relations avec lui. Il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où résident toujours ses parents. Enfin, alors qu'il justifie seulement de quelques engagements professionnels de courtes durées et peu rémunérateurs, il ne dispose pas d'une situation socio-professionnelle stable en France. Il n'avance aucune considération qui serait de nature à compromettre ou empêcher la poursuite de sa vie professionnelle en République démocratique du Congo. Dans ces conditions, le refus de séjour qui lui est opposé ne peut pas être regardé comme ayant porté une atteinte disproportionnée à son droit à la vie privée et familiale ou emporté des conséquences excessives sur sa situation personnelle eu égard aux buts poursuivis. Dès lors, son moyen tiré de ce que le préfet du Nord aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en lui refusant le renouvellement de son titre de séjour doit être écarté.
15. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour.
En ce qui concerne les moyens propres à l'obligation de quitter le territoire français :
16. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / (...) ".
17. M. E... ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui régissent la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " aux étrangers ayant des liens personnels et familiaux en France, dispositions qu'il n'a au demeurant même pas invoquées à l'appui de sa demande de titre de séjour. En tout état de cause, l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre ne peut être regardée comme portant une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 14. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
18. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
19. Il résulte de ce qui a été dit aux points 8 à 13 qu'il n'est pas établi que M. E... ne puisse pas effectivement bénéficier, dans son pays d'origine, d'un traitement approprié à son état de santé. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français qui lui est faite méconnaîtrait les dispositions précitées du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
20. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".
21. Dès lors que la décision attaquée a seulement pour objet et pour effet de l'obliger à quitter le territoire français et est distincte de la décision fixant le pays de destination, M. E... ne peut utilement se prévaloir des craintes pour sa santé qu'il déclare éprouver en cas de retour en République démocratique du Congo. Celles-ci ne peuvent en tout état de cause pas être regardées comme établies, pour les motifs énoncés aux points 8 à 13. Par ailleurs, dans son avis en date du 15 décembre 2021, le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de l'intéressé lui permet de voyager sans risque. M. E... n'apporte aucun élément en sens contraire, alors qu'il ressort au demeurant des pièces du dossier qu'il a, depuis son arrivée en France et malgré son affection, effectué plusieurs allers-retours vers son pays d'origine, dont un en dernier lieu en mai 2021. Dès lors, l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre ne peut, ni par elle-même ni du fait de son exécution, être regardée comme l'exposant à des peines ou traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté.
22. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas davantage fondé à demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
23. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet du Nord du 9 août 2022. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
24. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que la présente instance ait généré des dépens, de sorte que les conclusions de M. E... tendant à ce que les dépens soient mis à la charge de l'Etat doivent être rejetées.
25. D'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par M. E... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Sinclair Mbogning.
Copie sera adressée au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 1er décembre 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Thierry Sorin, président de chambre,
- M. Marc Baronnet, président-assesseur,
- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2023.
Le rapporteur,
Signé : G. ToutiasLe président de chambre,
Signé :T. Sorin
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
Anne-Sophie VILLETTE
2
N°23DA00192